jeudi 15 mai 2014

[Calottes glaciaires : « Le point de non-retour est franchi »]

  • Par Daniel Tanuro
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« Nos observations apportent aujourd’hui la preuve qu’une large secteur de la calotte glaciaire de l’Antarctique Ouest est entré dans une phase de recul irréversible. Le point de non-retour est franchi ». Voilà ce qu’a déclaré récemment le glaciologue Eric Rignot, Professeur à l’Université de Californie, Irvine, dont les propos sont rapportés par le New York Times (1).
Le Professeur Rignot  coordonne un programme de recherche sur l’évolution de six glaciers qui se jettent dans la Mer d’Amundsen (rive occidentale du continent antarctique). La région a la forme d’un bol, ouvert du côté de l’océan. Le socle rocheux sur lequel les glaciers avancent est situé sous le niveau de la mer et ne présente pas d’aspérités significatives, susceptibles de les freiner. Du fait du réchauffement des eaux, la couche de glace s’amincit au niveau du bord du bol. De ce fait, les masses de glace située en aval accélèrent leur glissement vers les eaux plus profondes, ce qui accélère leur fonte et augmente les risques de rupture (voir le schéma).

De 1,2 à 4 mètres
La calotte glaciaire de l’Antarctique Ouest atteint jusqu’à quatre kilomètres d’épaisseur par endroits. Les volumes de glace impliqués sont donc énormes. Selon l’équipe du Professeur Rignot, à elle seule, la disparition des six glaciers étudiés fera monter le niveau des océans de quatre pieds (1,20 mètres) en quelques siècles. Ce n’est pas tout : cette disparition déstabilisera plus que probablement (most likely) les secteurs adjacents de la calotte, de sorte que le niveau des mers pourrait au final s’élever de près de quatre mètres.
Ces conclusions sont confirmées par une autre étude, dont les résultats ont été dévoilés simultanément. Dirigée par le Professeur Ian Joughin de l’Université de Washington, elle porte sur un des six glaciers de la région, Thwaites, l’un des plus importants. Selon cette équipe de chercheurs, la disparition lente de Thwaites est inévitable et irréversible. Même si les eaux chaudes se dispersaient d’une manière ou d’une autre , ce serait “trop peu, trop tard pour stabiliser la calotte glaciaire”, selon Ian Joughin. Et d’ajouter : « Il n’y a pas de mécanisme de stabilisation ».
En effet, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer un jour à peine avant la sortie de ces études (1), le seul mécanisme susceptible de stabiliser la situation, et même de renverser la tendance, serait une nouvelle glaciation. Or, selon les astrophysiciens, celle-ci n’interviendra pas avant 30.000 ans…

35 ans de mises en garde
Les observations de Rignot et Joughin viennent corroborer les mises en garde lancées depuis plusieurs décennies par d’autres spécialistes. Les auteurs de l’article du New York Times rapportent ainsi qu’un premier avertissement quant à la fragilité de la calotte avait été lancé dès 1978 par John H. Mercer, glaciologue à l’Université d’Etat de l’Ohio. Selon Mercer, le réchauffement dû aux émissions de gaz à effet de serre faisait planer une « menace de désastre ».
Ce pronostic avait été très contesté à l’époque. Mais dix ans plus tard, et un an après le décès de Mercer, le climatologue en chef de la NASA, James Hansen, lançait le même avertissement devant une Commission du Congrès des Etats-Unis. Et encore dix ans plus tard, en 2008, Hansen et huit autres scientifiques publiaient dans Science un article décortiquant en détail la menace évoquée pour la première fois par Mercer.
Mercer arrivait à sa conclusion par un raisonnement théorique couplé à une connaissance fine des caractéristiques de l’Antactique Ouest. Hansen et ses collègues y arrivaient en interrogeant les paléoclimats. Leur démonstration était impressionnante : il y a 65 millions d’années, la Terre était sans glace ; la glaciation de l’Antarctique s’est produite il y a trente-cinq millions d’années environ ; à ce moment, un seuil fut franchi, caractérisé par des paramètres précis en termes de rayonnement solaire, d’albédo et de concentration atmosphérique en gaz à effet de serre ; en comparant les valeurs estimées de ces paramètres aujourd’hui et dans le passé, les auteurs concluaient que nous étions probablement en train de franchir le seuil dans l’autre sens…

La confirmation par l’observation
La nouveauté des études qui sortent aujourd’hui est qu’elles se basent sur des observations et des mesures, pas sur des raisonnements. Eric Rignot a eu recours à des observations par satellite, tandis qu’Ian Joughin a conçu un modèle mathématique de l’évolution du glacier Thwaites. Le fait que ces méthodes différentes aboutissent à des résultats concordants avec les explications théoriques ne laisse aucun doute sérieux sur l’extrême gravité de la situation. Rien ne permet cependant d’espérer que les décideurs en tireront les conclusions.
Quant aux causes, Rignot et Joughin confirment le mécanisme déjà mis en lumière par d’autres chercheurs avant eux : ce n’est pas le réchauffement de l’air mais celui de l’eau qui provoque la dislocation de la calotte. Les négationnistes climatiques à la solde des lobbies pétroliers et charbonniers se saisiront évidemment de cet élément pour clamer haut et fort que le changement climatique n’est pour rien dans l’affaire. Les chercheurs, pour leur part, lient les deux phénomènes de la façon suivante : l’atmosphère au-dessus de l’Antarctique est maintenue à une température très basse par des vents violents tournant autour du continent ; du fait du réchauffement, la violence de ces vents s’accroît, parce que le différentiel de température entre l’Antarctique et le reste du globe augmente ; et la force du vent provoque un mouvement des eaux qui « tire » pour ainsi dire les eaux plus chaudes des grands fonds vers la surface.

Ecosocialisme ou barbarie: c’est vrai!
Il convient de préciser que les projections avancées ci-dessus pour ce qui concerne l’élévation du niveau des mers (1,2 m. et près de 4 m. en quelques siècles) ne concernent que les six glaciers étudiés et la zone environnante de l’Antarctique Ouest. Or, la fragilisation des calottes affecte aussi d’autres régions, en particulier le Groenland et la péninsule antarctique – la région du monde où le réchauffement (et ici il s’agit bien de réchauffement de l’air) est le plus rapide (0,5°C par décennie). Les glaces accumulées dans ces régions, si elles devaient disparaître totalement, équivaudraient respectivement à six et cinq mètres de hausse du niveau des océans.
Il convient de rappeler aussi que, selon le Professeur Kevin Anderson, directeur d’un des plus prestigieux centres d’étude du changement climatique (Tyndall Center on Climate Change Research), le rythme actuel d’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 nous met sur la voie d’un réchauffement de 6°C d’ici la fin du siècle. Selon Anders Levermann, un des « lead authors » du GIEC, cela correspondrait à une élévation du niveau des mers d’une douzaine de mètres dans les mille à deux mille ans à venir (3).
Il convient enfin et surtout de rappeler que les mécanismes capitalistes imaginés depuis plus de vingt ans (Rio, 1992) par les néolibéraux (primes, quotas, droits d’émissions échangeables, taxes, et autres « internalisations des externalités » – qui servent de prétexte à une gigantesque vague d’appropriation des ressources) ont été et sont impuissants à infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre : au contraire, elles augmentent plus vite depuis le tournant du siècle!
Cette impuissance ne peut qu’augmenter à l’avenir. Pour faire face à la situation d’urgence absolue dont la réalité vient d’être confirmée par les chercheurs, il faudrait 1°) que les émissions des pays développés diminuent tout de suite d’au moins 11% par an ; 2°) que les responsables capitalistes du désastre soient contraints de financer un gigantesque plan mondial d’adaptation, incluant notamment la protection des zones côtières.
Il est insensé de croire que des objectifs aussi ambitieux puissent être atteints dans le cadre du marché. Ils ne peuvent être atteints que par la remise en cause fondamentale de l’accumulation capitaliste et la planification de la transition écologique. Réussir celle-ci démocratiquement et dans la justice sociale nécessite à tout le moins l’appropriation collective du secteur de l’énergie, l’expropriation du secteur du crédit, la suppression des productions nuisibles et inutiles, la localisation des productions (en priorité agricoles), le libre accès aux technologies vertes, une nouvelle organisation de l’espace et de la mobilité, ainsi que la réduction radicale du temps de travail, sans perte de salaire, avec embauche compensatoire et baisse des rythmes de travail.

Frères humains qui après nous vivez…
Il n’est pas facile de conclure cet article sans verser dans l’eschatologie catastrophiste. Car la catastrophe est là en vérité. Elle est en marche, inexorable. Si Rignot et Joughin ont raison – et croire qu’ils ont tort serait le comble de la déraison ! – rien ne peut l’arrêter et elle est irréversible… pour 30.000 ans au moins. Pour la limiter au maximum, tirons les conclusions qui s’imposent. Refusons le nihilisme misanthropique des crétins pour qui la vraie nature, c’est la nature sans l’être humain. Dénonçons le cynisme criminel de celles et ceux qui préfèrent imaginer la fin du genre humain que la disparition du capitalisme. Interpellons les scientifiques pour qu’ils sortent de leur tour d’ivoire et descendent dans l’arène sociale. Sonnons le tocsin sans trêve ni repos, dans nos associations, dans nos syndicats, partout.
L’alternative anticapitaliste, écosocialiste, n’est pas une posture « idéologique » mais une nécessité objective, impérieuse, incontournable. Agissons ensemble pour transformer cette nécessité en conscience avant qu’il ne soit trop tard. Sinon, il ne nous restera vraiment plus qu’à implorer le pardon de nos descendants et descendantes, à la façon de François Villon: « Frères humains qui après nous vivez/ N’ayez le cœur contre nous endurci/ Car si pitié de nous pauvres avez/ Dieu en aura plutôt de vous merci ».   

paru sur www.lcr-lagauche.org
  1. « Scientists Warn of Rising Oceans from Polar Melt », New York Times, May 12. http://www.nytimes.com/2014/05/13/science/earth/collapse-of-parts-of-west-antarctica-ice-sheet-has-begun-scientists-say.html?_r=1
  2. Discours au meeting de la LCR, 11 mai. http://www.youtube.com/watch?v=TzR6GkfTBYQ&list=PLWrLel4u0C80hJ8izacfzwrZcNEes0irH
  3. http://www.lcr-lagauche.org/plus-de-renouvelables-ou-moins-demissions/

samedi 10 mai 2014

[On lâche rien... au Béguinage]

Manifête
Hier soir, un moment émouvant dans l'église du Béguinage où les réfugié-e-s afghan-e-s continuent à résister contre la politique scandaleuse du tandem Di Rupo/De Block.

dimanche 4 mai 2014

[Compromis historique]

Je dois bien l'avouer, moi aussi je fais des compromis. Ainsi ce matin, plutôt que d'aller battre campagne avec des camarades, je me suis laissé aller au repassage! Vous voyez la hauteur du tas, là? La manne fait plus que déborder... Et en plus avant ça, on avait fait une vaisselle de trois repas car hier soir on est allés voir une victoire (pas facile) de notre équipe de basket. Bon, des compromis comme ceux-là, j'espère que ça ne pèsera pas trop quand je vais recevoir mon bulletin de militant.
Mais je me demande si c'est un bon argument pour convaincre les gens de voter pour moi.
-fRED

mercredi 30 avril 2014

[1er Mai 2014]

Ce Premier Mai 2014 doit, encore plus que d’habitude, être considéré comme une importante journée de lutte du monde du travail.
Depuis plus de vingt-cinq ans, la classe dominante est à l’offensive pour détruire nos droits sociaux et  nos conquêtes démocratiques.
Depuis plus de vingt-cinq ans, elle peut compter pour cela sur la collaboration sans faille de la social-démocratie.
Après les élections du 25 mai, une chose est sûre : avec ou sans le PS, le patronat et les riches voudront continuer et amplifier leurs attaques. Pour résister, le mouvement ouvrier ne peut compter que sur  son nombre, ses luttes, son unité.
Assez d’actions sans lendemains, assez de marches Nord-Midi rituelles: il va falloir se battre pour de bon.  Assez de concertation sur le programme de l’adversaire : il nous faut des revendications à la hauteur de la situation.

Marcher sur ses deux jambes
Face à ce système qui n’a plus rien à offrir que la régression sociale et la destruction écologique, il ne suffit pas de se défendre. Le mouvement ouvrier doit marcher sur ses deux jambes : politique et syndicale. Nous avons besoin d’une alternative de société.

Les valeurs de gauche sont incompatibles avec le pacte budgétaire européen, la réforme du chômage et le blocage des salaires, déclarait récemment Daniel Richard, secrétaire régional de la FGTB de Verviers. Le PS et Ecolo ne sont plus un relais. Il nous faut un nouveau prolongement politique, ancré dans nos organisations, fondé et contrôlé par celles et ceux qui luttent à la base.

Le combat sera long. Plantons des jalons, traçons un chemin pour avancer. Gauches syndicales et politiques, ensemble, prenons nos responsabilités  dans le respect de l’indépendance de chacun.

Le Premier Mai 2012, la FGTB de Charleroi a appelé à rassembler toutes les forces pour créer une alternative politique anticapitaliste, à gauche du PS et d’ECOLO.  Elle exige de tous les partis qui se disent de gauche de se prononcer sur un plan d’urgence anticapitaliste : ses  « 10 objectifs pour changer de cap ». C’est la marche à suivre.

Le débat est ouvert, les lignes bougent en profondeur. Dans toutes les organisations, comme l’ont montré les positions courageuses de la CNE.

Le rassemblement PTB-GO (Gauche d’Ouverture), avec le PTB, des intellectuel-le-s, des syndicalistes, la LCR et le PC, est un premier pas dans la bonne direction. Pour la première fois depuis longtemps, les revendications sociales sont au cœur d’une élection et des représentant-e-s de gauche ont une chance d’être élu-e-s.
En ce jour de Premier Mai, la LCR s’adresse à  toute la gauche
Le FMI a fixé l’objectif du prochain gouvernement : 13 milliards d’économies en quatre ans. De durs combats nous attendent. Travailleurs, travailleuses, allocataires sociaux, jeunes, seniors, demandeurs d’asile : tous sont menacés. Les droits des femmes sont attaqués. Le mouvement syndical lui-même est dans le collimateur. Sans compter la catastrophe climatique qui est en marche, et dont les pauvres sont d’ores et déjà les premières victimes.

A nos partenaires au sein de PTB-GO, nous disons : « les continueurs sont les gagneurs ». Face au PS et à ses soutiens dans l’organisation syndicale, continuons à miser sur le rassemblement et l’ouverture à la gauche de gauche, c’est notre force. Evitons les routines d’organisation, les réflexes sectaires et le repli sur soi.

Aux autres organisations de gauche, nous disons : bannissons les débats d’une autre époque. Nous sommes séparés dans cette élection, mais devrons nous parler ensuite, et lutter ensemble, dans l’intérêt des 99% et de la planète.

Surtout, nous nous adressons à la gauche syndicale, aux syndicalistes de combat. Nous leur disons : merci, camarades, pour vos luttes et vos appels au rassemblement politique sur base de ces luttes. Ensemble, continuons dans cette voie.

Ensemble, fixons-nous pour but de donner à nos résistances un prolongement digne de ce nom : un nouveau parti des exploité-e-s et des opprimé-e-s. Un parti divers, qui dépasse les « piliers » et les chapelles. Un parti transparent, vivant et actif, qui débat et qui se bat. Un parti aussi fidèle aux travailleurs et travailleuses que les partis traditionnels sont fidèles aux patrons.



dimanche 27 avril 2014

[Appelle-moi camarade]

avec HK au steenrockfestival devant le centre fermé 127bis






Combattant, résistant, militant indomptable
Insurgé, insoumis, rebelle infatigable
Esprit libre, vagabond ou nomade
Si tu penses que le monde est crade
Appelle moi camarade!

Si comme moi tu penses qu'il faut se radicaliser
Contre l'ordre établi, refuser d'obtempérer
Si t'en as marre de ressembler à un mouton
Si t'as l'audace de Rosa Parks et si t'as compris Frantz Fanon
Appelle moi camarade si tu sais pas rester dans le rang
Si t'as la flamme, l'espoir et le couteau entre les dents
Si t'enrages quand un flic te dévisage
Si t'étouffes comme un taulard dans sa cage
Appelle moi camarade si t'as capté les mécanismes
Les rouages du système comment ils neutralisent
Comment ils manipulent, désinforment et nous divisent
Reste lucide parce qu'il est l'heure qu'on se mobilise
Si tu pense qu'on est du même coté de la barrière
Du même côté du mur, du côté lanceur de pierre
Du côté des larmes du côté de la misère
Du côté palestinien, tu peux m'appeler mon frère!