mercredi 26 octobre 2011

[Tunisie : Que dire ? Que faire ?]

[Tunisie : Que dire ? Que faire ?]
expo face à l'ambassade de France - Tunis
 Pour la deuxième fois en 9 mois le peuple tunisien a surpris les « commentateurs » de la vie sociopolitique tunisienne. Si les sondages donnaient Ennahdha (1), le parti islamiste, arrivant en tête aux élections pour l’Assemblée Constituante, personne n’avait prévu l'ampleur de ce succès. Et surtout, personne n’avait prévu une telle déroute pour les listes qui, se réclamant du « modernisme » tels le PDP et le Pôle Démocratique et Moderniste, s’étaient érigés en « rempart » contre l’islamisme…  Comment expliquer ces résultats ?

Premier constat : les chiffres. Les grandes tendances des résultats sont constatées partout dans des proportions relativement identiques, tant à l’intérieur de la Tunisie -dans les grandes villes comme dans les régions les plus reculées- que dans les votes à l’étranger.
Deuxième constat : le  religieux. L’ampleur du résultat d’Ennahdha ne peut pas être dissocié des bons résultats (du moins si on tient compte des prévisions) d’autres listes. Ceux du CPR et de  Ettakatol/ FDTL qui tous deux ont toujours ménagé Ennahdha quand le PDP et le PDM en faisaient leur cible privilégiée. Mais il faut aussi classer dans la même veine les résultats surprenants d’une deuxième liste marquée comme « islamiste », celle d’ Hechmi Hamdi, ancien dissident d’Ennahdha, tête de liste d’Al Aridha Al Chaabia. Il se paie même le luxe de se classer devant Ennahdha dans la circonscription de Sidi Bouzid et deuxième à Kasserine, villes symboles de la révolution ! Propriétaire de Al-Mostakilla, chaîne de télévision émettant par satellite depuis Londres où il réside, l’homme a des moyens. Il y a quelques mois encore, Hechmi Hamdi ne cachait pas son admiration pour Leila Ben Ali ; sur sa télé il ventait ses mérites : « elle fait sa prière 5 fois par jour et son livre de chevet est le coran ». Au final son parti emporterait 25 sièges, même si des contestations sont encore pendantes en raison de suspiscion de financements « occultes » de sa campagne…
On voit donc se dessiner un arc de forces politiques dont l’épicentre est Ennahdha mais qui n’est pas uniquement composé de partis faisant référence à la religion. Leurs traits commun : ils ne remettent pas en cause le cadre de l’économie libérale et ils étaient peu ou pas présents dans la phase révolutionnaire de décembre 2010/janvier 2011. Des caractéristiques qui les rendent « fréquentables » pour l’Europe et les Etats-Unis. En fait, ils bénéficient de leur réputation d’opposants réprimés par Ben Ali.
Troisième constat : le langage. À la différence des « partis d’intellos » se réclamant de la modernité, les forces qui sortent en tête du scrutin ont su tenir un langage simple, populaire. On peut ne pas aimer ces méthodes souvent populistes, mais elles ont parlé au quotidien des citoyens. Bien plus que des concepts qui restent éloignés et abstraits… Hechmi Hamdi promet des soins gratuits et deux cents dinars (100 euros) pour chacun des 500.000 chômeurs du pays en contrepartie de jours de travail communautaire. C’est de la démagogie mais cela parle aux plus démunis.
L’essentiel de la gauche radicale, elle, a mis les luttes sociales entre parenthèses pour se consacrer à la lutte électorale, désincarnée du quotidien, et a été incapable d’unir ses forces…
Quatrième constat : les mecs.  Malgré la règle de la parité totale pour la présentation des listes électorales, l’Assemblée constituante sera celle des hommes. Sur 1517 listes présentées, seulement 110 étaient menées par des femmes. A noter également que la moyenne d’âge chez les candidatEs est moins élevée que chez les hommes, Etant donné l’éparpillement, les femmes auront donc peu d’occasions de faire entendre leur voix. Paradoxe, c’est Ennahdha qui relève la moyenne grâce à ses élus en nombre suffisant dans chaque circonscription. L’Assemblée constituante sera néanmoins majoritairement masculine et agée à 95% de plus de 30 ans dans un pays qui compte 50% de femmes et 55% de moins de 30 ans.
Cinquième constat : le fric. Même habitués aux campagnes coûteuses en Europe, on ne pouvait qu’être frappés par la démesure des moyens développés par certains partis. Tracts en surabondance,  meetings et shows à l’américaine, caravanes de voitures « customisées », bus aux sonos gonflées,  distributions de gadgets, de fleurs, d’autocollants, et de colis alimentaires dans les régions les plus pauvres, tout y est passé. La campagne officielle, relativement courte, a été précédée d’une déferlante de publicités sur toutes les chaînes de télévision, au point que les annonceurs commerciaux traditionnels se sont mis à « faire dans l’électoral » pour vendre leur camelote.
Question flouze, Ennahdha avait déjà fait fort, dès fin avril : trois mois à peine après sa sortie de l’illégalité elle s’offrait un siège rutilant à Tunis, un bâtiment précédemment occupé par Tunisie Télécom, au loyer estimé à 20.000dt mensuels (2).
Mais d’où vient tout cet argent ? Visiblement ce n’est pas le financement public des partis (7500 dt -3800€- dont la deuxième moitié sera libérée sur présentation de pièces probantes…) qui permet de telles frasques ! Une hypothèse parmi tant d’autres : le monde des affaires recycle dans la « démocratie »(3)  l’argent qu’il « concédait » précédemment aux mafieux qui gardaient les portes de son gigantesque casino… Et par ailleurs la Tunisie, de par sa position géostratégique est fort convoitée par des pays et des milieux influents…

Tous les grands problèmes restent
La victoire d'Ennahdha ferme une séquence, celle dans laquelle les classes dominantes ont mené une « contre-révolution démocratique » afin de se doter d'une alternative politique : moins encombrante et moins vorace que l'ex-dictateur en fuite, ayant une légitimité « populaire » et surtout l’aval des puissances impérialistes.
Mais rien n’est joué. Le remembrement opéré ne règle aucun des grands problèmes qui ont conduit le peuple tunisien dans le tourbillon révolutionnaire. Au contraire même, il les rend plus aigus : comment le nouveau gouvernement, malgré sa confortable majorité, pourra t’il tenir les innombrables promesses que ses leaders ont faites ? Les bailleurs de fonds, les puissances étrangères et les dépeceurs qui rodent autour de l’économie Tunisienne vont réclamer des « retour sur investissement (3)» qui se traduiront inévitablement par plus de disparités régionales, plus de précarité, plus de pauvreté… Et il ne suffira plus de répondre « ce n’est pas le moment de… »
Les luttes sociales qui n’ont pas cessé depuis décembre 2010, même si elles sont fort éparpillées, pourraient reprendre de plus belle. Au lendemain des élections, le Président du bureau politique d’Ennahdha déclarait « Si la Constituante n’honore pas ses engagements le peuple y répondra par le slogan ‘ Dégage !’». Son parti et le gouvernement qu’il va former pourraient en faire les frais…
Au sein de l’UGTT, qui tient un congrès crucial en décembre, les militants de gauche doivent se doter d’un objectif commun : la faire rompre de manière radicale avec la politique de « collaboration » avec le (nouveau) gouvernement et  retrouver ses réflexes de classe. Appuyer résolument les luttes auxquelles la bureaucratie avait mis une sourdine pendant la campagne pour la Constituante. Tracer des convergences entre les travailleurs pour améliorer leurs conditions de travail et les jeunes chômeurs pour leur garantir une protection sociale digne.

Freddy MATHIEU

(1)     Pour ne pas alourdir ce texte limitons-nous aux sigles des partis et reportons-nous au dossier « Qui sont les (nombreux) partis politiques tunisiens » sur le site Tunisie Libre de Rue 89 - http://blogs.rue89.com/tunisie-libre/2011/09/06/qui-sont-les-nombreux-partis-politiques-tunisiens-220493
(2)     100000 dinars pour connecter 26 sites d’Ennahdha à la fibre optique ? http://hazemksouri.blogspot.com/2011/05/100000-dinars-pour-connecter-26-sites.html
(3)     En référence à l’appel des milieux d’affaires « Invest in democracy »… (investindemocracy.net/)

[Tunisie : voter rue Lénine...]

jeudi 20 octobre 2011

[Continuer la révolution, il n’y a pas le choix…]

Continuer la révolution, il n’y a pas le choix…
Tunis le 20 octobre 2011
...dans la Medina, les images de Kadhafi circulent
Malgré les efforts considérables déployés pour convaincre les tunisiens d’aller aux urnes, c’est aujourd’hui le colonel Kadhafi qui tient la vedette. Dans la médina, la nouvelle de sa capture s’est répandue comme une trainée de poudre. Sur leur GSM, des jeunes repassent sans cesse le film d’AlJazeera montrant le corps du dictateur voisin sorti de son égout.



Une « Constituante » peut en cacher une autre…
Dans les premières semaines du gouvernement provisoire qui a suivi la fuite du dictateur tunisien Ben Ali, la revendication de l’élection d’une assemblée constituante était incontestablement une revendication juste et populaire, au même titre que la dissolution du RCD, le départ du gouvernement de tous ceux qui avaient eu des responsabilités sous Ben Ali (et en particulier Mohamed Ghanouchi ancien et nouveau premier ministre…).
On mesure aujourd’hui combien la contre offensive du régime a été pernicieuse…
Dissous le RCD ? Officiellement, oui. Mais parmi les quelques 115 partis qui ont reçu leur visa après le 14 janvier, une vingtaine au moins sont constitués d’anciens RCD.
Écartés les anciens RCDistes ? Il y a plus d’un fait troublant qui montrent  que les hommes de Ben Ali sont encore bien présents aux postes les plus influents. Ainsi, lors de la visite de l’actuel premier ministre, Béji Caïd Essebsi, aux Etats-Unis (3-7 octobre), on a pu noter la présence de Mohamed Nouri Jouini, ancien ministre de la Planification et de la Coopération Internationale, dans la délégation tunisienne à Washington. Son passé ne fait pourtant pas de doute : En 1996, il travaille pour la présidence de la République ; un an plus tard, il devient conseiller auprès du président Zine el-Abidine Ben Ali. Il devient secrétaire d'État auprès du ministre du Développement économique, chargé de la Privatisation, le 24 janvier 2001; il conserve son poste jusqu'à sa nomination au poste de ministre du Développement et de la Coopération internationale en septembre 2002. Suite à la révolution de 2011, il conserve de nouveau son poste, en tant que ministre de la Planification et de la Coopération internationale, dans les deux premiers gouvernements de Mohamed Ghannouchi. Commentant cette présence « officielle » à Washington, le président de l'Association des économistes tunisiens, a souligné « que l’objectif de cette visite est de soutenir la transition économique, l’emploi, ainsi que l’investissement en Tunisie, en particulier dans le domaine des affaires. En ce qui concerne la présence de Mohamed Nouri Jouini, (…) le but était d’inciter les américains à investir dans notre pays, puisqu'il a des relations fortes aux Etats Unis, où il a effectué ses études pendant de longues années. » D’autre part, il a indiqué « que le positionnement géographique stratégique de la Tunisie peut servir les intérêts géopolitiques des USA dans la région, leur permettant d'atteindre plus facilement le marché libyen en cas de coopération avec la Tunisie. A noter également, selon certaines sources, en marge de cette visite des contacts conjoints des autorités américaines avec des représentants du parti islamiste Ennahda et des proches du premier ministre tunisien en vue de « faciliter » les relations futures au sein du prochain gouvernement ; un accord aurait été discuté consistant à ce qu’on laisse à Béji Caïd Essebsi son poste de Premier ministre, en contrepartie, les USA (et l’Europe) continueraient leur soutien  financier à la Tunisie.
En mai déjà, le parti Ennahda avait été invité aux Etats-Unis où il avait donné des gages aux représentants du Département d’Etat et même rencontré  l’ex-candidat républicain à la présidence, le sénateur John McCain.

Visites et voyages
La visite suivante du premier tunisien fut pour la Libye… Au cours de cette visite, la première depuis la révolution, M. Béji Caïd Essebsi  était accompagné par une importante délégation composée de six ministres ainsi que de la présidente de l'organisation patronale UTICA. Nul doute que le message américain est arrivé à destination entre de bonnes mains.
Dans les jours qui ont suivi ce fut le tour de l’ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt, de venir parler « affaires » à Tunis, en tant que président du groupe parlementaire de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE). Le grand duduche du parlement européen a même déclaré qu’il allait « aider » la Tunisie : “Réticente au début envers la révolution tunisienne, l’UE veut aujourd’hui se rattraper et apporter l’aide nécessaire pour assurer un passage vers la démocratie”, a déclaré Guy Verhofstadt. “Nous croyons en l’avenir d’une Tunisie démocratique et ouverte”, a encore souligné le président de l’ADLE qui a mis en relief “la richesse du pays le plus européen de l’Afrique du Nord”, fort d’un taux d’instruction élevé, d’un esprit ouvert au monde extérieur et d’un statut respectueux de la femme.


Ramona
Au fond, depuis des mois, tous autant qu’ils sont ,nous répètent les mêmes rengaines : réussir la révolution c’est réussir les élections. Et à ceux qui rappellent que les objectifs premiers de la révolte de l’hiver 2010-2011 qui a chassé le dictateur, sont «Travail, liberté, dignité nationale», ils répondent que ce n’est pas le moment de revendiquer, l’important c’est de rassurer les investisseurs. C’est de reprendre de plus belle le pillage économique de la Tunisie, avec, en corollaire, l’intensification de la précarité.
Aux femmes qui craignent que les compromis avec les islamistes ne se fassent sur leur dos, en enclenchant la marche arrière sur le statut de la personne, le pouvoir tout autant qu’Ennahda font miroiter le code électoral qui impose la parité sur les listes de candidats. A Washington, le premier ministre a déclaré : « le principe de la parité entre les hommes et les femmes sur les listes électorales est une décision d’avant-garde qu’aucun autre pays n’a prise, même parmi les plus avancés dans le monde ». Mais avec plus de 1.600 listes (dans 112 partis -60%- et des coalitions indépendantes-, plus de 11.000 candidats et seulement 5% des têtes de listes pour les femmes, celles-ci ne risquent pas de peser plus lourdement sur le projet de Constitution qui sortira de la nouvelle assemblée. Tout au plus remplissent-elles aujourd’hui le rôle d’attrape-voix…
-Tunis, station Le Passage - 20 octobre-
Les jeunes quant à eux peuvent être rassurés : les rapeurs vedettes, les blogueurs de choc, et les zartistes de combat se mobilisent aussi pour leur chanter « Ramona » et les inciter à voter. Pour qui, pour quoi, ramone par-ci, ramone par-là…

Répression et soumission
Mais derrière ce nouveau « vernis démocratique », les vieilles habitudes du benalisme sont toujours visibles : la répression continue, les militants sont inquiétés, des partis toujours réprimés (dont la Ligue de la Gauche Ouvrière qui s'est vu une première fois refuser le visa (1), officiellement car elle a le même programme qu'un autre parti -c’est vrai que 113 au lieu de 112…). Les travailleurs qui se battent pour leurs droits, pour leurs emplois, les jeunes diplômés qui mènent campagne pour obtenir des jobs, sont traités « d’égoïstes », sont mis au banc des accusés. Les familles de ceux qui sont morts -ou ont été blessés- pour la révolution, attendent toujours que justice soit faite. Les tortionnaires, les criminels, sont toujours à l’abri de poursuites. Idem pour le clan mafieux. Et même Ben Ali et consorts, dont l’argent détourné à tout le loisir de se dissimuler étant donné le peu d’empressement du gouvernement provisoire de s’attaquer aux symboles de la corruption.
D’ailleurs, comme avant sous Ben Ali, le gouvernement provisoire s’est empressé de rembourser les dettes odieuses du dictateur et dans cette campagne, cette question cruciale pour un pays qui a fait une révolution au nom de la « dignité nationale », est totalement escamotée. Tous les partis qui prétendent « compter » dans la prochaine république semblent bien incapables d’ouvrir les livres de compte de la dictature.  De toutes les manières, c’est le peuple qui  paye l’addition.
-comment camoufler la réalité...-
L’organisation des élections pour la constituante participe d’une vaste offensive idéologique pour camoufler ces réalités.
La LGO appelle finalement au boycott de ces élections en ces termes : « Ces forces contre révolutionnaires se sont mises d’accord sur l’organisation d’élections contraires aux mots d’ordre de la révolution pour étouffer les aspirations des masses populaires à l’émancipation, et de ce fait elles s’emploient à légitimer une opération électorale illusoire alors que les masses populaires n’accordent aucun intérêt à ces élections car ne répondant pas à leurs revendications en matière de droit au travail, de développement, de justice sociale, mais aussi la rupture avec les politiques répressives et les choix socio-économique impopulaires. »
Le nombre de listes en présence est sensé donner l’impression que les citoyens tunisiens ont le choix. Mais au fond, il n’y a qu’un choix qui leur permettra de finir ce qu’ils ont commencé en décembre 2010 : continuer la révolution.
-à la Kasbah, les affiches électorales ont remplacés les grafitis...-

Freddy Mathieu










(1) Dernière minute : la LGO vient finalement de recevoir son habilitation.

samedi 15 octobre 2011

15 octobre 2011 : grande victoire pour les Indignés

15 octobre 2011 : grande victoire pour les Indignés
par Eric Toussaint (CADTM) depuis Madrid

Depuis février 2003, c’est la première fois qu’un appel à une action internationale à une date déterminée rencontre un tel écho. En Espagne, d’où l’action est partie près de 500 000 manifestants ont défilé dans les rues d’environ 80 villes différentes dont 200 000 ou plus à Madrid. Des actions se sont déroulées dans 5 continents. Plus de 80 pays et près d’un millier de villes différentes ont vu défilé des centaines de milliers de jeunes et d’adultes qui protestent contre la gestion de la crise économique internationale par des gouvernements qui courent aux secours des institutions privées responsables de la débâcle et qui en profitent pour renforcer les politiques néolibérales : licenciements massifs dans les services publics, coupes claires dans les dépenses sociales, privatisations massives, atteintes aux mécanismes de solidarité collective(systèmes publics de pension, droits aux allocations de chômage, convention collectives entre salariés et patronat,…). Partout le remboursement de la dette publique est le prétexte utilisé pour renforcer l’austérité. Partout les manifestants dénoncent les banques.
En février 2003, il s’était agi de la plus grande mobilisation internationale pour tenter d’empêcher une guerre : l’invasion de l’Irak. Plus de 10 millions de personnes s’étaient rassemblées dans d’innombrables manifestations autour de la planète. Depuis lors, la dynamique du mouvement altermondialiste né au cours des années 1990 s’était progressivement estompée sans s’épuiser tout à fait. Ce 15 octobre 2011, un peu moins d’un million de personnes ont manifesté mais il s’agit néanmoins d’une énorme victoire car c’est la première grande manifestation réalisée en 24 heures autour de la planète contre les responsables de la crise capitaliste qui fait des dizaines de millions de victimes.
La crise financière et économique qui a démarré aux Etats-Unis en 2007 s’est étendue principalement en Europe à partir de 2008. La crise de la dette qui était le lot des pays en développement s’est déplacée vers les pays du Nord. Elle est interconnectée à la crise alimentaire qui frappe d’importantes régions des pays en développement depuis 2007-2008. Sans oublier la crise climatique qui affecte principalement les populations du Sud de la planète. Cette crise systémique s’exprime également au niveau institutionnel : les dirigeants des pays membres du G8 savent qu’ils n’ont pas les moyens de gérer la crise internationale, ils ont dès lors réuni le G20. Celui-ci démontre depuis 3 ans qu’il est incapable de trouver des solutions valables. La crise recèle une dimension de civilisation. Sont remis en cause pêle-mêle le consumérisme, la marchandisation généralisée, la non prise en compte des impacts environnementaux des activités économiques, le productivisme, la recherche de la satisfaction des intérêts privés au détriment des intérêts, des biens et des services communs, l’utilisation systématique de la violence par les grandes puissances, la négation des droits élémentaires des peuples comme celui de Palestine… Souvent c’est le capitalisme qui est au centre de la remise en question.
Aucune organisation centralisée n’a convoqué cette mobilisation. Le mouvement des Indignés est né en Espagne en mai 2011 dans la foulée des rébellions tunisienne et égyptienne des mois précédents. Il s’est étendu à la Grèce en juin 2011 et dans d’autres pays européens. Il a franchi l’Atlantique Nord depuis septembre 2011. Évidemment une série d’organisations politiques radicales et de mouvements sociaux organisés soutiennent le mouvement mais ils ne le conduisent pas. Leur influence est limitée. Il s’agit d’un mouvement largement spontané, jeune en majorité, avec un énorme potentiel de développement qui inquiète fortement les gouvernants,les dirigeants des grandes entreprises et toutes les polices de la planète. Il peut s’éteindre comme un feu de paille ou mettre le feu aux poudres. Personne ne le sait.
Le 15 octobre 2011, l’appel à la mobilisation a surtout réuni des manifestants dans les villes des pays du Nord et n’a pas épargné les centres financiers de la planète, ce qui est très prometteur. Le mouvement des Indignés a déclenché une dynamique très créative et émancipatrice. Si vous n’en faites pas encore partie, cherchez à le rejoindre ou à le lancer s’il n’existe pas encore là vous vous vivez. Interconnectons-nous pour une authentique émancipation. 


mercredi 12 octobre 2011

Boycottons les élections du 23 octobre qui fauchent la révolution !

Déclaration de la Ligue de la gauche ouvrière (Tunisie) 
Boycottons les élections du 23 octobre qui fauchent la révolution ! 
Continuons la lutte pour un gouvernement ouvrier et populaire ! 
Le gouvernement Mebaza/Essebsi continue tranquillement de mettre en œuvre sa politique libérale répressive et d’appauvrissement contre les masses laborieuses, tendant à maintenir le système d’exploitation, de corruption et de trahison nationale ; un système basé sur l’endettement et l’hypothèque du pays au capital international provenant d’institutions monétaires et de pays comme la France et les États-Unis d’Amérique.
Cette politique ne mène qu’à plus d’appauvrissement, à la marginalisation des masses populaires et à l’approfondissement du gouffre déjà énorme entre les classes et les régions. Sinon comment expliquer la course engagée entre les parties de la trahison — symboles de gouvernement et chefs de parti — pour visiter leurs maîtres en Amérique et en Europe, comme l’ont fait la réaction religieuse, le Parti démocrate progressiste et le Forum démocratique pour le travail et les libertés… Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils adoptent et défendent le projet économique et social s’attachant au plan jasmin et au G8; ce projet ravageur de l’économie du pays et des intérêts des masses populaires a été également honteusement approuvé par, entre autres organisations, l’Union générale des travailleurs tunisiens représentée par la bureaucratie syndicale.
Ces forces contre révolutionnaires se sont mises d’accord sur l’organisation d’élections contraires aux mots d’ordre de la révolution pour étouffer les aspirations des masses populaires à l’émancipation, et de ce fait elles s’emploient à légitimer une opération électorale illusoire alors que les masses populaires n’accordent aucun intérêt à ces élections car ne répondant pas à leurs revendications en matière de droit au travail, de développement, de justice sociale, mais aussi la rupture avec les politiques répressives et les choix socio-économique impopulaires. Qui plus est, cette mascarade électorale va conduire à un gouvernement absolument incapable de satisfaire les exigences populaires nées du processus révolutionnaire depuis son déclenchement.
Un gouvernement issu de cette combinaison de conspirateurs — même à composante diversifiée de parties réactionnaires, libéraux, RCDistes et d’opportunistes — ne sera qu’un gouvernement hostile au peuple et à ses intérêts, un instrument répressif et un serviteur servile à ses maîtres américains et européens.
Les conditions nécessaires pour l’élection d’une assemblée constituante populaire et démocratique ne sont pas réunies. Le gouvernement et les organismes qui chapeautent l’opération électorale se sont compromis avec le colonialisme et sont foncièrement anti-populaires : les assassins des martyrs de notre peuple ne sont pas encore jugés ; les médias sont dirigés au service des traîtres ; le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant et est contrôlé par les corrompus en plus de la mainmise du capital national et étranger sur la vie politique ; l’escalade de la répression et la multiplication des arrestations et des procès, l’enrôlement forcé des jeunes dans l’armée ; l’interdiction des forces révolutionnaires de l’activité politique et la justification ’’légale’’ du retour du gang RCDiste ; la non-récupération de l’argent pillé et le non-jugement de la mafia et des symboles de la corruption.

Pour ces raisons et considérant la mainmise des forces contre révolutionnaires et des conspirateurs sur le processus électoral et l’absence des conditions nécessaires pour une élection démocratique d’une assemblée constituante, les militantes et les militants de la Ligue de la gauche ouvrière appellent les masses populaires et les forces patriotiques et révolutionnaires à continuer le processus révolutionnaire.
  • Boycottons les élections du 23 octobre ; non à leur conseil de la conspiration et de la trahison ! 
  • Oui pour continuer la révolution jusqu’au renversement du régime ! 
  • Que les masses imposent leur souveraineté populaire ! 
  • Pour un gouvernement ouvrier et populaire afin d’atteindre les objectifs de la révolution!
Ligue de la gauche ouvrière

Tunis, 9 octobre 2011
les six mois de la révolution partie 3/3