mercredi 27 juillet 2011

[La dictature des marchés, la monarchie belge et le nationalisme flamand]

La dictature des marchés, la monarchie belge et le nationalisme flamand
par Daniel TANURO  - 27 juillet 2011

Le roi de la galette...
[Le discours télévisé que le roi Albert II ] a prononcé à l’occasion de la fête nationale n’a pas reçu, à gauche, l’attention qu’il méritait. Le monarque est sorti de son rôle constitutionnel pour se camper en « dernier recours » et appeler la population à se mobiliser avec lui pour faire pression sur la classe politique, incapable de résoudre les problèmes. Quelques mois auparavant, Albert II, inversant les rôles au sein de l’exécutif, avait chargé le gouvernement Leterme, pourtant en affaires courantes, de confectionner un budget 2011 allant plus loin que les injonctions européennes sur la voie de l’assainissement budgétaire. La couronne intervient de plus en plus directement sur le champ politique, en faveur d’une politique d’austérité dure pilotée et coordonnée au niveau fédéral. Le nationalisme flamand ultra-libéral et séparatiste incarné par la NVA n’est pas le seul danger qui plane sur les acquis sociaux et sur les droits démocratiques.
Albert II a justifié sa sortie au nom du droit de la monarchie de « mettre en garde ». La constitution ne l’autorise pas à « mettre en garde » publiquement, en s’adressant directement à la population, par-dessus le gouvernement. Tous ses actes doivent être couverts par le Premier Ministre. De plus, théoriquement, le roi ne peut user de ce droit de mise en garde que dans le cadre de ses entretiens avec les responsables politiques, dans le cadre de ce qu’on appelle le « colloque singulier ». Mais, en période de crise politique, comme en période de guerre, le pouvoir de la monarchie est considérable. Albert II en use et en abuse dans le cadre de la crise de régime ouverte qui dure maintenant depuis plus d’un an. Prononcé le 20 juillet, son discours très militant, appuyé par des gestes impératifs, révèle à quel point la monarchie est un instrument aux mains de la classe dominante, ou d’une partie de celle-ci.
L’instrument d’un pouvoir fort
Sur le fond, la partie la plus significative du discours est celle dans laquelle Albert II appelle à des « réformes structurelles », tant dans le domaine institutionnel que dans le domaine socio-économique. Emballés dans de belles paroles sur le bien-être des citoyens et la démocratie (un chef d’Etat non élu qui parle de démocratie !), ces appels ne font pourtant pas illusion. Albert les justifie et les cadre explicitement dans la nécessité de continuer « l’aventure européenne » et de la mener à bien, contre les menaces de repli nationaliste. Or, à l’heure où l’Union Européenne met bas le masque et joue ouvertement son rôle d’instrument du capital, à l’heure où la troïka Commission européenne-Banque centrale européenne-FMI impose partout une austérité drastique pour garantir les profits d’une poignée de spéculateurs, chacun sait ce que « l’aventure européenne » signifie : blocage des salaires, privatisations, démantèlement de la sécurité sociale, allongement de la carrière professionnelle, flexibilité de la main-d’œuvre, pertes d’emploi dans la fonction publique… on en passe, et des meilleures.
Le discours musclé du souverain s’inscrit ainsi dans la tendance galopante à l’instauration en Europe d’une féroce dictature du capital, dont les seuls buts sont de sauver à tout prix les profits des banques et d’aider les entreprises du vieux continent dans leur guerre de concurrence contre leurs rivales américaines et asiatiques. Cette tendance a fait des bonds de géant ces derniers mois, avec l’instauration du « semestre européen » et de la « gouvernance économique européenne », des dispositifs qui reviennent tout simplement à mettre les parlements nationaux sous la tutelle des marchés et des agences de notation. Autrement dit à liquider ce que la démocratie parlementaire bourgeoise pouvait encore avoir de « représentatif » des populations, via le suffrage universel.
Dans notre pays, les voies d’instauration de cette dictature du grand capital divisent la classe dominante. La plus grande partie du patronat flamand, rassemblée dans le VOKA, considère que les rapports de forces politiques au Nord du pays lui permettent d’aller plus vite à l’objectif. La condition pour ce faire est une autonomie accrue de la Flandre, notamment en matière fiscale et sociale. Cette fraction de la classe dominante se reconnaît et s’exprime à travers la NVA de Bart De Wever, dont le nationalisme n’est que l’enveloppe populiste d’un ultra-libéralisme de combat, dirigé contre le mouvement ouvrier.
Une autre fraction, soutenue par la technocratie européenne et les grandes puissances, mise sur l’Etat fédéral, et utilise les craintes des conséquences d’une scission du pays – notamment de la sécurité sociale – pour faire avaler l’austérité au monde du travail, au nom du « moindre mal ». Principal parti au Sud du pays, le PS est l’instrument clé de cette stratégie, dont la note Di Rupo constitue l’expression la plus claire. Nul ne sait si les négociations politiques qui reprendront après le 15 août déboucheront ou non sur un gouvernement de plein exercice, avec le CD&V et sans la NVA. Mais une chose est certaine : si ces pourparlers devaient aboutir, ce serait au prix d’attaques encore plus dures que celles qui sont déjà planifiées dans le texte du formateur.
Tout en dénonçant l’incapacité du politique et en jouant sa propre carte – celle de la sinécure qui permet à sa famille de royaux parasites de vivre aux crochets des contribuables, Albert II vient clairement en appui de cette fraction. Quoique la NVA ne soit pas opposée au fédéralisme européen, on retrouve ici, mutatis mutandis, les tensions entre le grand capital pro-UE et les forces de droite qui, à l’instar du FN français, exploitent démagogiquement le mécontentement face à la mondialisation néolibérale. Pas étonnant que le discours du 20 juillet ait été interprété comme un coup de pouce aux efforts du Président du PS – dont l’ambition personnelle à devenir le Premier Ministre de Sa Majesté ne doit pas être sous-estimée. Pas étonnant que le PS, par la bouche de Laurette Onkelinx, ait salué la tirade bonapartiste du Chef de l’Etat. Tout cela montre le degré de dégénérescence de la social-démocratie, déjà illustré par les rôles de Papandréou en Grèce, de Zapatero en Espagne et de Socrates au Portugal – sans parler de DSK, l’ex-futur Président des Français. Quant à la NVA, elle a fustigé l’intervention du roi. Mais il ne faut pas s’y tromper : tout en misant sur le pourrissement des institutions de la Belgique, Bart de Wever est preneur de tout ce qui fait avancer l’austérité et reculer les droits démocratiques, car cela cadre avec son projet ultra-libéral. C’est pourquoi celui qui avoue sans ambages que « le VOKA est (son) patron », a soutenu l’extension des pouvoirs du gouvernement en affaires courantes, notamment lors de l’élaboration du budget 2011…
Le mouvement syndical craint De Wever, à juste titre. Mais il ferait une erreur terrible s’il se résignait à la stratégie du « moindre mal » de la social-démocratie et de ses alliés. La seule issue pour lui est d’élaborer son propre programme de réformes anticapitalistes. D’exiger un audit de la dette publique, afin de mettre en lumière les dettes illégitimes, produit de la manière dont les banques se sont enrichies en prêtant des capitaux fictifs. De réclamer l’abrogation des « baisses de charges » patronales ainsi qu’une gestion de la Sécurité sociale par les seuls représentant-e-s du monde du travail. De revendiquer une réduction radicale du temps de travail, sans perte de salaire, avec embauche proportionnelle et baisse des cadences. Etc… Il va de soi que ce programme, à la fois social, écologique et démocratique, n’a de sens que s’il va de pair avec une mobilisation en profondeur des travailleurs et des travailleuses – avec ou sans emploi – ainsi que des pensionné-e-s, des jeunes et de tou-te-s les laissé-e-s pour compte de ce système injuste, Belges et immigré-e-s.
Cette mobilisation ne peut gagner que si elle rassemble les forces, par-delà la frontière linguistique… et celles des appareils. Dans la mesure où cette mobilisation libèrera l’énergie et la créativité des exploité-e-s et des opprimé-e-s, elle permettra non seulement de sauvegarder les acquis sociaux mais aussi de réinventer la démocratie par en-bas, comme les Indigné-e-s ont commencé à le faire en Espagne et en Grèce. C’est alors seulement que les problèmes de la coexistence entre les peuples flamands et wallons pourront trouver une solution fédérale conforme aux intérêts du monde du travail. Une solution sans monarchie, dans le cadre d’une autre Europe, écosocialiste. Pour la gauche –la vraie- il n’y a tout simplement pas d’autre voie.
Daniel Tanuro

mardi 26 juillet 2011

[Réflexions politiques sur la tragédie norvégienne]

Réflexions politiques sur la tragédie norvégienne
Par Aslak Sira Myhre le Lundi, 25 Juillet 2011

Le massacre de près d’une centaine de jeunes militants sociaux-démocrates par un néonazi ce vendredi 22 juillet en Norvège soulève une horreur justifiée. Mais au-delà de l’émotion, il faut clairement poser la question de la responsabilité politique et morale de ce crime. Car cette horreur n’est pas le fait d’un « fou isolé ». Il s’agit d’un crime politique qui a été attisé et alimenté par la vague haineuse de racisme, d’islamophobie et de stigmatisation qui déferle sur l’Europe depuis plus d’une décennie contre les musulmans, désignés comme les principaux boucs émissaires de tous les maux. Une vague qui, avec la crise capitaliste, a pris une ampleur nouvelle. Son origine se situe bien sûr dans les campagnes savamment orchestrées par les organisations d’extrême droite ou de la nouvelle droite radicale populiste, qui connaissent partout une montée électorale croissante inquiétante. Mais cette campagne a été relayée, cautionnée, légitimée et par là démultipliée par des partis traditionnels en mal d’électorat, par des gouvernements afin de justifier leurs guerres impérialistes ou leurs lois racistes et par des médias et une cohorte « d’intellectuels ». Ceux qui, depuis des années, délirent sur « l’islamo-gauchisme » et font de la « menace de l’Islam » leur fond de commerce portent également la responsabilité morale et politique du massacre perpétré en Norvège. Il est plus que temps de dénoncer ces dérives, de pointer les responsabilités et de renverser la vapeur, comme nous y invite Aslak Sira Myhre, écrivain norvégien de gauche dans ce texte… (LCR-Web)
les leaders d’extrême droite d’Italie, Slovaquie, Belgique, Danemark et Suède
[Comme d’autres habitants d’Oslo], j’ai déambulé dans les rues et les immeubles attaqués. J’ai même visité l’île dans laquelle furent massacrés les jeunes activistes politiques. Je partage le sentiment de peur et de douleur qui frappe mon pays. Mais la question demeure « pourquoi ? ». Car cette violence n’était pas aveugle.
La terreur en Norvège n’est pas venue d’extrémistes islamistes. Ni de l’extrême gauche, bien que tous deux aient été accusés à plusieurs reprises de constituer une menace interne pour « notre mode de vie ». Jusqu’à aujourd’hui, y compris avec les terribles heures vécues cet après midi du 22 juillet, le peu de terrorisme qu’a connu mon pays est toujours venu de l’extrême droite.
Pendant des décennies, la violence politique dans ce pays a été le privilège exclusif des néonazis et d’autres groupes racistes. Dans les années ’70, ils ont posé des bombes contre des librairies de gauche et contre une manifestation du Premier Mai. Dans les années ’80, deux néonazis ont été exécutés par leur compères, soupçonnés d’avoir trahis leur groupuscule. Au cours de ces deux dernières décennies, deux jeunes norvégiens d’origine immigrée sont morts suite à des agressions racistes. Aucune organisation étrangère n’a tué ou blessé des personnes sur le territoire norvégien, à l’exception du Mossad, les services secrets d’Israël, qui a assassiné par erreur un innocent à Lillehammer en 1973.
Pourtant, malgré ces antécédents éloquents, lorsque cet acte terroriste dévastateur nous a frappé, les soupçons se sont immédiatement portés sur le monde musulman. C’était forcément des « djihadistes ». Cela ne pouvait être qu’eux.
On a immédiatement dénoncé une attaque contre la Norvège et contre « notre mode de vie ». Dès que la nouvelle a été connue, des jeunes femmes portant le foulard ou le hijab et d’apparence arabe ont été verbalement agressées dans les rues d’Oslo.
Et c’est « naturel ». Depuis au moins 10 ans, on nous raconte que la terreur vient de l’orient. Qu’un arabe est, par définition, un suspect. Que tous les musulmans sont marqués par l’intégrisme. Nous voyons régulièrement comment la sécurité aéroportuaire examine les gens de couleur dans des pièces spéciales. Il y a des débats infinis sur les limites de « notre » tolérance. Dans la mesure où le monde musulman s’est transformé en « l’Autre », nous avons commencé à penser que ce qui distingue « eux » de « nous », c’est la capacité de tuer des civils de sang froid.
Il y a également, il faut le dire, une autre raison pour laquelle tout le monde s’attendait à ce qu’al-quaïda soit derrière l’attentat. La Norvège participe à la guerre en Afghanistan depuis dix ans, depuis quelques temps nous intervenons également en Irak et nous larguons en ce moment des bombes sur Tripoli. Quand on participe depuis si longtemps à des guerres à l’étranger, il peut arriver un moment où cette guerre vient vous rendre visite à domicile.
Mais il y a plus. Alors que nous savons tout cela, la guerre fut à peine mentionnée quand nous avons souffert de l’attaque terroriste. Notre première réponse frisait l’irrationalité ; cela devait être « eux », parce qu’ils sont ce qu’ils sont. Moi je craignais que la guerre que nous livrons à l’étranger pouvait arriver un jour en Norvège. Que se passerait-il alors dans notre société ? Qu’arriverait-il avec notre tolérance, dans nos débats publics et, surtout, avec nos immigrés et leurs enfants nés en Norvège ?
Mais ce ne fut pas ainsi. Une fois de plus, le cœur des ténèbres se trouve au plus profond de nous-mêmes. Le terroriste est un homme blanc nordique. Ce n’est pas un musulman mais bien un islamophobe.
Dès que les choses ont été clarifiées, la boucherie est subitement devenue l’œuvre d’un fou. On a cessé de la voir comme une attaque contre notre société. La rhétorique et les titres des journaux ont tout de suite changé. Plus personne ne parle de « guerre ». On parle d’un « terroriste », au singulier et non plus au pluriel. Un individu particulier, et non un groupe indéfini facilement généralisable afin d’inclure des sympathisants ou quiconque entrant dans les préjugés fantaisistes et arbitraires, si commodes lorsqu’il s’agit de musulmans.

Cet acte terrible est maintenant officiellement une tragédie nationale. La question est : les choses auraient-elles été identiques si l’auteur aurait été un fou, certes, mais un fou musulman ?
Je suis, moi aussi, convaincu que l’assassin est fou. Pour chasser et exécuter des adolescents sur une île pendant une heure, il faut vraiment être cinglé. Mais, de même que dans le cas du 11 septembre 2001 ou dans le cas des bombes dans le métro de Londres, il s’agit d’une folie au service d’une cause, une cause tout aussi clinique que politique.
Quiconque a consulté les pages Web de groupes racistes, ou suivi les débats en ligne sur les sites internet des journaux norvégiens se sera rendu compte de la furie et de la rage avec laquelle se diffuse l’islamophobie, la haine vénéneuse avec laquelle des auteurs anonymes crachent contre les « idiots utiles » progressistes et antiracistes et contre toute la gauche politique. Le terroriste du 22 juillet participait à ces débats. Il a été un membre actif d’un des deux grands partis politiques norvégiens, le parti populiste de droite « Parti du Progrès Norvégien ». Il l’a quitté en 2006 pour rejoindre la communauté des groupes anti-musulmans sur internet.
Quand le monde croyait que le massacre était l’œuvre du terrorisme islamiste international, tous les hommes d’Etat, d’Obama jusqu’à Cameron, ont déclaré qu’ils étaient aux côtés de la Norvège dans leur lutte commune contre le terrorisme. Et maintenant, en quoi consiste la lutte commune ? Tous les dirigeants occidentaux ont le même problème à l’intérieur de leurs frontières. Vont-ils livrer avec la même vigueur une guerre contre la montée de l’extrémisme de droite, contre l’islamophobie et contre le racisme ?
Quelques heures après l’explosion de la bombe, le premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, a déclaré que notre réponse à l’attaque devait être plus de démocratie et plus d’ouverture. Si l’on compare avec la réponse de Bush face aux attaques du 11 septembre, il y aurait des raisons de se sentir orgueilleux. Mais après la plus terrible expérience qu’ait connue la Norvège depuis la Seconde guerre mondiale, j’aimerai que l’on aille plus loin. Il est nécessaire de s’appuyer sur cet événement tragique afin de lancer une offensive contre l’intolérance, le racisme et la haine, qui sont en croissance, non seulement en Norvège et en Scandinavie, mais dans toute l’Europe également.

Aslak Sira Myhre est un écrivain norvégien, directeur de la Maison de Littérature d’Oslo et ex-dirigeant
de l’Alliance Electorale Rouge norvégienne. Traduction française pour le site www.lcr-lagauche.be

samedi 16 juillet 2011

[Tunisie / 6 mois : des ex-prisonniers politiques en grève de la faim]

des ex-prisonniers politiques en grève de la faim

Publié le Mercredi 13 Juillet 2011 à 10:20 sur Gnet
D'anciens prisonniers politiques appartenant aux différents secteurs d’activité, et ayant bénéficié de la loi d’amnistie générale du 19 février 2011, sont en grève de la faim. Ils dénoncent les atermoiements et les tergiversations en matière d’activation de ladite loi.
Ils soulignent dans un communiqué publié hier que "le retour annoncé des ex-prisonniers politiques à leurs anciens postes de travail, n’est qu’une supercherie visant à duper l’opinion politique". Ce n’est qu’un petit groupe, ajoutent-ils, appartenant dans  sa majorité au secteur public, qui a recouvré son travail, sans que les dispositions de cette loi ne soient appliquées.
"Devant cette situation floue, et la récupération des acquis de la révolution, nous annonçons la poursuite de notre grève de la faim, et nous nous félicitions de la position de l’UGTT qui soutient nos revendications", relèvent-ils. Ils rendent hommage aux partis politiques, aux personnalités nationales et aux activistes des droits de l’Homme qui les soutiennent dans leur combat.
Les grévistes expriment leur détermination à  continuer leur combat, pour, disent-ils,  "réaliser une justice transitoire qui est essentielle pour parvenir à la réconciliation nationale". "Il n y aura ni justice, ni dignité sans la réhabilitation des victimes de la corruption et du despotisme" , ajoutent-ils dans leur communiqué.

mercredi 13 juillet 2011

[Six mois plus tard, la révolution tunisienne...]

Fin 2010. C’est un petit pays, à peine 10 millions d’habitants... Héritage d’un passé lointain, on y parle deux langues. Le gouvernement expédie les affaires courantes car il est provisoire. Le premier ministre a déjà beaucoup servi.  Les pays voisins, la France notamment, y contrôlent un paquet d’entreprises. L'Europe libérale y a imposé sa loi.
Ce pays s’appelle la Tunisie. Le 28ème pays européen en quelque sorte. Celui dans lequel plus de 2200 entreprises européennes -dont 160 belges- afin de pouvoir exploiter en toute quiétude, profitent  des services de « notre ami Ben Ali » qui y fait régner l’ordre et la discipline. L'U.E., instrument du capital, a ficelé une convention de partenariat avec la Tunisie de Ben Ali tout à l’avantage de ces entreprises : détaxation totale, liberté d’exporter leurs bénéfices, absence de droits de douanes pour les produits réexpédiés vers l’Europe et paiement des « charges sociales » patronales par l’État tunisien… Cerise sur le gâteau, moyennant une « légère rétribution » -sans doute captée par le clan mafieux des Ben Ali/Trabelsi- l’état policier est chargé de bloquer toute migration vers l’Europe.
L’acte désespéré d’un jeune précaire met le feu aux poudres. La contagion est rapide : jeunes chômeurs, travailleurs précaires, lycéens, étudiants et travailleurs organisés entrent successivement dans la lutte. La classe moyenne fragilisée et endettée suit.
Un mois après le début du mouvement, le 14 janvier 2011, la grève générale oblige le tyran à s’enfuir en catastrophe (oubliant même de vider  ses armoires à Sidi Bousaïd). Nul doute qu’au dernier moment, ses employeurs ont compris qu’il était temps de le lâcher pour préserver l’essentiel. Mais c’est le peuple qui l’a obligé à dégager.
Par la suite, fort de cet exemple, c’est tout le versant sud de la méditerranée qui se met en mouvement, chassant ou ébranlant sérieusement le pouvoir en Egypte, en Libye, au Yémen, à Bahreïn, à Oman, au Koweït, en Jordanie, en Arabie Saoudite, en Algérie et au Maroc. Et l’onde de choc s’est fait ressentir au Burkina, en Chine…
Six mois plus tard, la révolution tunisienne a (momentanément) suspendu sa marche mais elle a redonné un sens à nos combats ici. 
A nous de profiter de ses enseignements.
D’abord la puissance des masses en mouvement. Ensuite la rapidité avec laquelle le peuple apprend dans la lutte, et la radicalisation qui en découle. La révolution, ce n’est pas qu’un moment, c’est une dynamique porteuse. Ceux qui se sont lancés dans le mouvement pour améliorer leur sort ne veulent pas arrêter avant d’avoir achevé le processus, ni le limiter à un nettoyage sommaire.
Enfin que la violence ne vient pas du camp de la révolution mais est utilisée par le pouvoir pour se maintenir coûte que coûte.
Le 13 juillet 2011
fRED

lundi 4 juillet 2011

[Di Rupo : le show du transformiste]

Fortifie-toi seulement et aie bon courage, en agissant fidèlement
selon toute la loi que Moïse, Mon Serviteur, t'a prescrite ;
ne t'en détourne ni à droite ni à gauche, afin de réussir
dans tout ce que tu entreprendras
Josué 1:7.

Di Rupo : le show du transformiste

"toi et moi nous nous comprenons..."
Au cours des dernières semaines, la presse a minutieusement préparé le terrain. En gros, voici le décor qui est monté en prévision du spectacle que s’apprête à livrer EDR : en toile de fond une « interminable » crise gouvernementale qui « nuit gravement à l’image de notre pays aux yeux des investisseurs ». à droite, une Commission Européenne qui s’époumone « il faut rétablir l’orthodoxie budgétaire ! ». à gauche (enfin, il fallait bien les mettre quelque part…), quelques « grands hommes » (y compris des femmes) attendent en se chamaillant gentiment, le « souverain », de retour de Monaco avec sa famille. Il fait beau, la fenêtre est ouverte et on voit le ciel bleu. On entend une rumeur « automobile » à proximité : c’est le début des vacances, on ne fait plus la file aux portes (des écoles « chics ») de Bruxelles mais aux check-points des festivals et aux péages d’autoroutes… La RTBF rediffuse ses vieilles émissions et le narco-tour vient de débuter. C’est l’été.

Soudain, dans une étincelante lumière, apparaît celui qui « a tellement travaillé » pour « sauver notre pays », celui qui n’a pas hésité à troquer son « poing levé » contre une « main tendue »…
Voilà, à ce stade-là, la salle est sensée applaudir, le spectacle est déjà une remarquable réussite. Il reste à réciter un texte, un peu décalé, dans lequel les « menaces » évoquées ces derniers temps dans la presse, se dégonflent. Rassurant mais déterminé, EDR commente son époustouflante prestation : « au bout de cette longue ligne droite je peux vous dire que le chemin a été long et semé d’embuches que nous sommes parvenus à contourner sans mettre un pied de travers, il n’y avait pas d’alternative, il fallait faire quelques concessions mais nous avons préservé l'essentiel ».