samedi 22 janvier 2011

[Le troisième jour du peuple tunisien]


par Alma Allende
[Au troisième jour] du peuple tunisien, le terrible silence, dû à l'absence du bruit de l'hélicoptère qui m'avait empêché de dormir pendant la nuit, me réveille très tôt. De la rue, de fait, ne monte aucun bruit: ni voitures, ni voix, ni oiseaux. C'est un dimanche dans une nouvelle dimension et, après les incertitudes de l'aube, on se surprend à craindre que le monde ait disparu. Tout est terminé? Pour le meilleur? Pour le pire? Pour la même chose? Soudain, le silence est brisé par le bruit strident, quotidien, réconfortant et qu'on ne peut confondre; celui de la devanture de l'épicerie d'en bas. Ils ont ouvert le magasin!
Les premières nouvelles, dans la presse et à travers les amis – qui viennent eux aussi de se réveiller – confirment la trève: les assauts ont cessé et les quartiers s'ébrouent au milieu des restes de la tempête, dans ce chaud mois de janvier au ciel très bleu et aux bruits insoupçonnables.

vendredi 21 janvier 2011

[sur la "manif" du 23 janvier...]


Largement médiatisée, la manifestation de ce dimanche 23 janvier « pour la formation d'un gouvernement » va sans doute rassembler du monde. Il est bien sûr positif que la population exprime enfin son ras-le-bol face au blocage politico-institutionnel et son inquiétude pour l'avenir qui s'annonce pour le moins obscur. Mais, comme le rappelle Félix De Clerck, l'un des organisateurs et par ailleurs fils du Ministre de la justice (CD&V), « ce n'est pas à nous de faire de la politique ».
En conséquence, cette manifestation se veut « neutre » et « apolitique ». Elle vise simplement à adresser un « signal » aux professionnels de la politique pour qu'ils « fassent enfin leur travail » et reprennent en main la gestion du pays. Pour quoi faire ? Soigneusement, la question n'est pas évoquée. Elle entraînerait d'ailleurs des réponses sans doute bien contrastées de la part des différentes organisations qui soutiennent l'initiative (Jeunes CSC, Jeunes Socialistes, Jeunes CD&V, PTB, Parti Populaire, …).
La LCR n'appelle pas à cette manifestation d'où se dégagera un message pour le moins confus et ambigu. Selon nous, l'urgence est ailleurs, comme nous l'exprimons dans le tract que nous publions ici (LCR-Web)

mercredi 12 janvier 2011

[Tunisie : « Des millions de Mohamed Bouazizi »]

Témoignage
Par Ramzy Kelam
Paru sur Rue 89 ce 11 janvier 2011

Aux bruits dans la cuisine, je devine qu'il est environ 7 heures. Mon oncle marmonne je ne sais quoi tandis que ma cousine lui prépare un café serré. Comme d'habitude. En Tunisie, je ne porte jamais de montre. A quoi bon puisque là-bas, rien ne presse. Les journées se répètent inexorablement sans que personne ne bronche.
Ici, la routine n'a rien d'un concept abstrait. Elle est une maladie avec laquelle on apprend à vivre parce qu'au fond, il n'y a pas d'autre choix. Et il fallait bien plus qu'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Car « le patron des patrons », comme le surnomment les Tunisiens, veille au grain, impitoyable avec les frondeurs. La simple évocation de son nom donne des frissons. Ben Ali n'est pas qu'un président, c'est aussi un tabou.