jeudi 30 janvier 2014

[Appel]

Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer…

Le 25 mai 2014, pour la première fois depuis longtemps, la gauche de gauche aura la possibilité de faire élire des représentant-e-s au parlement fédéral et dans les régions. Aujourd’hui, la fracture sociale qui mène jusqu’à la pauvreté et la destruction de l’environnement nous imposent un choix radical.
Face à la montée des inégalités et du chômage et aux attaques contre les droits sociaux, fruits de décennies de luttes et de sacrifices, face à l’absurde politique de rigueur imposée par la commission européenne avec l’aval de tous les gouvernements nationaux, une autre voix doit se faire entendre dans les enceintes parlementaires. Une voix qui propose des alternatives sociales et écologiques et relaie les luttes sociales sur le terrain. Le Premier mai 2012, la FGTB de Charleroi appelait au rassemblement autour d’une alternative anticapitaliste à gauche du PS et d’Ecolo. D’autres secteurs syndicaux, comme la CNE, se montrent ouverts à cette perspective. Les lignes bougent.
Nous nous engageons dans cette dynamique. C’est pourquoi nous avons décidé d’appeler à voter en faveur des listes PTB-GO ! (Gauche d’Ouverture) qui regroupent autour du PTB des personnalités indépendantes, des militants syndicaux et associatifs et d’autres forces de gauche (le PC et la LCR). Nous ne partageons pas l’ensemble du programme du PTB et nous pouvons même avoir des divergences importantes mais ce parti s’est ouvert et est en évolution.
Il y a urgence : les partis de la gauche traditionnelle (PS et Ecolo) assument les politiques d’austérité et adhèrent au Traité budgétaire européen (TSCG) qui ne fera que les accentuer. Les travailleurs, les femmes, les jeunes, les allocataires sociaux, les personnes d’origine immigrée sont durement frappés. La chasse aux chômeurs s’amplifie. Le sort réservé aux demandeurs d’asile et aux sans papier est indigne d’une démocratie. Les interventions militaires à l’étranger se multiplient. On peut évoquer les rapports de force ou la volonté d’éviter le pire : cela ne suffit plus et cela conforte l’hégémonie d’une droite libérale dont la faillite économique n’a d’égale que son arrogance politique.
Demain des élu(e)s se revendiquant pleinement de la gauche, pourront porter des revendications largement partagées à gauche comme, l’instauration d’une véritable fiscalité sur les grandes entreprises ou la défense des services publics. Par ailleurs, leur présence sera utile à toute la gauche, à ceux qui luttent, à ceux qui doutent, à ceux qui désespèrent de la politique et même à ceux qui tentent de modifier le cours des partis traditionnels. Voilà pourquoi nous pensons que cette fois voter pour les listes PTB–GO !, c’est faire progresser l’ensemble de la gauche. C’est le sens de l’appel que nous lançons : il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer.

Voici la liste des premiers signataires.
Pour assurer le succès de l'appel et surtout celui des listes PTB-GO, réjoignez- les en envoyant un mail à l'adresse : gauchedouverture(at)gmail.com et en indiquant votre qualité et votre localité.
 

Patrick Bebi, Acteur-Metteur en scène
Jean-Marie Chauvier, auteur
François D’agostino, membre du bureau politique du PC.
Noëlle De Smet, militante au CGé (Changement pour l’égalité)
Josy Dubié, Sénateur Honoraire
Fabrice Epis, secrétaire principal CNE Région Bruxelles- brabant wallon – retraité
Hugues Le Paige, journaliste-réalisateur
Anne Löwenthal,  Blogueuse militante
Anne Morelli, Professeure de l’U.L.B.
Fabrice Murgia, acteur et metteur en scène
Christian Panier, juge honoraire, enseignant UCL
Irène Petre, Permanente Nationale CNE (secteur commerce) – retraitée
Isabelle Stengers, philosophe, Université Libre de Bruxelles
Daniel Tanuro, Ingénieur agronome, membre de la direction de la LCR
Lise Thiry, virologue
Christian Viroux, ex-secrétaire régional FGTB Centrale générale

[25 mai 2014 : faire entendre une voix de gauche]


637 jours après l’appel de la FGTB Charleroi le 1er mai 2012, des listes de rassemblement intitulées PTB-GO ! ont été présentées officiellement à la presse. Objectif : faire entendre une voix de gauche dans la campagne pour les élections de mai 2014, et offrir la possibilité d’un vote utile à gauche de la gauche. La LCR se réjouit du fait que se regroupent ainsi autour du PTB des personnalités indépendantes, des militants syndicaux et associatifs ainsi que le PC et la LCR, dans le respect de l’identité et des spécificités de chacun.

Gauche d’ouverture
La dynamique lancée le Premier Mai 2012 par les syndicalistes de  Charleroi reçoit ainsi une première concrétisation. La Conférence de Presse de lancement de PTB-GO ! est à l’image de cette dynamique : une quinzaine de personnalités de milieux divers ont en effet présenté un Appel (voir le texte ci-dessous) qui débute par ces mots : « Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer ». Elles l’ont fait en présence des principaux membres du Comité permanent de la FGTB de Charleroi, non signataires de l’Appel, mais  venus se réjouir publiquement du fait qu’un premier pas ait été franchi dans le sens de leurs prises de position.
Hugues Lepaige : « L’appel de la FGTB carolorégienne a constitué un moment fondateur »
Présentant la conférence de presse, Hugues Lepaige (journaliste et réalisateur), a campé brièvement l’initiative de l’Appel « Il y a des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer ». « L’appel de la FGTB carolorégienne a constitué un moment fondateur. Nous nous inscrivons dans cette dynamique », a-t-il dit.
Carlo Briscolini
Carlo Briscolini : « Un syndicat fort sans un parti fort à gauche, c’est une voie sans issue »
Au nom des responsables de la FGTB de Charleroi, presque tous présents, Carlo Briscolini, président de la régionale, s’est félicité du fait que trois partis de gauche aient pu se regrouper, avec l’appui de personnalités indépendantes. « Nous nous réjouissons de cette première étape dans la réponse à notre appel du Premier Mai 2012, a-t-il déclaré. » Rappelant les principes de l’indépendance syndicale, il a noté que les 30 années écoulées n’ont été qu’un long tunnel d’austérité sans fin. « La gauche de gouvernement nous promet toujours que demain ça ira mieux mais il n’y a jamais de lendemain pour les syndicats », a-t-il résumé. Et de conclure : « Un syndicat fort sans un parti fort à gauche, c’est une voie sans issue ».
Irène Pètre : « Une gauche gouvernementale qui fait payer la crise aux plus fragiles peut-elle encore s’appeler gauche ? »
Irène Pètre a rappelé l’événement de la Géode, au cours duquel Isabelle Wanschoor, au nom de la CNE, a soutenu l’appel de la FGTB de Charleroi et salué le courage de ses dirigeants. Elle aussi a souligné à quel point la CNE est attachée à l’indépendance syndicale. Elle a attiré l’attention sur le fait que Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la Centrale, s’est exprimé en faveur d’un rassemblement à gauche du PS et d’Ecolo. « Le plus dur à supporter, pour les syndicalistes, a été le vote du Traité budgétaire européen : la gauche s’est lié les poings et les pieds, elle renonce aux politiques sociales. » Pointant l’exclusion de 55.000 chômeurs, dont une majorité de  femmes, l’ex-secrétaire de la CNE pose la question : « Une gauche gouvernementale qui fait payer la crise aux plus fragiles peut-elle encore s’appeler gauche ? » Et de dénoncer la mise à l’écart des syndicats, empêchés de faire leur « core business » par la politique gouvernementale.

Irène Pètre, Daniel Tanuro, Isabelle Stengers
Daniel Tanuro : « Ceci n’est pas une crise mais une impasse sociale et écologique du capitalisme »
Daniel Tanuro (LCR) a parodié Magritte : « ceci n’est pas une crise », a-t-il dit, mais une double impasse du capitalisme, sociale et écologique. La social-démocratie et les verts trompent leurs électeurs en disant qu’on en sortira par des sacrifices: outre que ceux-ci rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, ils ne permettent pas tracer une sortie de crise socialement juste, démocratique et écologiquement soutenable. Les mouvements syndicaux ont donc besoin d’un nouveau relais politique, anticapitaliste. C’est le sens de l’appel de la FGTB de Charleroi. A la LCR, nous avons estimé que cet appel ne pouvait pas rester sans au moins un début de concrétisation dans les élections de 2014. Les listes PTB-GO ! sont une solution créative pour concilier le sigle PTB et l’appel au rassemblement. La LCR s’y engage avec enthousiasme. Nous ferons tout pour que des représentants soient élus. Mais nous maintenons notre identité. Nous appellerons à voter préférentiellement pour nos candidat-e-s, pour une alternative non seulement anticapitaliste mais écosocialiste – car il faut sortir du productivisme, non seulement anticapitaliste mais féministe – car il faut sortir aussi du patriarcat ».
Jean Fagard : « Nous avons constaté des évolutions, de part et d’autre, et des convergences »
Jean Fagard a rappelé la longue expérience du PC en matière de rassemblement à gauche. « Nous avons estimé qu’il était inutile, voire nuisible de présenter des listes séparées, a-t-il dit. De plus, nous avons constaté des évolutions, de part et d’autre, et des convergences. Par exemple sur la défense des services publics, le logement et les revendications sociales en général. » Et Fagard de rappeler que le PC à Liège a déjà eu une expérience de liste commune avec le PTB. En conclusion, il a souligné que le PC s’inscrit lui aussi dans le cadre de l’appel lancé par la FGTB carolo, et précisé que la participation de la LCR au rassemblement avait été un élément important dans la décision prise par son parti.
Isabelle Stengers : « On nous dit que nous n’avons pas le choix, mais nous avons le choix de la révolte »
Isabelle Stengers en aura surpris plus d’un-e en disant qu’elle n’avait pas hésité une seule seconde à rejoindre l’initiative. En cause : l’émission de la RTBF collant l’étiquette « populistes » au PTB et amalgamant ce parti à Aube Dorée. « Voilà comment seront traités tous ceux qui osent l’insoumission à une société dans laquelle il y a une absence totale de perspectives, a-t-elle déclaré. Je soutiens cette initiative parce qu’elle permet de nous opposer à tout ce qui nous demande de nous soumettre à une société sans issue. On nous dit que nous n’avons pas le choix, mais nous avons le choix de la révolte. »
Jean Fagard, Josy Dubié, Raoul Hedebouw, Hugues Lepaige
Josy Dubié : « Jamais dans l’histoire on n’a produit autant de richesses aussi mal réparties »
Josy Dubié s’est réjoui de la présence nombreuse des syndicalistes à cette conférence de presse. Attirant l’attention sur les désaccords qu’il a avec le PTB, il a ensuite souligné l’évolution positive de ce parti, concrétisée notamment dans le fait que le livre de Raoul Hedebouw comporte un long chapitre sur l’écologie. « Car en effet nous devons mettre en cause le productivisme. Il faut produire, mais aussi respecter l’environnement, les pauvres sont les premières victimes des catastrophes écologiques ». Comme d’autres, J. Dubié a condamné l’attitude des partis traditionnels sur le Traité budgétaire européen : « Il instaure une austérité sans fin alors que l’austérité est le problème, pas la solution ». Citant le rapport d’Oxfam sur l’inégalité sociale (les 85 plus riches possèdent autant que 3,5 milliards d’individus), il a dénoncé la fracture sociale : « jamais dans l’histoire on n’a produit autant de richesses aussi mal réparties ».
Raoul Hedebouw : « Une gauche de principes, décomplexée et plurielle »
Raoul Hedebouw a conclu que le succès des listes PTB-GO ! ferait du bien à toute la gauche parce qu’il permettrait de rouvrir les débats sur les grands enjeux. Citant en exemple l’adoption du traité budgétaire « passé somme une lettre à la poste », il a dénoncé l’absence de tout débat à ce sujet dans les parlements. Parlant du rassemblement, il a dit : « Le PTB a tendu la main, c’est un point de départ, au-delà des élections, le débat permettra d’aller plus loin ». Et de rappeler que le PTB est un parti national, partisan d’une « gauche de principes, décomplexée et plurielle ».
En réponse à une première question sur le poids que la gauche radicale pourrait avoir face à la droite flamande, Raoul Hedebouw a souligné : « On nous pousse depuis trente ans à des réponses individualistes ; la droite répond à ce « je » par un « nous nationaliste», l’enjeu pour la gauche est de reconstruire un « nous » des travailleurs.
Interpellé sur l’efficacité qu’auraient un ou deux élus dans les assemblées, il a répondu que l’histoire s’est construite ailleurs qu’au parlement et que les élus PTB-GO! seraient le relais d’un rapport de forces à construire dans la rue.
C. Briscolini : « Après les élections, nous serons derrière eux pour les contrôler »
Interrogé à son tour, Carlo Briscolini a rappelé que le combat de la FGTB de Charleroi pour un rassemblement anticapitaliste à gauche du PS et d’Ecolo était un combat de long terme. « Nous ne sommes pas des sprinters mais des marathoniens. Dans ce processus, personne n’est exclu, nous nous adressons aussi aux membres du PS et d’Ecolo. S’adressant au PTB, au PC et à la LCR, le président de la FGTB carolo a déclaré : « Après les élections, nous serons derrière eux pour les contrôler, sur base de notre programme d’urgence en dix points ». Evoquant la culture de débat nécessaire à la gauche, Carlo a souligné l’importance d’un débat en profondeur, qui ne se limite pas aux cadres dirigeants, un débat dans lequel il a plaidé pour un « droit de tendance » : « c’est quand il y a de la discussion, de la contestation, que différentes tendances s’expriment qu’un débat permet d’avancer », a-t-il conclu.

dimanche 26 janvier 2014

[Au Qatar avec Edgard]

Je n’en peux plus. Voilà qu’encore une fois on s’attaque à nous, les amateurs de foot. Sous prétexte qu’il y aurait eu quelques accidents sur les  chantiers de la Coupe du monde de football qui doit se dérouler au Qatar en 2022, voilà qu’Amnesty International et une myriade d’ONG se mettent en branle et crient au scandale. Même si on admet le chiffre publié dans les gazettes[1], ce n’est quand même qu’une infime partie des 2 millions d’ouvriers, étrangers bien évidemment, qui sont engagés pour construire nos stades, nos buvettes, les routes et tout le tralala dont on aura besoin pour ce magnifique spectacle en 2022.
Moi ce que je dis c’est que si tous ces ouvriers étaient plus attentifs il y aurait moins d’accidents. Et on n’y peut rien, nous, si certains ont une santé fragile. Qu’ils fassent du sport et ils se porteront mieux. Quand, comme eux, c’est le sport qui vous fait vivre on se dépense un peu pour rester en forme.
C’est parce que je ne suis pas en bonne santé sinon j’aurais déjà acheté mes billets.
Le Qatar est bien bon de sauver nos clubs[2], de payer dignement nos joueurs, avec toutes les retombées pour l’économie (à côté de ça Mons 2015, c’est du pipi de chat !), quand on voit qu’en retour on traite ce petit pays audacieux comme de la crotte de chameau.
Évidemment après les ONG, c’est les syndicats qui mettent leur nez dans tout ça[3]. Et eux pour foutre le bordel, y a pas mieux. Ils sont capables d’exiger des choses totalement irréalistes, des bottines de sécurité par-ci, des heures de pause, des casques par-là, et pourquoi pas des primes de risque et un logement à l’hôtel gratos? Et à votre avis qui va payer tout ça ? Nous, les supporters ! Sans compter les retards sur les chantiers et les amendes qui vont tomber… Déjà que nos entreprises sont sur la paille, maintenant elles sont prises en otage. Vous allez voir qu’ils vont créer des Comités de Soutien Machin et déposer des motions à tire larigot comme ils sont en train de le faire sur les pseudo-réfugiés afghans, les soi-disant exclusions du chômage ou leur fameux Index ! Vous avez vu ce qui s’est passé à Mons il y a quelques semaines quand ils ont envahi la ville pour détruire le marché de Noël ?  Le bourgmestre libéral a bien eu raison de rester ferme : « Si nous avions donné suite aux revendications des sans-papiers afghans, nous aurions ouvert la boîte de Pandore et pris le risque que pour toute une série d’autres sujets qui font l’objet de contestations quant à la politique du gouvernement fédéral, que la ville de Mons soit prise en otage par rapport à toutes ces personnes qui contestent la ligne politique adoptée par le gouvernement fédéral ».
— Edgard


paru sur www.lcr-lagauche.org/au-qatar-avec-edgard/

[1] En 2013, 185 Népalais auraient trouvé la mort sur les chantiers de la Coupe du monde de football qui doit se dérouler au Qatar en 2022. Selon un bilan établi par le Guardian, cela porte le total de travailleurs népalais ayant péri sur les chantiers des infrastructures à 382 en deux ans.
[2] « Globalement, on sent bien que quelque chose a changé dans le football européen ces deux dernières années. Si les années 2000 ont vu l’arrivée des « simples » milliardaires dans le football européen (à Chelsea, à Manchester City, etc.), les années 2010 ont vu l’arrivée d’une institution avec une puissance financière extrêmement plus élevée  (…) On sent bien là l’importance du contrat avec Qatar Tourism Authority et le fait que les propriétaires du PSG ont quelque chose de spécial. En effet, c’est le seul club de football professionnel détenu par un État. » in  http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1134631-le-psg-5e-club-le-plus-riche-du-monde-paris-a-les-moyens-de-devenir-le-numero-1.html
[3] Mercredi 9 septembre, une délégation syndicale internationale a été refoulée d’un chantier de l’entreprise QDVC, une joint-venture entre Qatari Diar, la division BTP du fonds souverain qatari, et la société française Vinci Construction. (http://www.lemonde.fr/international/article/2013/10/10/au-qatar-les-chantiers-de-vinci-sont-interdits-aux-curieux_3493501_3210.html)

lundi 20 janvier 2014

[Féli-Citation]


http://www.lcr-lagauche.org/wp-content/uploads/2014/01/edgard-bonnet.jpg
Je déteste les gens qui s’appuient sur une citation quelconque pour mettre en relief leur article. Comme si ça avait un sens… Vous me voyez mettre ici, pour appuyer mon propos, un truc comme «On [La France] ne peut pas accueillir toute la misère du monde » ? Il ne faudrait pas une minute pour qu’un gauchiste vienne y mettre son grain de sel, du style « vous avez oublié la 2ème partie de cette phrase de Michel Rocard « mais elle doit en prendre sa part ». Il pousserait sans doute le vice jusqu’à rappeler la date et les circonstances de cette déclaration « en février 1989 lors du 50ème anniversaire de la Cimade ». Et pour fignoler un peu et finir par m’énerver, ajouterait le commentaire postérieur de Rocard lui-même : « Prononcée par moi en 1990 [en réalité en 1989]  la première partie de cette phrase a eu un destin imprévisible [...]. Au point qu’aujourd’hui cette phrase [...] est séparée de son contexte et sert de caution tous azimuts pour légitimer l’application, sans aucune considération des droits de la personne humaine, des impitoyables lois Pasqua de 1993 ».
Je ne veux pas de ce genre de commentaire, donc je m’abstiens de répéter ce que d’autres ont dit à tort et à travers avant moi.
D’ailleurs il ne faut jamais citer des socialistes, ils ne sont pas fiables. Vous imaginez la honte, après avoir cité Elio Di Rupo: « À force de dire des choses excessives, vous conduisez les citoyens vers l’abîme. Le PS a réussi à former un gouvernement et nous travaillons dans un pays qui est encore debout » (à la réception de nouvel an donnée à Mons par Elio Di Rupo le dimanche 15 janvier 2012), de voir un Jean-Pascal Labille, ministre socialiste de Di Rupo qui fâche les patrons flamands, « à force de dire des choses excessives ». Même le très vénérable Karel Vinck (75 ans, certes un repris de justice – il est condamné à trois ans de prison avec sursis pour homicide involontaire quand il était à la tête d’Eternit Italie – mais néanmoins ex patron de Bekaert, l’Union Minière, la SNCB et Umicore, bref un type pondéré qui « parle de Jean-Pascal Labille comme d’un « homme dangereux », qui ne sait pas ce qu’est une entreprise. « Dans la vie d’une entreprise s’appliquent d’autres règles de base que celles, idéologiques, auxquelles certains politiciens et partis prêtent serment » [1]
Je reste donc prudent avec les citations. Des citations, j’ai les miennes, et un fameux stock. Je les garde. J’ai dit.
—Edgard

[1] Le Soir – 24/12/2013

mardi 14 janvier 2014

[Du foot, de la démocratie, des pintes]


un entretien avec Edgard 

Je vous ai déjà dit comment j’ai rencontré Edgard ? Je l’ai « trouvé » à la « buvette des jeunes » lors du dernier match de l’année. Il y avait beaucoup de monde et il jouait des coudes pour accéder au comptoir (visiblement trop haut, peu adapté pour accueillir « les jeunes »…). Ce sont d’abord mes côtes qui ont fait connaissance avec son coude droit. J’ai regardé le type qui s’agitait ainsi à mes côtés. A première vue, sympa mais bavard. Il avait l’air content. « Quel but le noir là ! » me lance-t-il. Il n’y en n’avait eu qu’un seul (de but) juste avant la fin du match. Je ne pouvais pas me tromper sur l’identité du joueur à féliciter. « Richard Soumah, il avait pourtant l’air au bout du rouleau et puis subitement il retrouve l’énergie d’aller marquer… ».
Voilà, ça c’est le début. Et quelques verres de bière plus tard on discutait encore de foot, de stades, d’équipes, de coups de sifflet, de pelouse et… de démocratie ! Edgard m’expliquait sa « vision du monde »… « Moi, je vois ça comme ça » me dit-il. « Comme un très grand stade. Il y a de très bonnes équipes qui jouent sur le terrain : la nôtre et « les autres ». On doit gagner. Et à chaque but, on gueule comme des fous dans les gradins. La mi-temps c’est comme le Doudou, on boit des pintes. Et la troisième mi-temps c’est le 21 juillet, on boit des pintes. Pour mettre de l’ordre sur le terrain, il y a un type en noir avec un gros sifflet. C’est le premier ministre quoi. Il distribue des cartons jaunes et des cartons rouges. Tu vois le symbole? Rouge, Jaune, Noir. Et pour que notre terrain ne soit pas envahi, les « visiteurs », on les parque dans un coin des tribunes derrière des grilles. On peut en accepter 200 à chaque match, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde... Après le match on ne traîne pas trop, le lendemain on boulote.»
Là, je commençais à avoir du mal à avaler… Dans ma tête, chaque fois qu’il disait « stade », je pensais « Santiago du Chili ». Et les « visiteurs parqués derrière des  grilles » sonnaient du côté de Vottem… Bon je n’allais pas le prendre de front. Je me suis mis à parler de ma conception à moi de « vivre ensemble ».  « Pour moi ce sera une très grande fête. Il y aura du soleil, tous les habitants seront contents de se rencontrer et de parler de choses et d’autres. Toutes les familles vont apporter à boire et à manger (tout ça confectionné avec les fruits et les légumes de leur jardin). On chantera, on dansera. Des gens  venus de très loin nous feront écouter leur musique et nous on essaiera de danser comme eux. Ça va faire rire tout le monde, mais c’est cela le but. Les enfants vont inventer des jeux avec ce qu’ils trouveront sur place. J’en vois déjà courir derrière un pneu qu’ils guident avec un bâton. Cerise sur le gâteau, il n’y aura pas d’entrée à payer, pas d’ « invités VIP » ni des « joueurs-vedettes », sur la pelouse, tous égaux dans notre diversité ».
J’allais lui préciser tout cela, lui parler d’autogestion, du droit de contrôler et de révoquer les élus, de la mise au pas de la finance qui a provoqué tant de crises, de la mise hors d’état de nuire des groupes de l’énergie fossile qui conduisent notre planète à la catastrophe, j’avais encore tant de choses à lui dire... Mais je me suis rendu compte qu’Edgard avait posé sa tête sur ses bras repliés sur la table et dormait. J’étais au moins content de ne pas l’avoir énervé avec mes délires abracadabranstesques.

fRED

chaque lundi, retrouvez Edgard dans mon blog sur www.lcr-lagauche.org/

lundi 13 janvier 2014

[Oubliée la révolution ?]

Demain...
Le 14 janvier 2014, demain, une partie de moi-même va s’envoler sur l’autre rive de la méditerranée.
La Tunisie sent encore les secousses des journées de décembre 2010/janvier 2011 qui ont conduit le dictateur à prendre la fuite.
Oubliée la révolution ? me demandez-vous. N’allez pas trop vite. En janvier 2012 et 2013, vous avez aussi tenu le même langage, estimant que le peuple tunisien (et les autres peuples du nord de l’Afrique qui l’ont suivi sur le chemin de la révolte) « s’était mobilisé pour rien » et que c’en était fini du printemps des peuples. Et pourtant c’est en 2013 que se sont tenues les plus vastes mobilisations de rue, 6 à 8 fois plus nombreuses que les désormais légendaires rassemblements sur l’avenue Bourguiba les 13 et 14 janvier 2011. Depuis l’acte de désespoir et de révolte du jeune Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, rien ou presque n’a été changé dans la situation dramatique que lui et ses pareils vivent. Le chômage est toujours à la hausse, en particulier pour les jeunes diplômés. Le coût de la vie n’a cessé d’augmenter et cela va continuer, notamment à cause des mesures imposées par le FMI. La censure, la répression, la torture, sont toujours présentes. Militants, avocats, journalistes et artistes n’en finissent pas d’en faire les frais. Il faut y ajouter les assassinats politiques et les groupes terroristes qui sont venus « bien à point » au fur et à mesure que le nouveau pouvoir se fragilisait. Voilà pourquoi la mobilisation populaire, et particulièrement syndicale, est restée vive pendant toute cette période.
« La révolution tunisienne est belle » avons-nous écrit en janvier 2011[1]. Elle gardera sa beauté tant que ses objectifs resteront à concrétiser.

13 janvier 2014 - fRED
photo : Tebourbi Photography

[1] http://fredditcela.blogspot.be/2011/01/la-revolution-tunisienne-est-belle.html

[Privés de Public ?]

La semaine dernière, les journaux Het Belang van Limburg et Gazet van Antwerpen répercutaient les déclarations du tour-opérateur Thomas Cook qui propose un étalement des périodes de vacances scolaires entre la Flandre et la Wallonie. « Tout le monde y gagnerait, aussi bien le secteur du voyage que les consommateurs » argumente le voyagiste... Quelques jours plus tard la RTBF mettait en ligne une émission/débat sur l’intérêt d’équiper tous les véhicules de « dashcams » suite au buzz qu’a fait la vidéo d’un chauffeur de camionnette avec caméra embarquée. Les fabricants (et distributeurs) de dashcams et les compagnies d’assurances sont pour l’obligation d’équiper les véhicules car elles espèrent les « rentabiliser » et limiter leurs interventions financières dans certains sinistres.
la voiture du manager...
On assiste là à une forme insidieuse de « privatisation » de l’espace public : voilà les compagnies privées (tour-opérateurs et assurances) qui dictent les lignes de conduite en matière d’Enseignement ou de Sécurité Routière... Ce ne sont que deux exemples récents de ce vent du « tout au privé » qui souffle  autour de nous. Mais on pourrait en voir d’autres manifestations dans l’étalage de la vie privée des deux derniers Présidents de la République française. L’un se vautrant dans le bling-bling ou se prélassant sur le yacht d’un grand patron... l’autre, surpris dans ses petites escapades. Ou encore, en Belgique, le Premier utilisant la « TV de service public » pour amorcer sa campagne électorale en assénant des fadaises en attendant d’aller faire sa popote sur la chaîne privée RTL.
Il va bon train le phénomène de la « privatisation du monde », comme disait Daniel Bensaïd[1], qui citait de multiples exemples de cette soumission de la vie au marché : privatisation de l’enseignement universitaire, des politiques de santé, mais aussi des politiques monétaires (qui échappent au contrôle politique des Etats car relevant des banques centrales autonomes), privatisation du « vivant » (des plantes, des molécules...) à travers le dépôt de brevets pour « geler » les découvertes que d’autres pourraient exploiter, privatisation du savoir et même privatisation de la guerre (corps armés privés agissant pendant la guerre en Irak).
Bien évidemment cette « dépossession » du collectif s’accompagne d’une « contre-révolution » dans le langage. Ce qui est tendance aujourd’hui c’est d’être un « manager » et « d’exceller » dans la « gouvernance » pour réussir sa success-story.
fRED


[1] Voir la vidéo de la Conférence de Daniel Bensaïd ici : http://www.youtube.com/watch?v=uxBvxfRI2CE

mardi 7 janvier 2014

[Edgard]



On aurait du commencer par là. Vous présenter Edgard.
« Edgard n’a pas été gâté par la vie. A 17 ans il travaillait déjà… » Bon on arrête là la description de sa monotone existence, on n’est pas en train de faire un billet sur le dernier procès d’assises pour la gazette locale.
Edgard, c’est un pote comme je n’aimerais pas en avoir. Je l’ai inventé de toute pièce pour me convaincre que mes autres potes ne sont pas si cons que ça. Chaque fois que j’ouvre la DH ou une édition locale de Sud-Presse, chaque fois que je me branche sur Vivacité entre 9 et 10h, j’entends Edgard qui parle. Il suffit de le brancher un peu et le voilà réveillé, crachant son éternel bon sens à la tête des lecteurs et auditeurs. Il a un (mauvais) mot pour tout le monde. Les syndicats « qui exagèrent », les fonctionnaires « qui ne foutent rien », les ouvriers « qui ne sont jamais contents », les voisins « qui mettent leur télé trop fort » et « laissent chier leur chien sur mon trottoir », les trains « qui ne sont jamais à l’heure » et les bus « qui sont toujours en grève »…
Edgard sait de quoi il parle : « moi monsieur, mon père était ouvrier ! », « et ma mère fonctionnaire », « quand j’étais jeune j’étais révolutionnaire »…
Pourtant Edgard est un type très apprécié au café où ses amis du Club « Les Supporters Savent Pourquoi » se retrouvent pour la 3ème mi-temps. Surtout quand c’est lui qui paie la tournée. Il a une admiration profonde pour ceux qui ont réussi « grâce à leur travail » comme Grégoire de Spoelberch[1], et Les Taureaux d'Or[2] Eden Hazard et Axel Witsel[3], les piliers de la Jupiler League, la Troïka du ballon rond. Edgard a toujours été sportif. Le lundi matin, il délaisse les forums en ligne et le courrier des lecteurs de La Lanterne pour se jeter dans la Gazette des Sports. Il « n’est pas raciste, d’ailleurs… » il apprécie Marco Materazzi, Company, Lukaku et Fellaini. Il ne comprend pas le flamand mais il est d’accord avec Bart De Wever quand il déclare "Nil volentibus arduum".
Vous allez me dire que là, j’aggrave son cas. Non il est comme ça, Edgard. Normal quoi…
fRED



[1] « Grégoire de Spoelberch, un des actionnaires des familles historiques du brasseur AB InBev, a de nouveau vendu un paquet d'actions du brasseur belgo-brésilien, lit-on sur le site de la CBFA, régulateur belge de la finance. Membre du conseil d'administration d'AB InBev, Grégoire de Spoelberch a vendu 100.000 actions pour une valeur de 4,3 millions d'euros via sa firme d'investissement GDS Consult. Ces dernières années, la famille de Spoelberch a vendu des milliers d'actions. En décembre 2009, 100.000 actions avaient déjà été vendues, suivies par 200.000 actions au début de l'année. Les trois familles actionnaires historiques du géant brassicole, Spoelberch, Mévius et Vandamme, sont considérées comme les plus riches de Belgique. » - In http://trends.levif.be/economie/actualite/people/un-peu-plus-riche-encore-grace-a-ab-inbev/article-1194828234412.htm#
[2] Le Taureau d'Or représente le prix du meilleur buteur de la Jupiler Pro League.
[3] Eden Hazard transféré de Lille à Chelsea pour 40 millions d'euros Axel Witsel du Benfica au Zénit aussi pour 40 millions d'euros

Retrouvez Edgard chaque lundi sur www.lcr-lagauche.org
Image générée avec  monoface

lundi 6 janvier 2014

[Mons 2015 c’est (le) capital]

La culture, ça rapporte gros. Du moins à entendre Yves Vasseur le Commissaire Général de Mons 2015. Sur les 60 millions€ que coûteront l’opération de prestige qu’il cornaque, près de 90% proviendront de fonds publics[1]. Mais où vont-ils aboutir ? Les journaux semblent s’être contentés des explications du Commissaire du Peuple pour conclure que c’est une bonne opération pour la région : « l’argent qui a été investi dans l’opération [dans les autres villes qui ont été désignées « Capitales européennes »] a créé des retombées cinq à six fois supérieures donc c’est un investissement pour la Région, pour la ville, pour l’arrondissement de Mons et pour le Borinage ».

Si l’on en croit les exemples cités par le Commissaire Priseur, ces retombées culturo-actives se manifesteront dans les nuitées d’hôtel et dans les restaurants. « Il y aura entre autres beaucoup de retour dans le domaine hôtelier dans la grande périphérie de Mons. Le ratio sera sans doute globalement de 1/6 mais peut-être de 1/4 pour Mons stricto sensu ». Après Lille, Mons est donc « en passe » de devenir un beau bordel culturel pour des DSK en puissance « Lille tournait autour de septante-cinq millions, Marseille quatre-vingt-cinq, donc comparaison de ville à ville on est dans la bonne fourchette" ajoute-t-il. Notons au passage qu’en matière de « fourchette » une des premières réalisations de Mons 2015 fut l’édition d’une brochure présentant les restaurants qui participeront à la mise en bouche de l’évènement. Et en octobre dernier on poussa même le bouchon un peu plus loin : une soirée organisée par la fondation Mons 2015 dans la foulée de l’inauguration de l’expo dédiée à Andy Warhol, qui rassemblait une centaine de patrons d’entreprises de la région Mons-Borinage. « Des « Business Ambassadeurs » qui ont accepté de jouer le rôle de mécènes en versant un montant minimum de 1.000 euros à la Fondation. Une soirée a priori apolitique donc, mais rehaussée par la présence du Premier Ministre Elio Di Rupo venu pour discourir aux côtés d’Eric Domb, patron de Pairi Daiza et président de ce club « Mons 2015 entreprises »[2]. La Fondation du Commissaire y a même fait servir une cuvée spéciale de rouge portant étiquette rouge à la gloire du Grand Timonier, Elio. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
"2014 sera l'année de la concrétisation"
Après la mise en bouche, la concrétisation. Le Général de Brigade y consacre l’essentiel de son énergie et n’oublie pas les voisines communes, amies de longue date : « Un dispositif de "pass" et de réduction sera mis au point pour les habitants des différentes villes partenaires souhaitant participer ». Tout le monde pourra donc jouir du spectacle de 2015. Il suffira de se mettre à la queue...
Et les retombées ? On allait oublier... Rien ne se perd, rien ne crée : les 90% de 60 millions €, multipliés par 4 ou 6, ils vont quand même passer quelque part, non ?
Déjà les « différents bords » se disputent une part de l’héritage, un notaire a même été dépêché sur les lieux pour surveiller la clé de répartition et garantir que les sommes adéquates passent bien aux bleus...
Si vous êtes hôteliers, voici le temps venu, donnez vos ordres « Toi la servante, toi la Maria Vaudrait p´t-être mieux changer nos draps ». Si vous vendez du PQ, des plateaux-repas, des draps de soie, des capotes d’origines diverses, des valises et des singes en plastique, hâtez-vous, il y a des affaires à faire. Si vous avez une grosse sono et un petit micro (pléonasme), vous pouvez aussi remettre prix. Si vous louez des tentes, des chapiteaux, des chaises, des tables (hautes), des verres, des verrines, des fourchettes, des hôtesses, et autre matériel pour organiser des évènements, dépêchez-vous d’introduire une candidature. Imprimeurs, traiteurs, réalisateurs, frimeurs : c’est votre heure !
Ainsi seront redistribués les euros publics dans des coffres privés. Et la fête durera toute l’année 2015 et encore2015 autres années. C’est capital la culture.

fRED

[1] "La Communauté française apporte trente millions, indique Yves Vasseur, la Région Wallonne quinze, la ville (de Mons ndlr) trois millions, la Province autour de quatre millions…ça c’est la base des subventions publiques " (86%).http://www.rtbf.be/info/regions/detail_quels-seront-les-sources-du-financement-des-60-millions-de-mons-2015?id=8168455 – Le reliquat est ventilé entre une série de fonds annexes européens (publics) et le sponsoring (privé)

samedi 4 janvier 2014

[Aussi faux que la terre est ronde...]





900 millions de dollars par an...



L’étude publiée à la mi-novembre[1] par le sociologue américain Robert Brulle sur l’origine des fonds qui financent  les climato-sceptiques commence à faire un peu de bruit... L’auteur a passé son temps à « tracer » l’origine des milliards de dollars qui se sont déversés sur des « chercheurs », des « journalistes », des « chroniqueurs », pour alimenter une campagne systématique de négation de la catastrophe climatique qui nous pend au nez. « Une action organisée et délibérée pour induire le débat public en erreur et distordre la représentation que se fait l'opinion du changement climatique » souligne le rapport. Et donc aussi pour peser sur les décisions politiques qui doivent impérativement être prises et qui menacent leurs intérêts ?

L’étude révèle ainsi que près de 7 milliards$ (900 millions$ par an) ont été récoltés par une nébuleuse de fondations entre 2003 et 2010. « Souvent on voit que ce sont des fondations financées par des conservateurs qui sont actives par exemple dans le climato-scepticisme, mais aussi pour lutter contre le droit à l’avortement. Le climato-scepticisme rejoint toute une série d’autres positions politiques, généralement dans la sphère ultraconservatrice du champ politique" estime François Gemenne, chercheur en sciences politiques à l'ULg, coauteur du livre "Controverses climatiques", cité par la RTBF[2]. Ces fondations sont souvent issues de grandes familles qui ont fait fortune dans l'industrie minière, la banque ou encore le pétrole. On peut citer parmi elles la fondation Lynde et Harry Bradley, la fondation Koch[3], la fondation Exxon-Mobil, ou encore la fondation Scaife.
Mais ce phénomène ne se limite pas aux Etats-Unis. Déjà en 2010, le Climate Action Network[4] avait révélé que les européennes EON, BP, BASF, Bayer, Solvay, Arcelor-Mittal, Lafarge et GDF-Suez avaient versé 306.000 dollars à des élus œuvrant contre un projet de loi favorisant l'émergence des énergies propres pour lutter contre le réchauffement climatique.
Au fil du temps, les « généreux donateurs » qui ont investi dans cette campagne ont mis au point un véritable camouflage de leurs opérations. « De 2003 à 2007, les Fondations Koch ou la Fondation Exxon-Mobil étaient lourdement impliquées dans le financement des organisations du contre-mouvement sur le changement climatique, écrit M. Brulle. Mais depuis 2008, elles ne font plus de contributions publiques. De manière concomitante, note-t-il, le Donors Trust (qui collecte les dons de fondations philanthropiques pour les redistribuer de manière opaque) prend une place centrale dans le dispositif. Les trois quarts environ des sommes perçues par la galaxie climato-sceptique américaine sont désormais intraçables »
fRED

[3] Les frères Charles et David Koch sont des industriels américains milliardaires qui utilisent une partie de leur argent (la quatrième fortune des Etats-Unis) à financer des fondations au service de leurs idées d’extrême-droite. Ces milliardaires sont aux côtés des élus du Tea Party et leurs institutions militent notamment contre l’Obamacare, le système d’assurance-santé mis en place par le président Obama.