Pour donner une suite au 19 mars, la colère et une certitude nous motivent.
Colère face aux licenciements annoncés par Total, malgré ses 14 milliards de profits, ou par Continental, qui avait imposé de travailler plus «pour sauver l’emploi» ; colère face à la vie chère ; colère face à la santé ou à l’éducation bradées ; colère face aux expulsions de sans-papiers, à la répression, aux libertés menacées… La certitude nous est offerte par
le peuple guadeloupéen, qui nous montre que ce gouvernement de «profiteurs» n’est pas invincible.
Il est possible de gagner en s’en donnant les moyens, mais il faudra pour cela plus qu’une journée de grève tous les deux mois. Nous y mettons, à chaque fois, toutes nos forces, nous sommes déterminés et nombreux, mais si elles restent sans lendemain, les journées d’action, aussi réussies soient-elles, finissent par épuiser et démoraliser. Alors, pour ne pas nous retrouver demain avec un goût amer de « Tout ça pour quoi ? », nous pouvons apprendre de ce qui a permis à tout un peuple de rester uni et mobilisé dans la grève générale pendant six semaines aux Antilles.
Mais visiblement les Top Manager des syndicats n’en n’ont pas tiré les leçons.
Au lendemain d’une journée d’action et de mobilisation de très haute intensité la stratégie des leaders syndicaux a de quoi déconcerter. Au bout d’une journée presque entière de réunion le vendredi 20, la réponse syndicale à l’intransigeance du Gouvernement, réaffirmée par Fillon la veille au soir, pourrait tenir en deux mots : attendre, réfléchir.
«Nous montrons que nous sommes des organisations responsables, qui prenons le temps de la réflexion», tout en étant «très fermes» face au gouvernement, a expliqué Chérèque à la presse. «On continue la méthode intersyndicale, mais on ne prend pas de décision aujourd’hui», une nouvelle réunion étant convoquée le 30 mars. « Face aux intransigeances » du gouvernement et du patronat, les syndicats annoncent vouloir se donner un peu de temps pour « rechercher les modalités les plus adaptées pour donner encore plus d'efficacité aux prochaines mobilisations ». Pour l'heure, les organisations syndicales « mettent en débat l'étape importante que constitue le 1er Mai », et annoncent qu'elles « se retrouveront le 30 mars pour décider (...) des prolongements au 29 janvier et au 19 mars ».
Décortiquons
> …prenons le temps de la réflexion
Ainsi donc avant le 29 janvier et entre le 29 janvier et le 19 mars, les Etats-majors syndicaux n’ont pas eu le temps de réfléchir. Les travailleurs sont en droit d’attendre de leurs « dirigeants » qu’ils ne les engagent pas dans des actions « irréfléchies ». S’ils se sont dits « très fermes » c’était donc du pipo ? Car fondamentalement qu’est-ce qui a changé entre ces deux dates qui nécessiterait une aussi longue réflexion ? Une seule chose a changé : la mobilisation s’est amplifiée, l’inquiétude se transforme en colère et en combativité. Mais normalement, une telle situation devrait réjouir et conforter les camarades dirigeants et les conduire à accélérer et amplifier le mouvement…
Mais c’est à tout autre chose qu’on assiste : rien que sur les chiffres de la mobilisation, qu’on lit de telle sorte qu’on masque en partie la progression du mouvement (1). La temporisation décrétée le 20, à mots couverts il est vrai, démontre à quel point les dirigeants syndicaux manquent de perspective.
> …donner encore plus d'efficacité aux mobilisations…
Au point qu’on peut se demander s’ils croient réellement trouver le temps de se donner « plus d’efficacité ». Pour réussir à infléchir le gouvernement et le patronat le mouvement social doit se durcir et radicaliser ses revendications. En face, c’est ce qui se joue aujourd’hui, la droite fait feu de tout bois pour dénigrer le mouvement. « Si chacun cède à la peur des adaptations au lieu de s’en saisir, alors la France affrontera de grands périls », dit le premier ministre. Le peuple n’a pas peur des adaptations prêchées, il n’en veut simplement pas. Car il sait qu’elles renvoient à des mesures injustes comme le bouclier fiscal, grâce auquel les 834 contribuables les plus aisés ont touché chacun un chèque moyen de 368.261€ du fisc, soit l'équivalent de 30 années de Smic, en 2008. Mais on essaie aussi de « criminaliser» les mécontents parfois acculés à des actions radicales sous forme de séquestrations ou occupations d’usine.
Qu’il y ait de l’angoisse dans la population qui subit l’aggravation du chômage et de la précarité est une évidence. Mais cette angoisse, cette colère, si elles s’expriment en revendications claires et en mouvements de masse auront bien plus de poids.
> …l'étape importante que constitue le 1er Mai
Renouer avec des 1er mai combattifs n’est pas pour nous déplaire, mais avouons qu’à cette cadence-là, on n’est pas prêts de voir le bout du tunnel ! Une « étape » tous les 45 jours, le « tour de France des mécontents » ne verra pas les Champs-Elysées avant longtemps. Et puis c’est une étape importante vers quoi ? Les euromanifestations de la CES (14, 15 et 16 mai) ? Et on se rapprochera des Elections européennes, et puis il y aura les vacances, la rentrée, et bientôt noël…
Après le 19/03, on fait quoi ? Vous avez une idée ?
(1) Tout en faisant mine de se réjouir du succès du 29 janvier, les leaders syndicaux ont, dans un premier temps, gonflé le nombre des manifestants. Bernard Thibault (CGT) annonce 2,5 millions pour le 29 janvier : les décomptes les plus optimistes de la CGT arrivent légèrement en dessous de 2 millions. Rebelote le 19 mars, cette fois c’est François Chérèque qui annonce 3 millions assez tôt dans la soirée : mais en utilisant les mêmes sources que pour le 29 janvier, tout semble indiquer 3,3 millions de manifestants ! Ce qui revient à diminuer l’ampleur réelle de la mobilisation (+20% de manifestants au lieu de +65%). Peut-être certains avaient-ils espéré que la violence économique qui s’abat sur les travailleurs sous forme de milliers de licenciements aurait calmé les ardeurs entre le 29 janvier et le 19 mars. Ce ne fut pas le cas, on remet cela…
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