mardi 18 mars 2008

Lettre ouverte


Communiqué
Des européens convaincus tels que
Georges DEBUNNE, Ancien Président FGTB/ ABVV et Confédération Européenne des Syndicats,
Pierre GALAND, Président Forum Nord-Sud,
Ernest GLINNE, Ancien Ministre et député européen honoraire,
François HOUTARD, Prêtre, sociologue et co-fondateur du Forum Social Mondial,
Lode Van OUTRIVE, Député européen honoraire,
Jef SLEECKX, Député fédéral honoraire ;

se sont regroupés avec des universitaires de l’ULB, de la VUB et de L4U Gent pour écrire cette Lettre ouverte aux membres du Parlement fédéral et des Parlements régionaux et communautaires à propos du Projet de loi portant assentiment au Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, et à l’Acte final, faits à Lisbonne le 13 décembre 2007,

Lettre ouverte aux membres du Parlement Fédéral
et des Parlements Régionaux et Communautaires

Objet : Projet de loi portant assentiment au Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, et à l’Acte final, faits à Lisbonne le 13 décembre 2007

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Vous allez devoir vous prononcer sur le nouveau projet de Traité de l’Union Européenne.
Ce Traité aura valeur de Constitution Européenne. Il s’agit par conséquent d’un nouveau pas d’envergure dans la construction européenne. Ce Traité jouera un rôle décisif non seulement dans le fonctionnement de notre pays mais également dans la vie quotidienne des citoyens et des familles. Il sera déterminant pour les conditions de vie et de travail de chacun. Une nouvelle fois des compétences vont être transférées du niveau national au niveau européen.

Par la présente lettre ouverte nous voulons attirer l’attention sur le fait que l’on ne peut traiter l’évènement à la légère. Une Constitution n’est pas un document de plus que l’on peut facilement jeter à la poubelle. Par ailleurs, dans notre démocratie, le citoyen pouvait s’attendre à ce que le gouvernement ait assuré une large diffusion de ce texte fondamental et que les autorités politiques aient organisé des débats politiques à grande échelle. Or, non seulement il n’a jamais été question d’une consultation populaire mais, de plus, le débat politique est en dessous de tout. Le débat parlementaire lui même risque d’être au niveau zéro à en croire la discussion hâtive et sans esprit critique qui a eu lieu au Sénat, la chambre de réflexion de notre pouvoir législatif.

En tant que partisans d’une Europe démocratique, sociale et solidaire, nous avons des réticences gravissimes par rapport au texte qui vous est soumis. Ce projet est une occasion ratée si tant est que l’objectif viserait à organiser une Europe soutenue massivement par ses citoyens.

Nous tenons à vous présenter quelques considérations qui, dans le contexte d’une lettre ouverte, devront nécessairement être générales.

Nous restons sur notre faim par rapport au fonctionnement démocratique des institutions européennes. Cinquante ans après la constitution de la CEE et dans le cadre de l’actuelle Union Européenne, le rôle démocratique du Parlement européen reste en-dessous de tout. Le pouvoir réel continue à être assumé par la Commission et le Conseil, qui ne reçoivent que des résolutions et positions insuffisamment contraignantes d’un Parlement qui n’assume essentiellement qu’une tâche de contrôle très relatif et non pas une tâche de décideur politique.

De même, nous n’acceptons pas le principe qui est à la base de la politique sociale menée par l’Union Européenne actuelle et qui est confirmé par le projet de Traité sur lequel vous devrez vous prononcer. La protection sociale est entièrement soumise à la conformité au Traité et aux lois économiques du profit. La responsabilité sociale des entreprises est reléguée à l’arrière –plan et la flexibilité des travailleurs est hissée au premier plan des préoccupations.

Au nom du marché libre et des règles de la concurrence, le travail est entièrement soumis aux intérêts du capital. La question de la démocratie économique est à peine effleurée.

Enfin, encore une réflexion concernant la position de soumission internationale caractéristique de l’Europe actuelle. Le projet de Traité ne défend pas une Europe autonome et adulte qui, sur la scène internationale, serait à même de mener sa propre politique. Le projet confirme la dépendance à l’Otan dont on sait qu’elle n’a pas vocation à développer des relations mondiales de coopération solidaires et respectueuses de l’indépendance de toutes les nations. L’Union Européenne doit développer des relations internationales basées sur le respect mutuel des nations et des cultures, une collaboration solidaire et la réalisation de progrès sociaux décisifs avec la volonté de la protection de l’environnement. Les organisations internationales telles que les Nations Unies et l’Organisation Internationale du travail ont cette vocation. L’Union Européenne doit s’inscrire dans cette perspective plutôt que dans une voie impéraliste.

Vous comprendrez, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, qu’un pareil projet constitutionnel européen, qui, de plus, ne réserve qu’un rôle subordonné aux Droits de l’Homme, ne peut recevoir notre consentement, alors que notre soutien à une Europe démocratique, sociale et progressiste, protection de l’environnement incluse, est hors de doute.

Nous attendons de votre part un débat parlementaire sérieux et fondé, qui ne craigne pas l’esprit critique et qui mette en évidence la nécessité d’une autre Europe, d’une Europe qui veillerait au large soutien de sa population.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, l’expression de nos sentiments très distinguées.

Georges DEBUNNE, Ancien Président FGTB/ ABVV et CES
Pierre GALAND, Président Forum Nord-Sud
Ernest GLINNE, Ancien Ministre et député européen honoraire
François HOUTARD, Prêtre, sociologue et co-fondateur du Forum Social Mondial
Lode Van OUTRIVE, Député européen honoraire
Jef SLEECKX, Député fédéral honoraire
Maxime STROOBANT, Professeur émérite du droit du travail VUB

Et/
Mateo ALALUF, Sociologue ULB, Anne DUFRESNE, Chercheuse GRAID ULB, Henri EISENDRATH, Prof VUB, Corinne GOBIN Maître de recherche FNRS, Sophie HEINE Chercheuse ULB, Paul LOOTENS, Secrétaire fédéral Centrale Générale FGTB, Jaak PERQUY, filosoof, Michel VANHOORNE, prof en Ugent, Hendrik VERMEERSCH, 15 december Beweging/Mouvement, Jacques VILROKX, Prof VUB

mercredi 12 mars 2008

Rébètiko -1-



Récemment, j’ai eu l’occasion d’apprécier un concert de rébètiko, organisé par les Jeunesses Musicales. Ça faisait un petit moment que je voulais vous parler de cette musique qui me fait « vibrer »… C’est magique ? Non ! simplement cette complicité, cette connivence qui vous fait comprendre la tonalité exacte de la détresse (ou la joie) de votre égal. La voilà donc l’opportunité de faire découvrir le blues (ou le fado) des grecs, tant cette musique porte en elle toutes les (petites et grandes) souffrances du peuple grec. Expression populaire, donc souvent interdite, ne plaisant pas aux dictateurs, aux gens d’église et aux notables. Mais cette musique est-elle seulement grecque ? Et les grecs sont-ils d’accord sur son histoire ?
D’Anatolie au Pirée
Une première version, disons « linéaire », inscrit le rébètiko sur une ligne du temps allant de l’extrême fin du 19ème jusque 1920 et sa «catastrophe »… C’est dans les années 1920 que naîtrait, importé des ports et des quartiers grecs d'Asie Mineure, le rébètiko. Il arrive en Grèce suite au rapatriement de centaines de milliers de Grecs d'Asie mineure en 1922. Suite à cet « échange des populations » prévu par le traité de Lausanne, beaucoup de Micrasiates s'installent dans les grandes villes de Grèce (à Thessalonique, au Pirée) et à Syros dans les Cyclades, apportant avec eux leurs traditions musicales. Le rébètiko en garde ses influences de Smyrne et d’Anatolie mais épouse par ses thèmes la vie et les déboires de cette nouvelle population urbaine. Durant cette période, la thématique du rébètiko comporte principalement des chansons d’amour et d'autres liées à des comportements défiant la loi (consommation de drogues). Au départ l’influence smyrniote est telle qu’il est difficile de distinguer le rébètiko tragoudi du smyrneïko tragoudi.
Pour les seconds la naissance du rébètiko est plus urbaine et plus récente : étrangers au sein de leur propre patrie, confrontés au chômage, à la pauvreté et même à une forme de racisme, les rapatriés se réfugient dans leur musique qui prend alors son véritable essor. « Car le Rébètiko n'est pas simplement une chanson, mais aussi un mode de vie celui des Rébètes mot qui signifie (entre beaucoup d'autres significations) "rêveurs", rêveurs d'un monde meilleur. Des gens pauvres mais très dignes héritiers des bandits d'honneur de la guerre d'indépendance qui chantaient eux la chanson klephtique. Les Rébètes constituent une véritable culture en marge de la société grecque et revendiquent leur marginalité » nous dit Eleni Cohen sur son site.
« Ces deux mondes, celui du smyrneïko et celui du piraiotiko n'auraient jamais dû se rencontrer, mais les hasards de l'histoire en avaient décidé autrement pour le plus grand bien de ce que va devenir le rébètiko. » Oui, c’est dans cette chimie que réside la profondeur du rébètiko, son universalité.
En 1932 circulent en Grèce les premiers enregistrements de rebetika de Markos Vamvakaris. En 1936 Ioánnis Metaxás prend le pouvoir et il suspend, sine die, le Parlement et divers articles de la constitution. Le 4 août 1936, Metaxás était, dans les faits, dictateur. Il s'inspira alors des formes autoritaires du régime fasciste italien de Mussolini. Il interdit les partis politiques. Il fait arrêter les opposants : près de 15.000 grecs furent arrêtés et torturés durant les cinq ans de la dictature de Metaxás. Il déclara les grèves illégales et instaura la censure. Par nécessité, la discographie s’adapte aux nouvelles règles et toutes les références aux drogues, tekedes (l'endroit où les «rêveurs» fument le narguilé, chantent et dansent) disparaissent peu à peu des enregistrements.
Malgré tout on continue d’écrire des chansons à thématique sulfureuse jusqu’à l’invasion de la Grèce par les Allemands en 1941. 40.000 personnes moururent de faim au cours de la première année d'occupation par les Nazis tandis que 25.000 autres périrent dans la guérilla qui les opposa à la Wehrmacht. Et parfois derrière les mots «anodins» des rebetika il y a des messages que seuls les grecs peuvent «interpréter» ainsi en va t’il du fameux Sinefiasmeni Kiriaki, «Dimanche sous les nuages, tu ressembles à mon cœur...», le message de résistance à l'occupant nazi… Avec l’occupation cessent tous les enregistrements.

Bon là je vous parle d’un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, c’est pas Zorba, ici on ne casse pas les assiettes après une bonne brochette/frites.
Fermez les yeux, apprenez le grec et revenez me voir pour les épisodes suivants.
fRED

Pour vous donner goût à vous laisser tenter, quelques liens…
- Rébètiko : Le film de de Costas Ferris (1983) d'une durée de 1h45 avec Sotiria Leonardou (Marika) et Nikos Kalogeropoulos (Babis), Musique de Stavros Xarchakos, Paroles de Nikos Gatsos, Ours d'argent 1984 au festival de Berlin – sur Google video-
- bibliographie du rébètiko (Eleni Cohen sur son site)
- Et ma chanson favorite Sinefiasmeni Kiriaki (je vous conterai son histoire dans ma prochaine livrée) « Pour écrire une telle musique -disait Tsitsanis dans une interview - il faut souffrir, il faut avoir faim. Aujourd'hui tout le monde a tout. Les disques sont produits industriellement. Alors pour enregistrer une chanson ça nous prenait un mois. Aujourd'hui ils en écrivent 10 par jour. Toutes ces facilités sont catastrophiques pour l'esprit, l'âme, l'imagination. »