mercredi 20 mai 2009

[IDEE, Idea, Idéaux (et des bas)]

J’aurais pu de nouveau vous pondre une humeur de pluie acide, exagérant tout, comme les gens de Frameries aiment à le faire. J’aurais pu crier au voleur, à l’escroc, à l’assassin.
Et voilà que prétextant un voyage, je me (turlutu)tus pendant une semaine. En fait, je l’avoue, je ne savais pas comment prendre l’affaire : hurler avec les loups ? Participer au « grand complot » antisocialiste ? Relativiser, dire « il n’est sans doute pas le seul » ? Ou me taire pour ne pas avoir des ennuis ?
Cet exil de quelques jours, loin du flot de « nouvelles prémâchées » de mon pays, m’a permis de réfléchir, sans impératif de temps, sans pression.
Et puis je me suis dit que depuis bien longtemps je n’avais plus aucune illusion sur les « valeurs » de ces mecs. Je ne vais donc pas trop vous parler du camarade Donfut, mais bien d’un phénomène dont il n’est qu’une manifestation relativement périphérique. Je vous parle d’un truc sur lequel je ne sais même pas mettre un nom. Délitement, dérive, trahison ? Enfin vous voyez quoi, c’est votre médecin qui (en allumant une cigarette) vous demande d’arrêter de fumer, mais en pire. C’est le pompier-pyromane, c’est le flic-voyou, c’est socialiste-libéral. Voila j’ai trouvé le terme.
Après tout, la social-démocratie, c’est d’essayer de rendre les pauvres pas trop pauvres et les riches pas trop moins riches, non ? Alors, un social-démocrate doit montrer l’exemple et se situer dans la moyenne : pas trop moins riche. Réformisme bien ordonné commence par soi-même ! Comme les sociaux-démocrates n’aiment pas la révolution, il faut y aller par petites touches, un peu plus riche chaque jour, sans vagues, il faut respecter les lois du marché. Et il faut respecter les lois tout court : « tout ce que j’ai fait est légal » voilà qui consacre un subtil glissement du sens de l’intérêt commun au pouvoir personnel, du combat collectif vers ses propres ambitions. Et c’est ainsi que pour que la règle soit respectée il faut, par exemple, la changer juste avant un vote pour une place sur la liste ou découvrir que les temps ont changé et qu'il faut changer la loi quand on n'est plus concerné : « Demain, des règles seront établies qui interdisent aux ministres d’exercer un mandat public ou privé rémunéré ».
J’aurais pu vous faire tout une litanie là-dessus, vous rappeler que j’avais, ici même (1), tenté de mettre des mots sur cette autre dérive des socialistes qui consiste à concilier un discours plus ou moins de gauche avec une pratique de droite et vous en citer mille exemples…
Mais finalement, je me dis que le pire c’est qu’avec toutes leurs conneries ils jettent une chape de plomb sur les idéaux socialistes, sur les militants sincères qui croyaient être dans un parti de gauche, et même sur ceux qui n’ont eu de cesse de condamner les comportements douteux de leurs dirigeants.
fRED

Post Scriptum 1 : j’informe mes lecteurs (et les autres) que je ne suis pas de Frameries
Post Scriptum 2 : "Cnidophobie : peur des cordes"
Post Scriptum 3 : j'hésite beaucoup à utiliser P.S. pour Post Scriptum

(1) En février 2009 j’ai co-signé un texte intitulé « Prenons Parti » qui disait notamment : « La crise actuelle fait voler en éclats ce modèle valorisé par l’idéologie néolibérale depuis 30 ans et nous montre ses limites, ses impasses et les catastrophes où il nous mène.
Cette période a également sonné le glas de la social-démocratie, tenante d’un réformisme sans réformes, convertie au dieu-marché et envoutée par sa main invisible. Dans toutes les phrases de ses discours elle a mis les entreprises capitalistes sur le même pied que les travailleurs, elle a râpé la Charte de Quaregnon, elle a caressé les oligarchies dans le sens du poil, elle s’est encanaillée dans les Conseils d’Administration, elle a pris des mesures de droite qu’elle a nommé de titres pompeux (consolidation stratégique pour les Services Publics, revenu d’insertion pour le minimex, activation du comportement de recherche pour la chasse aux chômeurs). Elle a imposé le pacte des générations, elle a donné l’absolution aux fraudeurs fiscaux, elle a laissé s’ouvrir des Centres Fermés, elle a laissé instaurer les « intérêts notionnels » -qui exonèrent les bénéfices des entreprises de la solidarité. Elle a remplacé la solidarité par la compassion, l’émancipation par la charité, l’internationalisme par les bons sentiments. Et certains de ses leaders ont même fini par se nicolasarcozier.
Et quand la bulle financière a éclaté, voici quelques semaines, les désormais socio-libéraux et leurs alliés, ont volé au secours du capitalisme et de ses banques en déroute, s’inscrivant dans une logique de gestion de la crise capitaliste sur le dos des citoyens |lire le texte complet|

samedi 16 mai 2009

[Un printemps de Prague]


Prague 16 mai 2009.
Il est 14h, la manifestation vient de se terminer face au château. Dans une brasserie à proximité de l’abbaye de Strahof, les mines sont réjouies : 35.000 participants, plus du double des espérances… A vrai dire c’est la première manifestation syndicale de masse à Prague depuis bien longtemps ! Parmi les dirigeants de ČMKOS (qui organise cette manifestation avec la CES), peu ont connu les évènements du printemps 68, dernière grande effervescence populaire qui fut réprimée par les chars russes. Avant cela, du temps des apparatchiks communistes, les tanks encadraient les défilés ronflants du 1er mai. Et puis une longue apathie… La crise capitaliste a réussi à (re)mettre dans la rue des dizaines de milliers de travailleurs.
Il est 12h45, le défilé a été court. La place du Château est déjà bondée devant le podium. Dans le guide du routard j’ai lu ceci : « tous les ans, un jour du mois de mai, opération portes ouvertes, inutile de vous préciser que la file d’attente est longue ». Au point de départ de la manifestation ils sont encore des dizaines de milliers qui n’ont pas bougé d’un centimètre. Des milliers de polonais (dont une forte délégation de mineurs), un bloc très visible et très animé, des roumains, des croates, des autrichiens, des allemands, des slovènes, des bulgares, des hongrois, des italiens. Un panaché de couleurs, une foule de drapeaux, une meute de trompettes, un bataillon de crécelles, un tintamarre de sifflets. Pas de doute l’ex-Europe de l’est est bien réveillée.
Il est 13h35, les discours ont enfin commencé sans attendre la fin du cortège qui est toujours bloqué deux places plus loin. On annonce 100.000 manifestants à Berlin ; une immense ovation salue les allemands, fait notoire quand on sait les tensions que la guerre et le nazisme ont laissées en héritage entre les deux peuples.
Il est 10h15, à deux pas du Pont Charles des petits groupes se forment, rencontres improbables entre des manifestants roumains et des profs tchèques en lutte contre la casse dans l’enseignement. Bientôt une délégation de métallos hongrois les rejoint. Prague, qui a pourtant l’habitude de voir défiler des groupes de touristes bigarrés, n’en revient pas : on va manifester !

Il est presque midi. Le soleil perse trois jours de nuages. C’est le printemps. La manifestation démarre.


mardi 12 mai 2009

[A Monaco...]

Le 16 avril dernier, un mouvement de grève et de manifestation d’ampleur historique a eu lieu à Monaco, ce « paradis patronal, pas salarial », comme on a pu le lire sur certaines banderoles. Le cortège, fort de 3000 personnes, était privé d’animation, tout usage de véhicule à moteur ayant été interdit par les autorités. Mais ce défilé à lui seul a bien constitué une sacrée animation, dans ce paradis fiscal recroquevillé sur ses richesses, sur le bien-être de ses multi-millionnaires et de ses entreprises.
L’occasion pour les travailleur-se-s de manifester leur inquiétude face à une situation sociale qui se dégrade, pour revendiquer notamment une amélioration des conditions d’emploi et de salaire. En effet, comme le note la secrétaire syndicale Angéle Braquetti : « Nous nous opposons au recul social imposé par le patronat en principauté. A Monaco, il n’y a toujours pas d’obligation de motiver un licenciement, et le recours à l’intérim et au CDD est illimité. Nous demandons aussi la parité des salaires avec la France ». Les salaires seraient équivalents à ceux en vigueur en France, à ceci près qu’ils correspondent à 39 heures de travail à Monaco contre 35 heures en France, juste à côté. Et que les loyers et le coût de la vie sont nettement supérieurs. L’appel à se « réapproprier les fruits de leur travail » et à se mobiliser « contre le recul social enregistré au cours des 30 dernières années » a donc fédéré en nombre.
Etaient partie prenante de ce mouvement, des salarié-e-s du privé, mais aussi, ce qui est exceptionnel à Monaco, du public qui s’associait pour la première fois à ce type d’action depuis des décennies ! On trouvait ainsi côte à côte des employé-e-s de Carrefour, de BNP Paribas, de l’orchestre philharmonique de Monaco, de différents palaces, de salarié-e-s de l’industrie (sous-traitantes dans le secteur automobile, chimie, métallurgie, des transports urbains (privatisés), des sociétés monégasques des eaux et de l’électricité, du centre hospitalier Princesse Grace, mais aussi des retraité-e-s, des locataires…
Un mouvement fourni, donc, qui fait écho à des mobilisations précédentes : grève à l’usine Sofamo-Biotherm (groupe L’Oréal) en novembre 2008, importante manifestation unitaire de mai 2008, grève chez les salarié-e-s des « bandits manchots » de la Société des Bains de Mers en avril 2008, grève à l’Hôtel Mirabeau en octobre 2007 (un palace 4 étoiles), manifestation syndicale en juin 2005…
(d'après http://www.gauche-anticapitaliste.ch)

lundi 4 mai 2009


[Carrefour] José Luis Duran, directeur général évincé de Carrefour en novembre, est parti avec un golden-parachute de 4,8 millions d’euros, selon le rapport annuel du groupe de distribution paru la semaine dernière. Bien que Duran ait été jugé responsable de l’effondrement des résultats de Carrefour, les administrateurs lui ont octroyé une indemnité équivalente à deux ans de salaire, car il avait réalisé les «conditions de performance» fixées en août 2008. Ces conditions n’étaient pas très sévères. Il fallait que Carrefour ait vu son chiffre d’affaires et son résultat d’exploitation progresser en 2006 et 2007. (Libération -23/04/09-)

[Dexia] François Fillon l’assurait hier : «Les cas choquants de rémunération des patrons attisent la violence.» Et bien voilà pour tous les salariés licenciés une nouvelle raison de s’énerver. A Dexia, banque sauvée de la faillite par les Etats français et belge, qui est en train de supprimer 900 postes, dont 250 en France, on continue à distribuer les millions comme si la crise n’avait pas eu lieu. Son ex-patron, Axel Miller, est parti avec une indemnité de 825 000 euros, alors qu’il s’était engagé à ne rien toucher. Son successeur, Pierre Mariani - un proche de Nicolas Sarkozy - s’est octroyé un salaire fixe en hausse de 30 % par rapport à Miller. Information donnée par le rapport annuel. N’y figure pas en revanche l’enveloppe allouée aux bonus pour la partie française de l’entreprise, Dexia Crédit local. Elle atteint, selon nos informations, 8 millions d’euros, principalement versés au top management. (Libération -23/04/09-)

[Visionnaire] "Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis" Thomas Jefferson 1802

samedi 2 mai 2009

[2 mai 2009]

En France, les chiffres de mobilisation du 1er mai sont incontestablement en recul par rapport à ceux des 29 janvier et 19 mars. Mais plusieurs lectures peuvent en être faites. Car c’est à la fois moins en nombre que le 19 mars mais plus que bien des défilés de premiers mai depuis longtemps. Et il n’ya pas de commune mesure entre un défilé en semaine, soutenu par des grèves, où des entreprises entières défilent et le début (chômé) d’un week-end prolongé. Il faut sans doute tenir compte d’un mix de plusieurs sentiments diffus parmi les travailleurs : un manque d’adhésion à un plan d’action qui n’en est pas un, tant il manque de tempo ; l’envie de profiter d’un belle journée de soleil et d’un long week-end avant que le stress du boulot (ou de sa cruelle absence) nous reprenne dès lundi ; une certaine usure aussi car les luttes qui ont éclaté partout dans le pays, n’ont pas trouvé, auprès des bonzes syndicaux, la chambre d’écho dont elles avaient besoin. Dans tous les cas la responsabilité des dirigeants de la gauche réformiste (syndicale ou politique) est lourde. Mais notre volonté de poursuivre et d’approfondir la riposte à la crise est tenace.
[Et demain ?] Les grands veulent nous faire payer la crise qu’ils ont provoquée. Cela ne nous laissera pas de répits : dès demain les plans sociaux vont continuer, chaque jour ce sont pratiquement 3 .000 camarades qui perdent leur boulot en France, 5.500 en Espagne,…
Chacun va devoir faire le choix : la lutte ou la résignation.
Il est possible de gagner en s’en donnant les moyens, mais il faudra pour cela plus qu’une journée de grève tous les deux mois. Nous y mettons, à chaque fois, toutes nos forces, nous sommes déterminés et nombreux, mais si elles restent sans lendemain, les journées d’action, aussi réussies soient-elles, finissent par épuiser et démoraliser.
[Refuser de payer la crise.] La seule voie possible pour redonner espoir à tous ceux qui ont été éjectés des entreprises c’est d’imposer l’interdiction des licenciements, de faire rembourser aux entreprises les subsides publics et les réductions de cotisations qu’elles ont empochées.
Les mobilisations doivent se concentrer sur cet axe principal. Pour les prochaines échéances (manifs européennes des 14, 15 et 16 mai) pourquoi ne pas mobiliser en tête des manifs toutes les victimes des licenciements consécutifs aux plans sociaux? Pourquoi pas des marches des entreprises visées par les licenciements et le chômage partiel qui convergent vers les capitales de tous les pays européens le même jour, en organisant l’accompagnement et la solidarité à chacune des étapes ?
fRED

vendredi 1 mai 2009

[1er Mai 2009]

Voici un an je vous invitais à oser dire brin au capitalisme.
Cette vulgarité ne m'a pas fait que des amis. Et j'en suis bien content. Car j'ai beaucoup appris de ces petits, certains doutes se sont dissipés, des illusions se sont envolées. J'ai retrouvé des couleurs, des joies, des camarades. Je respire mieux, moins sage, plus résolu.
Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que je vous écrivais le 1er mai 2008 :
"Cette société c’est de la merde. Et j’ai bien fait de la combattre sans relâche. Et j’ai bien envie de continuer encore plus fort. N’en déplaise à ceux qui vous expliquerons que tout ça c’est dépassé, qu’on ne peut rien y faire, que grâce à eux c’est moins pire,…" Ceux qui disaient que "grâce à eux c’est moins pire" sont toujours là à vous expliquer qu'ils sont les gardes-fous (au sein du gouvernement), que sans eux ce serait plus pire...
Et oui, sans eux, le FMI et l'OMC seraient totalement aux mains de la droite; il y aurait deux centres fermés en Wallonie (et pas un seul à Vottem). Sans eux il y aurait deux "Pactes des Générations" et deux "Chasses aux chômeurs". Sans eux on aurait déjà privatisés trois fois La Poste... Sans eux que ferait-on d'ailleurs?
Et voilà que déjà le 1er mai revient, apporter son vent de révolte, éclairer une époque troublée mais explosive et combattive.
Je respire un grand coup. Dans quelques heures je me lève, je vais manifester, distribuer un tract, coller des affiches, gueuler, pester, militer.
En mai...