jeudi 24 février 2011

[Chroniques de la Révolution Tunisienne]

Laïcité et démocratie
Par Alma Allende -Tunis, le 20 février 2011
Il est parfois nécessaire de revenir pour savoir où nous étions. Après une semaine à Cuba, nous revenons à Tunis, d'où nous étions partis depuis la chute de Ben Ali, et dans cette matinée venteuse et ensoleillée nous achetons les journaux en nous dirigeant vers l'Avenue Bourguiba. « La Presse » parle de « Ben Ali Baba et les quarante voleurs », donne de nouveaux éléments sur la profondeur et l'étendue de la corruption de l'ancien régime et examine les mesures prises par le nouveau gouvernement pour soulager la situation économique des ménages. « Le Temps » publie un montage photographique fort truculent qui fait rire à pleine gorge un acheteur à mes côtés: on y voit l'image de la fameuse et triste visite de Ben Ali à Mohamed Bouazizi à l'hôpital, mais aujourd'hui c'est l'ex-dictateur qui est dans le coma, étendu sur un lit, et le vendeur de fruits qui le regarde dans les habits du président. Dans « Al-shuruq » on parle d'une vague migratoire venant ces derniers jours de Libye et des naufrages de Zarzis, dont les cadavres des victimes sont toujours réclamés par les familles.
Une joie débordante et enfantine nous submerge sur l'Avenue Bourguiba: les manifestations continuent...
L'une des manifestations a lieu devant l'ambassade de France pour exiger la démission de Boris Boillon, le nouvel ambassadeur de l'ex-puissance coloniale, qui a eu une attitude méprisante et arrogante avec les journalistes tunisiens pendant sa conférence de presse de jeudi dernier. Boillon, ancien ambassadeur à Alger et à Bagdad, a déclaré à la revue « Challenges » en 2009 que « La reconstruction de l'Irak est le marché du siècle: 600 milliards. La France doit être en première ligne ». On comprendra que, suite au soutien de Sarkozy et d'Alliot Marie au dictateur, les Tunisiens ont peu de confiance envers la France. Il faut rallumer les Lumières et pour cela, ce sont les Français qui devront imiter les Arabes, et non l'inverse!
L'autre manifestation, encore plus nombreuse, a été organisée en défense de la laïcité et rassemble quelques milliers de personnes qui, depuis le Théâtre Municipal, montent vers le Ministère de l'Intérieur en scandant des slogans en faveur de la séparation entre l'État et la religion qui, disons la vérité, n'a été à aucun moment menacée: « La religion pour Dieu, la patrie pour tous ». Cette démonstration publique est cependant importante face aux médias occidentaux, toujours bien disposés à trouver partout – et à grossir – les fanatismes religieux, et il est très agréable et significatif de voir plusieurs femmes voilées parmi les manifestants: « Musulmans et laïcs », dit la pancarte qu'elles portent. Mais il y a quelque chose de préoccupant dans la préoccupation de ces groupes, clairement issus de la classe moyenne et des secteurs intellectuels, qui se focalisent sur le Ghannouchi du parti Ennahda et non pas sur le Ghannouchi qui occupe le siège de premier ministre.
De fait, nous discutons avec quelques femmes qui évoquent l'assassinat, hier, d'un prêtre à Manouba et la tentative d'incendie dans un quartier de prostituées. Il nous semble absurde d'associer ces faits à l'activité d'un parti qui, outre qu'il les a condamnés, n'est pas objectivement intéressé à miner sa faible position politique. Nous leur rappelons que l'épouvantail de l'islamophobie a déjà servi précisément en Tunisie pour empêcher la démocratie et peut resservir aujourd'hui pour susciter la guerre civile, semer la terreur et détourner l'attention loin des véritables priorités, qui sont les politiques sociales et économiques. En outre, l'identité absolue entre démocratie et laïcité formulée par certaines pancartes ne nous semble pas si évidente. Le capitalisme est profondément laïc, puisqu'il tolère et transforme en marchandise tous les symboles, tous les principes, y compris religieux, et il est cependant radicalement anti-démocratique. Ben Ali lui-même fut un dictateur laïc qui a su, avec efficacité, combattre l'islam politique par la prison, la torture et l'assassinat.
Le socialisme – pensons-nous – est l'unique système où la laïcité et la démocratie sont harmonieusement compatibles. Et le socialisme, il faudra le défendre dans les quartiers périphériques de la capitale, dans les villages et les villes du centre et du sud de la Tunisie, où les gens sont en train de le demander à cris, même sans le savoir. On court le danger, en effet, que pendant que nous manifestons en faveur de la laïcité devant un théâtre, les militants islamistes disciplinés prennent notre place.
C'est, en tous les cas, un plaisir renouvelé de rentrer à Tunis, y compris en venant de Cuba. Ici aussi on lutte.

(Déjà vu) Encore une fois la Kasbah
Tunis, le 21 février 2011
Hier, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'on allait appliquer la loi - l'état d'urgence toujours en vigueur – et que, de ce fait, tout rassemblement et manifestation étaient interdits.
Cet après-midi, vers 16h00, les Tunisiens ont à nouveau repris la Kasbah. Mais pour une fois, nous n'étions pas là, mais nous avons vu les images. Des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Palais de la Municipalité, ont fait pression contre les clôtures qui protègent l'enceinte où se trouve le siège du Premier ministre, protégé par des militaires et des policiers. Les discussions ont fait place aux bousculades et, devant la poussée des masses, les soldats ont tiré en l'air. La tension n'est pas retombée, elle s'est au contraire accentuée avec des insultes et des projectiles et finalement la défense a cédé: une avalanche humaine a pénétré et réoccupé la place.
Nous sommes arrivés vers 18h00 pour constater qu'un miracle s'était produit. Les murs sont à nouveau recouverts de graffitis et de papiers avec des slogans griffonnés à la hâte: « Dignité et liberté »; « La révolution continue »; « Non au complot du RCD », « Abattons le gouvernement collaborationniste »; « Zaura Tunis, Zaura Masr, zaura zaura hata el-nasr » (Révolution en Tunisie, révolution en Egypte, révolution, révolution jusqu'à la victoire); « Pouvoir populaire »; « Mobilisation, mobilisation jusqu'à ce qu'on impose la volonté populaire »; et aussi: « Soyons réalistes, exigeons l'impossible ». De l'autre côté, sur le linteau du siège du Premier ministre, dont des grappes de jeunes sont à nouveaux accrochés aux fenêtres, d'autres slogans témoignent de la finesse et de la conscience de ces gens. Une grande pancarte énumère les revendications des manifestants: dissolution du gouvernement et du parlement, destitution de la judicature, formation d'une assemblée constituante élue par la volonté populaire. Une autre identifie le peuple avec le Conseil National de Défense de la Révolution. Et une autre démontre jusqu'à quel point les provocations – face auxquelles, en partie, est tombée la manifestation pour la laïcité de samedi – ne donnent aucune prise ici: « Ce sont les bandes du gouvernement terroriste qui ont tué le prêtre » (en référence au curé polonais assassiné à Manouba). La sensation de déjà vu – avec la cascade de protestations qui déferle sur le monde arabe en mémoire – provoque en nous un tremblement de bonheur public, un frisson onirique partagé. La résistance est dans la répétition et il y a des événements dont la seule répétition est déjà une nouveauté multipliée, amplifiée à l'infini dans un jeu de miroirs sans origine. Nous regrettons seulement l'absence d'Ainara et d'Amin, qui sont en voyage car sans leurs yeux nous nous sentons un peu aveugles.
Ils sont moins nombreux que lors de la première occupation, mais ils sont revenus et ils en attendent beaucoup plus. Il semble qu'un autobus a été arrêté à Kairouan et d'autres groupes espèrent contourner les contrôles sur les routes. Comme la première fois, les drapeaux ondoient, l'hymne national retentit, les slogans sont criés à pleine gorge. Quelques jeunes, avec un brassard blanc au bras, s'occupent de l'organisation devant le balcon du Ministère des finances, où une pancarte du Front du 14 janvier a été placée. Toutes les forces anti-gouvernementales sont représentées sur la place, y compris celles qui ne veulent aucune représentation. Nous parlons avec trois hommes qui viennent de Hay Tadamun, un des quartiers les plus défavorisés de la capitale. Ils font partie du Comité de Défense et sont venus ici, indignés par la mascarade incarnée par ceux qui prétendent parler au nom du peuple et qui ne leur permettent pas d'organiser la vie dans leur quartier. « Nous ne voulons pas d'argent, nous voulons que Ghannouchi s'en aille ». Samia Labidi, une femme qui les accompagne, enveloppée dans un drapeau tunisien, proclame sa soif de justice:
- Ils nous ont montré les trésors des palais de Sidi Bou Saïd à la télévision. Du pur théâtre. Et nous sommes fatigués du théâtre. Nous exigeons la dignité et la liberté.
Parmi la foule, nous trouvons Farouk et Khaled, du Parti du Travail National Démocratique, également membres du Front du 14 janvier. Ils nous disent qu'ils sont là pour voir qui a organisé l'occupation de la Kasbah et la rejoindre afin de coordonner les luttes. Ils nous donnent la sensation d'aller un peu à la remorque d'une mobilisation qui, cependant, a besoin d'une structure politique et nous en profitons pour leur demander des nouvelles du congrès du Front célébré le 12 février dernier. Ce fut un succès de foule – quelques 8.000 participants – mais nous avions cherché en vain un communiqué ou une déclaration commune.
- Il n'y en n'a pas encore – confirme Khaled. Nous avons derrière nous des années de divergences et nous sommes en train de négocier. C'était notre premier congrès et nous avons encore beaucoup de travail devant nous. Le problème, c'est que la réalité va beaucoup plus vite que nous.
A ce moment là survient quelque chose d'étrange. Un des camions de l'armée garé contre le mur, au fond de la place, allume ses phares et allume son moteur. La foule s'agite. Le retrait de l'armée de la place peut être à nouveau le signal d'un assaut policier. Ce qui est étrange, c'est que le conducteur appuie sans cesse sur l'accélérateur, faisant rugir le moteur, mais sans bouger le véhicule, comme s'il voulait attirer l'attention au lieu de vouloir se déplacer réellement. Une provocation? Un avertissement? Les manifestants comprennent tout de suite et courent pour se rassembler et s'asseoir devant les camions afin de leur couper l'issue. Camions et manifestants seront toujours là plusieurs heures plus tard quand nous appellerons la Kasbah pour prendre des nouvelles.
Sous le phare du camion, un jeune est en train d'écrire sur un papier posé sur le sol: « Le pouvoir appartient au peuple, le peuple n'appartient pas au pouvoir ».
Nous cherchons nous aussi un responsable de l'organisation afin de lui demander son numéro de téléphone avant d'abandonner le lieu. Ibrahim, un cinquantenaire qui travaille au Ministère de l'enseignement supérieur, nous parle du Che, de Fidel, de l'autre aussi – comment s'appelle-t-il? - du Venezuela:
- Chávez?
- Non, non, bien avant lui... Simon Bolivar!
Il se montre très fier de ses connaissances:
- Notre révolution ne vient pas de nulle part. Elle a des précédents partout. Nous connaissons l'histoire et c'est pour cela que nous voulons un gouvernement souverain, non dépendant ni de l'Union européenne, ni des Etats-Unis.
Dans un autre groupe, sur l'esplanade devant de l'hôpital, entre les clôtures de l'enceinte et du Palais de la Municipalité, on discute avec chaleur. Deux personnes mènent la discussion: Mondher, un ingénieur du Congrès pour la République (le parti de Marzouki) et un jeune juriste nommé Yauhar. En réalité, plutôt qu'une polémique, ils se donnent raison dans un espèce de potlatch discursif. Ils expliquent avec force détails l'absence de légitimité du gouvernement de Ghannouchi :
- C'est exactement le contraire – dit Yauhar. Ce gouvernement ne peut ni réformer la loi ni convoquer des élections. Il faut d'abord élire une assemblée constituante qui élabore le nouveau texte constitutionnel auquel devra être adaptée la nouvelle législation. La dissolution des institutions et l'élection populaire de la constituante sont les conditions de toute légitimité.
Et il ajoute:
- On nous demande d'avoir confiance en Ghannouchi, qui doit nous guider vers un nouvel ordre de légitimité et de démocratie. On nous a dit précisément la même chose en 1987, quand Ben Ali a écarté Bourguiba à la tête de l'Etat. Sans une nouvelle constitution, il ne peut y avoir d'élections. Nous n'avons aucune confiance dans les promesses d'un homme, ce doit être la loi qui nous garantit la souveraineté.
Il nous dit que, ensemble avec d'autres jeunes avocats et universitaires, il a créé un « Forum Citoyen » qui tiendra vendredi prochain une conférence de presse sur une initiative afin de récolter un million, deux millions, trois millions de signatures afin de forcer la démission du gouvernement et l'élection d'une assemblée constituante.
A ce moment, un jeune arrive sur la place et déploie un drapeau. En réalité, il s'agit de la reproduction d'un panneau de circulation indiquant une direction interdite, sur un fond blanc: « Interdit de faire demi-tour ».
C'est cela, précisément, que demandent les occupants de la Kasbah.
Lorsque nous retournons à la maison, les nouvelles de Libye, du Maroc, du Barheïn, du Yémen, donnent toute leur place à l'expérience de cet après midi, pourtant loin de l'attention médiatique. Il n'y a plus rien de local ni de petit dans le monde arabe. Tout est dans tout. Le monde arabe, duquel on n'attendait que rêve ou fanatisme, n'existe pas seulement, il chevauche le cheval qui galope vers d'autres lieux.
Et pour quand en Europe? Pour le moment, nous regardons aussi vers le Wisconsin.

La Kasbah de Tunis: Trois traits
Tunis, le 22 février 2011
La révolution tunisienne a été la révolution des chômeurs, des travailleurs précaires, des pauvres, des humiliés, des syndicalistes et en partie celle des blogueurs, mais elle a été également, dans une grande mesure, la révolution des avocats. L'Association des Lettrés a joué un rôle décisif dans la formulation des revendications et dans l'éducation politique du peuple. Ils ont fait partie de la première occupation de la Kasbah et ils sont aussi dans la seconde et leur patte est visible dans le contenu des pancartes que les manifestants accrochent sur les murs: assemblée constituante, constitution, loi électorale, gouvernement de salut national, légitimité, épuration des institutions...
L'un d'eux, un jeune au bonnet de feutre et à l'élégante écharpe, déploie toute son éloquence pour expliquer que le contrat social a été violé par ceux qui ont tiré sur le peuple et que, pour cela, seul le peuple peut en élaborer un nouveau. Répondant à la question d'un des polémistes improvisés sur les pressions coloniales exercées par la France et les Etats-Unis, il répond avec une verve toute jacobine:
- La France a fait sa révolution en 1789 et nous, nous la faisons aujourd'hui. A partir de maintenant, ils devront nous traiter d'égal et à égal.
Personne ne peut dire qu'il y a quoi que ce soit de médiéval dans la révolution tunisienne, mais il y a bien un côté « XVIIIe siècle ». Et cet énorme retard de deux siècles, quand la postmodernité et la religion semblaient avoir érodé l'idée même du contrat social, nous semble une immense avancée. C'est juste une question de temps. Ensuite viendra la Commune et les Soviets et cette fois ci, cela se passera peut être à l'envers; c'est à dire à partir du droit et des gauches, comme cela doit être.
Avec l'activité fébrile d'une fourmilière pensante, les occupants de la Kasbah ont déjà dressé plusieurs jaimas. Sur l'une d'elles, au pied de la place du Palais Municipal, ils ont installé un pompeux et simple « Comité d'Information ». A l'intérieur, quatre jeunes aux vestes fluorescentes – un attribut d'identification improvisé – entourent un ordinateur et donnent des informations à ceux qui gardent l'entrée, chargés à leur tour de les transmettre aux participants:
- Ceux de Kasserine sont parvenus à passer! Dans une demi heure ils seront ici – et tous d'applaudir à cette nouvelle.
Mais, ensuite, ce n'est pas ceux de Kasserine qui arrivent, mais bien d'autres qu'on n'attendait pas, et ceux de Kasserine n'arriveront que beaucoup plus tard parce que la rapidité de l'information ne laisse jamais un récit complet. Un exemple: vers minuit, nous recevons l'information selon laquelle l'armée est en train d'évacuer la Kasbah de Tunis et de Sfax. Nous passons une heure d'angoisse jusqu'à ce que l'information soit démentie par téléphone. Ce qui s'est réellement passé c'est qu'un camion militaire a allumé son moteur et avant même qu'il puisse démarrer et abandonner tranquillement la place, l'information, déformée de manière menaçante, s'est déployée sur Facebook à une vitesse sidérale. Les informations, sur Facebook, sont souvent composées de « premiers gestes » et ces derniers volent et virevoltent comme des copeaux.
Facebook a été très important, cela ne fait pas de doute. Mais il est trop rapide. Et en pensant à la phrase des camarades du Front du 14 janvier hier (« la réalité va beaucoup plus vite que nous »), nous pensons qu'il ne s'agit pas seulement du problème qu'il n'y a pas de structure politique capable de recueillir l'impétuosité de la révolution, mais bien qu'il y a une structure technologique, préétablie et dont les avantages eux-mêmes, tellement utiles pour la mobilisation, mettent des limites à l'organisation. Il y a comme une compétition, ou un conflit, entre les territoires dans lesquels se déverse l'information digitale et ceux sur lesquels ont travaille de manière narrative (les murs, les pancartes, les nuits en commun, la fière revendication du peuple originaire) et la propre rapidité avec laquelle on parvient jusqu'à eux, à travers les messages par téléphone portable ou par internet. La réalité, c'est l'espace ou la rapidité? Parfois, nous craignons que ce qui est bon pour rassembler des foules serve précisément seulement à rassembler des foules. Et que, de manière étroite – organique même – la technologie liée au corps provoque cette confusion, et non le manque de partis, ce qui empêche de faire des projets.
Mais ces têtus de la Kasbah, qui font tellement « XVIIIe siècle », tellement peuple, continuent à raconter l'histoire avec leurs corps (qui laissent des traces partout).
Nous suivons un capitaine – si c'est bien le grade qui correspond à trois étoiles – qui circule parmi la foule. Nous l'avons déjà vu à d'autres reprises et il s'agit certainement de l'officier en charge de la compagnie qui garde la place. C'est un homme d'une cinquantaine d'années, à l'épaisse moustache blanche, un peu ventru, d'aspect très sympathique. Il traite avec énormément de familiarité tous ceux qu'il croise, comme s'il n'était qu'un manifestant parmi d'autres. Ce qui est curieux c'est qu'il ne se sent pas mal à l'aise et que les occupants ne se sentent pas intimidés. De fait, il est souvent abordé par des gens qui l'interpellent, lui demandent des comptes, lui donnent une petite tape sur l'épaule avec une ironie réprobatrice. Il répond avec tranquillité aux reproches, fait des plaisanteries et rit avec complicité. A un moment donné, un groupe un peu plus pressant l'entoure et lui reproche la passivité de l'armée face à l'assaut de la police l'autre fois.
- Vous devez protéger le peuple! - crie un homme.
- Mais vous n'êtes qu'une partie du peuple – répond le capitaine avec une patience un peu paternelle.
Et c'est alors qu'une femme plus âgée, qui se trouve à côté de nous, le fusille avec une colère majestueuse:
- Nous sommes la partie qui lutte, c'est seulement elle le peuple. Les autres, ceux qui ne luttent pas, ne sont pas le peuple.
Il n'y a plus rien à ajouter à cette journée qui s'achève.

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