dimanche 22 juin 2008

Gouvernement de classe




► ► ► « Ils avaient prié, d’abord, mais ils n’avaient pas été exaucés, puis ils avaient timidement réclamé mais ils n’avaient pas été entendus. Ils avaient supplié, en vain.
Et voilà qu’ils s’étaient mis à exiger. »


Daniel Pennac « Le dictateur et le hamac » 2003


Les deux dernières semaines ont été marquées par des manifestations contre la baisse du pouvoir d’achat. Mais qu’on ne s’y trompe pas derrière la similitude des thèmes (« le mazout ») il y a de bien grandes différences à la fois entre les intérêts en jeu et la manière dont les gouvernants y ont réagi.
Visiblement, camions, taxis et tracteurs d’un côté et colossales manifestations syndicales de l’autre, n’ont pas eu le même écho…
"Le gouvernement accepte de prendre à bras le corps les coûts du carburant", a déclaré Olivier Neirynck, secrétaire général de la Brafco. Selon ce dernier, "des pistes intéressantes" ont été avancées par les différents ministres concernés par le dossier. Parmi ces idées, figure notamment l'octroi d'une réduction immédiate pour tout changement d'"outils de chauffe", une revendication de la Brafco. Les ministres Reynders et Laruelle ont également apporté leur soutien à certaines revendications fiscales proposées par les fédérations. » (18.06.08 - Belga)

A part la « compréhension » d’Yves Leterme au soir des manifs, on attend encore une ébauche de fifrelin d’ombre de réaction gouvernementale aux dizaines de milliers de travailleurs qui sont descendus dans la rue entre le 9 et le 12 juin ! Voilà qui démontre bien où sont ses centres d’intérêts sociaux et économiques. Rien de nouveau sous le soleil : les libéraux ont bien senti qui est qui dans les manifestations : les routiers c’est quand même des potes, ils manifestent avec leurs patrons et eux, ils ne sont pas machos, buveurs et « limités » comme cette racaille qui a déferlé sur les pavés de Wallonie…
On se demande seulement : où était la gôche? Au Gouvernement...

FRED

dimanche 15 juin 2008

Après le non irlandais


Banderolle de remerciement à L'Irlande pour son "NON" au traité de Lisbonne. A Quimper lors de la manifestation le 14 juin 2008 contre la fermeture de services dans les hôpitaux du Finistère. - Photothèque Rouge/esteban




"Si les Irlandais votent non, il n'y a plus de Traité de Lisbonne, c'est clair"

François Fillon, premier ministre français, la veille du référendum

« C’est un revers pour l’Europe mais ce résultat souligne le besoin urgent d’introduire un volet plus social et plus populaire dans les politiques européennes. Depuis beaucoup trop longtemps, l’Europe n’accorde pas assez d’importance aux attentes et aux droits des travailleurs et des autres citoyens qui se sentent menacés par la mondialisation et la rapidité des changements. Ce message lancé par l’Irlande tout comme celui lancé par la France et par les Pays-Bas il y a quelque temps, doit être pris en compte de façon urgente » a déclaré le Secrétaire Général de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), John Monks.
Dès le non irlandais on a entendu beaucoup de commentateurs discourir sur le fait « qu’une petite minorité » bloquerait le processus européen. Il n’en reste pas moins que chaque fois que les projets de Traité Constitutionnel (le TCE, ou le Traité de Lisbonne) ont été soumis à un peuple par référendum, ils ont été rejetés… Et il y a gros à parier que si d’autres pays avaient consulté leur population, le non aurait aussi obtenu de forts résultats. Il y a de quoi se poser des questions en haut lieu !
Au lieu de cela, ces gouvernements, dont la Belgique, ont préféré consulter une autre « petite minorité » en limitant le débat aux parlementaires : si vénérables et représentatives soient les assemblées parlementaires, cela réduit considérablement le débat. Et le risque de « désinformation » évoqué une nouvelle fois dans le référendum irlandais, argument qu’on ne sert d’ailleurs qu’aux partisans du non, ne peut pas être contourné en supprimant toute information…
Déjà en mars, je publiais dans ce blog une lettre ouverte de Georges Debunne et ses amis, aux parlementaires qui disait notamment : « Une Constitution n’est pas un document de plus que l’on peut facilement jeter à la poubelle. Par ailleurs, dans notre démocratie, le citoyen pouvait s’attendre à ce que le gouvernement ait assuré une large diffusion de ce texte fondamental et que les autorités politiques aient organisé des débats politiques à grande échelle. Or, non seulement il n’a jamais été question d’une consultation populaire mais, de plus, le débat politique est en dessous de tout. Le débat parlementaire lui même risque d’être au niveau zéro à en croire la discussion hâtive et sans esprit critique qui a eu lieu au Sénat, la chambre de réflexion de notre pouvoir législatif.»
En l’absence de débat sérieux, approfondi, identifiant les enjeux, la démocratie se vide et il ne faut pas s’étonner de l’éloignement des populations de la chose politique. A force de se passer de leur avis, car pas assez intelligentes pour comprendre les briques qu’on leur sert (volontairement illisibles ?), on en revient à une sorte de vote censitaire(1) qui ne dirait pas son nom : une minorité de gens riches et instruits a plus de poids et de valeur que tout le peuple.
Cette nouvelle situation de blocage pour l’Europe appelle de nouvelles initiatives pour le monde du travail : d’abord un grand débat démocratique sur l’Europe que nous voulons, la définition d’objectifs sociaux, environnementaux et de démocratie mais aussi des avancées concrètes pour les travailleurs (un salaire minimum européen, un recours contre les restructurations et délocalisations et un socle commun de droits pour les travailleurs qui en sont victimes,…)
A cette sauce-là on redonnera envie aux populations européennes de construire notre Europe.
FRED

(1) En 1830, le vote est censitaire : ne peuvent dès lors voter que les hommes qui pourront payer le cens, ou 'quota d'impôt'. Réservé à une élite qui plus est exclusivement masculine, car on considérait que seuls les individus ayant les capacités (intelligence, niveau économique) d'exercer cette activité peuvent l'exercer : selon cette théorie seuls « les actionnaires de la grande société » seraient suffisamment légitimes pour exercer l'activité de vote. Moins d'un Belge sur cent pouvait voter à cette date.

jeudi 12 juin 2008

Sayshitforme.con


Le progrès, c’est oublier d’éteindre son GSM et de se faire réveiller en pleine nuit par un BipBipBip, « Vous avez reçu un message de… ». Vous ne vous affolez pas tout de suite, « ce n’est que » votre collègue qui va vous annoncer, vous le savez, que sa femme le quitte. Et bien non, c’est lui mais il a seulement égaré le numéro d’un autre collègue qui devait lui remettre une note importante et dont il n’a pas de nouvelles…
Version courriel, on a les mêmes qui ne vous réveillent pas mais vous envoient à 3h17 du matin, quand même, un message angoissé qui commence invariablement par « Que penses-tu de… ». A cette heure-là, leur mail sent la fin de nuit ou la dernière goutte de café tiédi dans le creux d’une môlaire cariée. Bref voilà les prévisions météo qui changent de camp, votre soleil promis se mue en crachin pour toute la journée.
D’autant qu’à 8h15 ils vous attendent (et LEUR réponse) et mordent tous ceux qui s’approchent de la machine à café, vous traitent (mentalement) de « connard » et retrouvent la boulette de papier qui a échappé à la lessiveuse, 04.8 ..7Y Ω… Ils engueulent (mentalement) leur femme « pour une fois qu’elle ne me fait pas les poches, connasse ! ». Re-mail à l’heure de l’apéro : « tu n’as pas reçu mon message ? » ça sent la boulette mora, sur lit de boursin (ail et fines herbes).

La machine révolutionnaire est arrivée.
Et vous voudriez vous abaisser à répondre à ce genre d’individus ? N’en faites rien. Nous venons d’inventer pour vous la machine à répondre intelligemment dans toutes sortes de situations. En fait ce n’est pas une machine mais une machination. Un effroyable complot qui va vous procurer beaucoup de plaisir, à vous et vos complices.
Car avant tout il vous faut des complices : sitôt réveillé et lu le message angoissant, sortez une bonne bouteille de votre cave et faites-vous inviter chez un copain (une copine, ça marche aussi) pour un déjeuner sympa. Amenez un troisième pote, et un quatrième si le « Que penses-tu de ? » est trop lourd à porter (ou son auteur). Faites gaffe quand même vous n’avez qu’une bouteille.
Le menu n’est pas important, vous pouvez manger des nouilles, des poires, de la citrouille.
Ce qu’il vous faut c’est, si possible, une belle bibliothèque, ou, au minimum, une quarantaine de bouquins entassés sur une chaise. Le premier complice ferme les yeux en goûtant le vin. Le (la) deuxième lui demande de choisir un livre à l’aveuglette. Et, en fermant les yeux, l’ouvre arbitrairement.
La réponse à la question du jour se trouve sur la page de droite, en 27ème et 28ème lignes. Vous les recopiez. Ne les envoyez pas immédiatement, pensez d’abord à vider la bouteille et surtout à tout le bien que cela va vous faire quand vous allez cliquer sur l’icône « envoyer ». Vous serez soulagé, joyeux et surtout plus intelligent car avec vos compères vous venez de découvrir un livre dont vous vous souviendrez. Il ne vous reste plus qu’à convaincre votre hôte de vous le prêter à tour de rôle et à lui laisser faire la vaisselle.
FRED
Merci à Nath pour l'illustration : http://www.messousvetementssontpropres.blogspot.com/

Ceci n'est pas un message codé

Les dingues du parkingue
Depuis qu’les gens n’roulent plus,
ça c’est l’ faute au mazout,
les parkings sont en déroute.
Ils sont d’venus superflus

D’puis lors on fait tout
Sul’parking du Brico
Apprendre à conduire s’nauto
Racket, brocantes et rendez-vous.

Nous autres on est les gardes
On surveille les djambots
On a tiré l’jackpot
En faisant régner l’ordre.

Hommage à PPDP, gardiens du grand parking des idées, juin 2008

mercredi 11 juin 2008

18 heures après la manif

Une nuit plus tard, je reviens sur mes impressions d’après-manif.
Plus précisément sur ce sentiment que quelque chose est en train de changer dans la conscience des gens. C’est confus, discret, un peu comme une odeur de fin d’après-midi chaud, juste avant l’orage. Ce n’est plus l’après-midi, ce n’est pas encore l’orage. Mais déjà le rythme à changé, l’air et les oiseaux ont déjà pris parti…
Je disais c’est « tâtonnant » et qu’il n’y avait pas que le « pouvoir d’achat » dans l’air. J’explique un peu ce que je ressens : les gens qui manifestent, pris individuellement, ont 36 raisons différentes d’y être. Ils se reconnaissent assez bien derrière les mots d’ordre syndicaux pas tellement pour leur contenu mais parce qu’ils sont (enfin) en rupture avec le train-train politique habituel. Ils n’ont donc pas tous des fins de mois difficiles. Mais ils se disent qu’il y en a marre de toujours être dénigrés, ils sentent qu’il y a la nécessité de mettre un stop à la longue période d’offensive patronale contre les acquis. Mais quand la manif démarre, pleine de sève, un petit déclic s’est opéré : ils ne sont plus « 20.000 x 36 bonnes raisons » mais UNE force.
Et quand se virus-là est dans la tête des gens, il faut que tous ceux qui pensent plus loin que le bout de leur nez, se désemberlificotent rapido. Il faut qu’ils pensent à ce qu’on fera après l’orage, et que des propositions concrètes, des revendications justes, des expériences, viennent nourrir le mouvement. Voilà ce que j’appelais « s’occuper de l’accélérateur ». Pour débloquer la société, nous avons besoin d’un mouvement syndical fort et indépendant mais aussi d’une nouvelle capacité politique. Il y a urgence si nous voulons que le soufflet ne retombe pas et que les « gens » ne retombent pas avec.
FRED

mardi 10 juin 2008

Un parfum de « ça va venir »…

Deuxième manif syndicale de la semaine d’action du Front Commun Syndical, pour le pouvoir d’achat et la solidarité. Et pour la deuxième fois, une évidence, la mobilisation dépasse, non pas les espérances, mais ce que, raisonnablement, l’appareil syndical s’était donné les moyens d’espérer.
L’appareil je le connais bien, j’en ai testé toutes les limites mais aussi toutes les frustrations de responsables honnêtes, dévoués et décidés qui trop souvent, pendant de longues périodes de creux, se désespèrent des « gens difficiles à mobiliser »… Mais quand vient le printemps, quand les bourgeons percent l’écorce, ils ne parviennent pas à croire que l’été sera là dans quelques semaines et que la nature n’attendra pas qu’ils se décident à y croire.
Et là, ce soir je sens, quelques vérifications effectuées – un coup téléphone avec P., une rencontre dans la rue avec L., et un petit topo de Fl., …- que ce n’est pas 20.000 mais 30.000 voire 40.000 que l’on aurait pu mobiliser si… Aucun reproche ici mais un amer regret de ces rythmes mal synchronisés, ces articulations bureaucratisées (certains n’ont même pas reçu un tract d’info alors que j’en vois trainer un paquet chez Mr Untel…), de ces responsables en décalage, en retard d’une guerre.
Et bien je ne vais même pas vous parler d’eux, car leur inefficacité n’a d’égal que leur peu d’avenir. Laissons-les s’accrocher les médailles du « plus beau combat du 20ème siècle » pour préparer les 91,5 années que nous réserve le 21ème. Laissons-les regarder dans leur rétroviseur, et occupons nous plutôt de l’accélérateur.
Car ce que j’ai respiré, observé, vu, entendu au cours de ces dernières heures, c’est que les gens –j’utilise volontairement cette vague formule- ont envie de (se) bouger. Plus en tout cas que le cadre étroit, que « l’appareil » ne leur avait concédé. Et pas que pour le pouvoir d’achat. Ils pensent cha-cha-cha, tango renversant, c’est un peu tâtonnant, mais ça a le parfum du « ça va venir »
FRED

samedi 7 juin 2008

Rebetiko -2-

"Quand je serai Premier ministre, tous ceux qui seront Premier ministre, tous vont mourir. Le peuple leur court après, pour tout le bien qu'ils font. Tous vont mourir, tous ceux qui seront Premier ministre. Je pose ma candidature pour être Premier ministre, pour paresser, manger et boire,… Et quand j'irai au gouvernement, je les commanderai tous! Je leur bourrerai le narghilé jusqu'à ce qu’ils soient tous défoncés."
Tous ceux qui seront Premier Ministre – Markos Vamvakaris

Déjà je vous ai parlé de la chanson rébètique, le petit extrait vous montre une de ses facettes, celle du rejet de l’autorité, mais elle en marque dans le même temps toutes les limites. En aucun cas il ne s’agit d’une contestation politique : « Le rébète est un outsider à tout point de vue aux yeux des autorités. Il aime les défier mais ne s’engage pas dans une action militante à leur encontre, même si ses chants manifestent le refus d’être soumis aux règles de la société ». (cahier des Jeunesses Musicales – 2008).
« Les Rébètes constituent une véritable culture en marge de la société grecque et revendiquent leur marginalité » (Eleni Cohen)
A partir de 1850, la population de Grèce se développe brusquement et les centres urbains se développent. C’est le résultat de la migration des paysans qui partent s’installer en ville, de l’arrivée massive des réfugiés grecs de la diaspora –de Russie notamment-, et plus tard en 1922, du « retour » des grecs d’Asie Mineure (plus d’un million dont 180.000 réfugiés grecs de Smyrne qui en compte plus de 300.000 alors qu’à l’époque Athènes a moins de 250.000 habitants).
La vie de ces gens déracinés est au cœur du rébètiko.

« Je suis diplômé de l’université du caniveau » Markos Vamvakaris
Le mouvement rébète, ou plus précisément cette « culture rébètique », est née de la pauvreté, pas d’une intention politique. Elle dit la détresse, le mal-vivre, les lamentations, les protestations d’une population propulsée dans les ghettos urbains baignés par la pauvreté, le déracinement, la prostitution, le chômage, la clochardisation, les pressions policières.
Dans les années 20-30, les travailleurs tentent de s’organiser, les gouvernements répondent par la répression. Le rébètiko est mêlé à cette réalité effervescente et s’en nourrit. Il déplore les inégalités, l’injustice… mais célèbre ce qui aide à s’en évader : le vin, l’amitié, le haschisch. Il chante l’amour, ses joies, ses amertumes. Mais derrière la métaphore de l’amour déçu se perçoit la déception causée par les injustices qui perdurent et une soif de dignité.
Marqués par ces conditions de vie très dures, les rébètes ont développé une mentalité et un mode de vie particuliers. Ils parlent un langage argotique qui leur est propre (le koutsavakika).
« A travers le Rebetiko, ils évoquent l'humaine condition avec pudeur mais sans fard. Et n'ont pas peur de se mettre eux mêmes en scène dans de petits tableaux qui parlent d'amour, où la femme peut être cruelle, de la drogue, de leur vie de misère, de l'abnégation de leur mère, de la "xenitia" ou douleur de l'expatriation, de la mort personnifiée souvent par Hadès ou Charon à laquelle ils opposent bravade ou résignation. Peu de chansons politiques, pas de chansons grivoises. »
Ils passent leur temps dans les fumeries (tékédes) plutôt qu’au boulot, auquel ils sont plutôt allergiques. Le haschisch a toujours été présent dans les chansons car intimement lié au mode de vie quotidien en Asie Mineure : sa consommation en Turquie musulmane a toujours été favorisée pour pallier l’interdit du vin. Pendant quatre cents ans la Grèce fut sous domination turque et les autorités, tant grecques que turques, firent du haschisch une substance très répandue et bon marché qui « offrait le double avantage d’être un peu moins nuisible que les autres drogues et surtout, contrairement à l’alcool, de rendre les consommateurs plus passifs que belliqueux, évitant ainsi d’éventuelles rébellions sociales » (Eleni Cohen)
Un couteau dans la poche, ils valsent souvent en prison où, malgré l’interdiction des instruments et des chants, ils composent, murmurent (mourmourika) et chantent en s’accompagnant du baglama, une version rudimentaire du bouzouki, réalisé avec des matériaux trouvés sur place et facile à cacher grâce à sa petite taille.

Dictature et Guerres
Mais les années noires sont à venir. En 1936, à l’annonce d’une grève générale, le Premier Ministre Metaxas, ancien Général, instaure une dictature. Comme les autres dictateurs de l’époque, c’est au mouvement ouvrier qu’il s’en prend en premier lieu, interdisant partis et syndicats. Mais aussi à la « décadence » de la Grèce. Son projet : discipliner la Grèce. Il insistait sur le concept de Troisième Civilisation Hellénique, combinant les splendeurs de la Grèce antique païenne et de la Grèce byzantine chrétienne. Il avait chargé son Organisation Nationale de la Jeunesse (EON) de diffuser cette idéologie.
Sa fille dira plus tard, dans une interview, qu’il « détestait la musique vulgaire et voulait retirer les traces orientales de la musique ». C’est clairement l’une des caractéristiques essentielle du Rébètiko… Cela se concrétise pour les rébètes par une censure et une répression accrues. La police reçoit l’ordre de casser les instruments typiques du rébètiko, bouzoukis et baglamas. Les rébètes sont pourchassés pour "vie dissolue et incitation à la débauche à travers leurs chansons". Toute référence au haschisch est interdite. On édite des listes d’œuvres qui « offensent la religion, la patrie, la morale et les us et coutumes des grecs ». Les tékédes sont fermées, ne persistent que des chansons (auto)censurées.

Metaxas meurt en début 1941, mais trois mois plus tard, en avril, les allemands sont dans Thessalonique (le 9) et à Athènes (le 27). L’occupation, les pillages faisant suite à la division du pays en trois zones, le blocus des importations, les réquisitions et l’hiver, provoquent une famine généralisée. En décembre 1941, chaque jour 300 personnes meurent de faim à Athènes. Et jusqu’en 1942, une charrette ramassait les cadavres dans la rue. L’armée allemande fait pendre de jeunes résistants sur l’Acropole.
Malgré ces conditions extrêmes, et en elles, naissent de nouvelles chansons qui circulent sous le manteau (ou seront publiées plus tard).
Je vous ai déjà parlé du « Sinefiasmeni Kiriaki » de Vassilis Tsitsanis qui lui fut inspiré par ces faits.
Une autre chanson, de Génitsaris évoque le « Saltadoros »; elle raconte comment les jeunes « mangkés » sautaient, au péril de leur vie, dans les camions de l’armée allemande pour y voler l’essence et « la reserva », roue de secours revendue au marché noir pour fabriquer des semelles de chaussures.

JE SAUTERAI

Ils sont jaloux ils ne veulent pas me voir habillé
Ils veulent me voir sans le sou pour être contents

Je sauterai, je sauterai pour leur prendre la réserve

Mais moi toujours je serai à l’aise car je vole l’essence à la tire
Dans une bagnole d’Allemand et toujours je me refais

Je sauterai, je sauterai pour leur prendre la réserve

L’essence et le pétrole nous cherchons à les obtenir
Parce que ça vaut beaucoup d’argent et ensuite nous faisons la fête comme des caïds

Saute lance la réserve, vas-y, lève-toi, fuis

Les Allemands nous pourchassent mais nous ne les entendons pas
Nous, nous sauterons jusqu’à ce que nous soyons tués

Je sauterai, je sauterai pour leur prendre la réserve

Génitsaris 1942