samedi 28 février 2009

Ma boîte-aux-lettres vous intéresse ?

Je guettais le facteur. Le temps était gris et maussade. J’espérais une carte des tropiques (la Guadeloupe, en ce moment j’aime bien…).
C’est une enveloppe qu’il a glissé, pas de nom d’expéditeur, seulement une adresse : avenue de la Toison d’Or, Bruxelles. Les quartiers huppés.
La première impression a été vite confirmée : Didjé et Riche Hard m’écrivent : « l’économie belge a besoin de ses entrepreneurs ».
Ohé, les stroumphs, vous allez me gâcher ma journée… me suis-je dit en commençant la vaisselle.
Dans l’autre boîte, celle de l’ordi, je reçois des nouvelles à première vue plus sympas. C’est la newsletter du fameux Club de Mons-Hainaut, de retour de Samara. Samedi on reçoit Anvers, je me suis empressé d’ouvrir ce mail.
Patatras ! L’autre Didjé (de Frameries) m’invite… le 6 mars à la mons.arena pour « un moment convivial ». Mais c’est un détournement de truc ce machin, et en plus ils m’appellent « Undisclosed-Recipient » -récipient toi-même ! Heureusement pour elle la vaisselle était finie.
Mais comment font-ils pour trouver votre adresse ? Qui leur permet d’entrer dans votre boîte ? Pourquoi se cachent-ils dans une enveloppe anonyme ou dans la newsletter d’un club de sport ? Ça n’a pas l’air bien catholique tout ça (enfin ceux-là ils ne valent pas mieux, nom d’une pape).
Je me demande si je n’écrirais pas une humeur là-dessus.
fRED

jeudi 19 février 2009

Prenons Parti

Par Véronique Blaze, Chirurgien, ancienne Conseillère Communale, Mons - Pierre Denoël, Travailleur Social, ancien Conseiller Provincial - Léon Gosselain, militant Eco-Socialiste, conseiller communal honoraire à Ath – Freddy Mathieu, prépensionné, ancien Secrétaire Régional de la FGTB Mons-Borinage –
Alain Van Praet, militant syndical, CSC

Nous vivons en Belgique et nous venons de fonder, avec 9120 camarades, un parti politique en France. Nous adhérons au Nouveau Parti Anticapitaliste créé par la LCR et Olivier Besancenot. Pourquoi?
Simplement parce que nous avons en commun de grandes préoccupations, des engagements, des principes et surtout des espoirs.

Nos préoccupations
En Europe, notamment, la répartition des richesses est de plus en plus inégalitaire et se trouve renforcée par le recul de la part des salaires dans le PIB, au profit des revenus du capital. Entre 1975 et 2006, ce sont 1.200 milliards d’euros qui ont ainsi été enlevés aux travailleurs au profit des capitalistes. Au même moment, le taux de prélèvement moyen sur les bénéfices des entreprises est passé de 38% à 24%.
Ces revenus supplémentaires engrangés par les possédants n’ont pas été utilisés pour investir dans la production ou pour augmenter l’emploi, mais ils ont été distribués -pour l’essentiel- sous la forme de revenus financiers. La crise financière actuelle met en cause les ressorts essentiels du mode de production capitaliste.
C’est le profit qui guide toutes les décisions, à n’importe quel prix.
Et le prix du profit peut avoir pour nom : la misère, la guerre, des catastrophes écologiques ou des famines.
La mondialisation a remplacé les Etats régulateurs et mis directement en concurrence les travailleurs de tous les pays, brisant ainsi d’indispensables solidarités.
La crise actuelle fait voler en éclats ce modèle valorisé par l’idéologie néolibérale depuis 30 ans et nous montre ses limites, ses impasses et les catastrophes où il nous mène.
Cette période a également sonné le glas de la social-démocratie, tenante d’un réformisme sans réformes, convertie au dieu-marché et envoutée par sa main invisible. Dans toutes les phrases de ses discours elle a mis les entreprises capitalistes sur le même pied que les travailleurs, elle a râpé la Charte de Quaregnon, elle a caressé les oligarchies dans le sens du poil, elle s’est encanaillée dans les Conseils d’Administration, elle a pris des mesures de droite qu’elle a nommé de titres pompeux (consolidation stratégique pour les Services Publics, revenu d’insertion pour le minimex, activation du comportement de recherche pour la chasse aux chômeurs). Elle a imposé le pacte des générations, elle a donné l’absolution aux fraudeurs fiscaux, elle a laissé s’ouvrir des Centres Fermés, elle a laissé instaurer les « intérêts notionnels » -qui exonèrent les bénéfices des entreprises de la solidarité. Elle a remplacé la solidarité par la compassion, l’émancipation par la charité, l’internationalisme par les bons sentiments. Et certains de ses leaders ont même fini par se nicolasarcozier.
Et quand la bulle financière a éclaté, voici quelques semaines, les désormais socio-libéraux et leurs alliés, ont volé au secours du capitalisme et de ses banques en déroute, s’inscrivant dans une logique de gestion de la crise capitaliste sur le dos des citoyens.

Nos engagements
Cette crise va s’amplifier avec son cortège de licenciements, de reculs sociaux. Une nouvelle situation qui va provoquer de nouvelles confrontations sociales et politiques. Les explosions sociales en Grèce, en Italie, en France, en Guadeloupe, en Martinique en sont les prémices.
Il faut comprendre, encourager et accompagner « l’insurrection qui vient ».
Dans ce cadre, les anticapitalistes ont le devoir d’intervenir autour de solutions alternatives à la crise qui combinent mesures d’urgence pour l’emploi, les salaires, les services publics et mesures de transformations anticapitalistes.
Nous avons besoin d’une gauche de combat, décomplexée, allègre, fière de ses couleurs et porteuse d’espoir.
La LCR et Olivier Besancenot ont proposé de construire un nouveau parti pour résister à la droite de Sarkozy et au Medef (l’équivalent de la FEB en France).
Mais le capitalisme a depuis longtemps dépassé les futiles frontières nationales. C’est au moins à l’échelle de l’Europe que nous devons construire un parti pour lutter contre ceux qui exploitent, précarisent, détruisent l'environnement. Un parti qui permette d’en finir avec le racisme, le sexisme et toutes les oppressions. Un parti qui défende un projet de transformation révolutionnaire de la société, pour une rupture radicale avec un système dont nous n’avons rien à attendre.
La création du NPA est une occasion idéale pour concrétiser ce pôle conséquent à la gauche de la gauche, en France mais aussi en Europe.
En Belgique on devrait s’en inspirer et travailler résolument au dépassement du morcellement de la gauche anticapitaliste. La clarté politique et la radicalité doivent se marier avec la volonté de converger dans la construction d’une véritable alternative, à gauche du PS et d’Ecolo.
Nous sommes persuadés qu’une telle perspective est attendue par des milliers de progressistes, de militants socialistes, associatifs, écologistes, syndicalistes, qui cherchent une initiative, qui espèrent une alternative, qui veulent affirmer leurs valeurs d’émancipation.

Nos principes et nos espoirs
En nous inscrivant dans la dynamique du NPA nous n’avons pas demandé « l’asile politique » à la France, ni prôné le rattachisme ou l’assimilation, nous nous sommes simplement nourris d’un nouvel espoir.
Nous avons tellement de choses en commun et ça remonte à tellement longtemps...
C’est à Quaregnon, en 1893, que fut publié un des textes fondateurs pour les anticapitalistes, nous revendiquons cet héritage :
« Les richesses, en général, et spécialement les moyens de production, sont ou des agents naturels ou le fruit du travail — manuel et cérébral — des générations antérieures, aussi bien que de la génération actuelle; elles doivent, par conséquent, être considérées comme le patrimoine commun de l'humanité.
Le droit à la jouissance de ce patrimoine, par des individus ou par des groupes, ne peut avoir d'autre fondement que l'utilité sociale, et d'autre but que d'assurer à tout être humain, la plus grande somme possible de liberté et de bien-être.
La réalisation de cet idéal est incompatible avec le maintien du régime capitaliste, qui divise la société en deux classes nécessairement antagonistes : l'une, qui peut jouir de la propriété, sans travail; l'autre, obligée d'abandonner une part de son produit à la classe possédante.
Les travailleurs ne peuvent attendre leur complet affranchissement que de la suppression des classes et d'une transformation radicale de la société actuelle. Cette transformation ne sera pas seulement favorable au prolétariat, mais à l'humanité toute entière; néanmoins, comme elle est contraire aux intérêts immédiats de la classe possédante, l'émancipation des travailleurs sera essentiellement l’œuvre des travailleurs eux-mêmes… (1)
Il y a une semaine à Belém, en Amazonie, l’Assemblée des mouvements sociaux du Forum social mondial 2009 ne disait pas autre chose : « La crise capitaliste internationale qui porte préjudice à l’humanité s’exprime sur différents plans : c’est une crise alimentaire, financière, économique, climatique, énergétique, migratoire…, de civilisation qui accompagne la crise de l’ordre et des structures politiques internationales.
Nous sommes face à une crise globale provoquée par le capitalisme qui n’a pas d’issue au sein du système.
Ce système est régi par l’exploitation, la compétition exacerbée, la promotion de l’intérêt privé individuel au détriment de l’intérêt collectif et l’accumulation frénétique de richesses par une poignée de nantis. Cela génère des guerres sanglantes, alimente la xénophobie, le racisme et les extrémismes religieux, cela renforce l’exploitation des femmes et la criminalisation des mouvements sociaux. »
L’ancrage dans les meilleures traditions du Mouvement ouvrier nous permet de nous tourner résolument vers l’avenir. En ne négligeant aucun bilan : celui de tous les travers bureaucratiques, des errements dogmatiques, des catastrophes écologiques engendrées par le productivisme, également à l’œuvre dans les dictatures d’inspiration staliniennes/bureaucratiques soi-disant communistes.

Nos vies valent plus que leurs profits
Nous venons de fonder un nouveau Parti Anticapitaliste, comme dans la Charte de Quaregnon en 1894 « (il) …déclare qu'il se considère comme le représentant, non seulement de la classe ouvrière, mais de tous les opprimés, sans distinction de nationalité, de culte, de race ou de sexe. Que les socialistes de tous les pays doivent être solidaires, l'émancipation des travailleurs n'étant pas une œuvre nationale, mais internationale. Que, dans la lutte contre la classe capitaliste, les travailleurs doivent combattre par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. » (1)
Nous proposons des objectifs de mobilisation destinée à remettre en cause le capitalisme et à préparer le socialisme qu’il faut inventer ensemble. En remettant en question la propriété privée des moyens de production (de transport, de communication, des banques etc.), en insistant sur l'appropriation sociale du produit du travail, et en imposant le contrôle démocratique des salariés et de la population sur l’ensemble de leurs conditions d’existence.
Dans l’immédiat, nous voulons populariser les mesures suivantes :
• Une société solidaire débarrassée de tous les discriminations
• Une réelle égalité entre femmes et hommes
• Le renforcement des services publics
• Une planification démocratique de la production, entre autre pour relever le défi de la crise écologique
• La lutte contre le chômage massif par la réduction radicale du temps de travail et la réorientation de l’économie vers la satisfaction des besoins sociaux, dans le respect de l’environnement
• La socialisation de tout le secteur financier

Certes le chemin de l’émancipation humaine est encore long. Mais c’est une raison supplémentaire pour ne pas tarder à l’emprunter… « Quand faut y aller, faut y aller » (2)


(1) Charte de Quaregnon - 1893. Résultat d'un travail de commissions installées à Gand, la déclaration de principes et le programme seront discutés au Congrès socialiste de Bruxelles les 25 et 26 décembre 1893 avant d'être adoptés lors du Congrès de Quaregnon des 25 et 26 mars 1894)
(2) « Salutations Révolutionnaires » de Ministère des Affaires Populaires -
http://www.map-site.fr/

lundi 12 janvier 2009

"Combien de divisions"

par Uri Avnery de Gush Shalom
(mouvement de pacifistes israéliens)


Un crime effroyable a été commis à Leningrad, il y a soixante dix ans, pendant la seconde guerre mondiale.
Pendant plus de mille jours, un groupe terroriste, « l'armée rouge » a tenu en otage des millions d'habitants de la ville et a provoqué la réplique de la Wermacht allemande contre des lieux où se trouvait la population. Les allemands n'ont pas eu d'autre choix que de bombarder et de pilonner la population et d'imposer un blocus total, qui a causé la mort de centaines de milliers de personnes.
Quelque temps auparavant, le même crime a été commis en Angleterre. Le groupe Churchill s'est caché parmi la population de Londres, utilisant des millions de citoyens comme des boucliers humains. Les allemands ont du envoyer leur aviation, la Luftwaffe, et , à leur corps défendant, ont réduit la cité en cendres. Ils ont appelé cette opération « le Blitz ».
Voilà ce qu'on aurait pu lire dans les livres d'histoire si les allemands avaient gagné la guerre.
C'est absurde? Pas plus que ce que nos medias écrivent jour après jour, répétant jusqu'à la nausée : les terroristes du Hamas ont pris les habitants de Gaza en otages et se servent des femmes et des enfants comme de boucliers humains, ne nous laissant pas d'autre choix que de lancer des bombardements massifs, lors desquels, à notre grande tristesse, des milliers de femmes, d'enfants et d'hommes sans armes sont tués et blessés.
Dans cette guerre, comme dans toutes les guerres modernes, la propagande joue un rôle primordial. La disparité entre les forces, entre l'armée israélienne – avec ses avions, ses vedettes, ses drones, ses bateaux de guerre, son artillerie, ses tanks -et les quelques milliers de combattants du Hamas dotés d'armes légères, est de l'ordre de 1 pour 1000, voire de 1 pour 1000000. Sur le plan politique l'écart est peut-être encore plus grand. Mais, pour ce qui est de la propagande, il est presque infini.
Presque tous les medias occidentaux ont d'abord répété la ligne officielle de la propagande israélienne. Ils ont presque entièrement ignoré le versant palestinien de l'histoire, sans parler des manifestations quotidiennes du camp de la paix israélien. Le discours du gouvernement israélien ( « un état doit défendre ses citoyens contre les missiles qassams ») a été accepté comme la vérité vraie. Le point de vue de l'autre camp, que les qassams n'étaient que la réponse au siège qui affamait un million et demi d'habitants de la Bande de Gaza, n'était mentionné nulle part.
Ce ne fut qu'au moment où les images d'horreur venant de Gaza commencèrent à apparaître sur les écrans occidentaux que l'opinion publique mondiale se mit à changer. A dire vrai, les télévisions en Israël et en Occident ne montrèrent qu'au compte goutte les évènements effroyables qu'Aljazeera, la chaîne arabe, diffusait 24 heures sur 24, mais la photo d'un enfant mort dans les bras de son père terrifié a plus de pouvoir de conviction qu'un millier de belles phrases sortant de la bouche du porte- parole de l'armée israélienne. Et finalement, ce fut décisif.
La guerre – toute guerre – est faite de mensonges. Qu'on l'appelle propagande, ou guerre psychologique, on accepte qu'un pays en guerre a le droit de mentir. Quiconque parle vrai peut-être considéré comme un traître.
Le problème est que la propagande convainc d'abord le propagandiste. Et quand l'on s'est convaincu que le mensonge est la vérité et la falsification la réalité, on ne peut plus prendre de décision rationnelle.
Prenons l'exemple de l'atrocité la plus choquante de cette guerre, du moins jusqu'à aujourd'hui : le bombardement de l'école de l'ONU de Fakhura, dans le camp de réfugiés de Jabaliya.
Dès que le monde a connu cet incident, l'armée a « révélé» que les combattants du Hamas avaient lancé des obus de mortier à partir d'une position proche de l'entrée de l'école. Pour preuve, ils ont produit une photo aérienne qui montrait, en effet, l'école et le mortier. Mais il n'a pas fallu longtemps pour que le menteur officiel de l'armée admette que la photo datait d'un an au moins. Bref, une falsification.
Le menteur officiel déclara ensuite que « nos soldats avaient subi des tirs qui venaient de l'intérieur de l'école ». Un jour passa avant que l'armée ne doive admettre devant le personnel de l'ONU que c'était un autre mensonge. Personne n'avait tiré depuis l'école, il n'y avait pas de combattants du Hamas mais des réfugiés terrifiés.
Mais, cet aveu fit difficilement la différence. Le public israélien, pendant ce temps, fut totalement convaincu qu' « ils avaient tiré depuis l'intérieur de l'école », et les journalistes de la télévision firent comme si c'était un fait acquis.
Il en fut de même pour les autres atrocités. Tout bébé fut métamorphosé, par sa mort, en terroriste du Hamas. Toute mosquée bombardée devint une base du Hamas, tout appartement une cache d'armes, toute école un poste de commandement, tout bâtiment public « un symbole du pouvoir du Hamas ». Ainsi l'armée d'Israël préserva la pureté de « l'armée la plus morale du monde ».
La vérité est que les atrocités sont le résultat direct du plan de guerre. Elles reflètent la personnalité d'Ehud Barak, un homme dont la façon de penser et les actes ressortent à l'évidence de ce qu'on appelle « un désordre moral », un trouble sociopathique.
Le but réel ( si l'on exclut le gain de sièges lors des prochaines élections) est d'en finir avec la domination du Hamas sur la Bande de Gaza. Dans l'imagination des concepteurs, le Hamas est un envahisseur qui s'est emparé d'un pays étranger. La réalité, bien sûr, est tout à fait autre.
Le mouvement Hamas a remporté la majorité des votes lors d'élections éminemment démocratiques qui ont eu lieu en Cisjordanie, à Jérusalem Est, et dans la Bande de Gaza. Il a gagné parce que les Palestiniens sont arrivés à la conclusion que la stratégie pacifiste du Fatah n'avait permis d'obtenir rien de tangible d'Israël – ni un gel de la colonisation, ni la libération des prisonniers, ni aucun pas significatif vers la fin de l'occupation et la création d'un état palestinien. Le Hamas est profondément enraciné dans la population palestinienne – pas seulement parce qu'il est un mouvement de résistance combattant l'occupant étranger, comme l'Irgoun et le Groupe Stern l'avaient fait dans le passé – mais aussi parce qu'il est une organisation politique et religieuse qui s'occupent de services au public, sociaux, éducatifs et médicaux.
Pour la population, les combattants du Hamas ne sont pas un corps étranger, mais les enfants de chaque famille de la Bande et d'autres régions de Palestine. Ils ne se “cachent pas dans la population”, mais la population les voit comme ses seuls défenseurs.
Ainsi, toute l'opération est basée sur des présomptions fausses,. Faire de sa vie un enfer n'amène pas la population à se lever contre le Hamas, mais au contraire, la rassemble derrière lui, et renforce sa détermination à ne pas se rendre. La population de Leningrad ne se leva pas contre Staline, pas plus que les Londoniens ne se levèrent contre Churchill.
Celui qui a donné l'ordre de mener une telle guerre, avec de telles méthodes dans une zone si densément peuplée, savait qu'il allait provoquer le massacre épouvantable de civils. Apparemment ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Ou, croyait-il, “ ils changeront leurs manières” et “ cela leur fera prendre conscience”, et dans le futur, ils ne résisteront pas à Israël.
La priorité des priorités pour les concepteurs était d'obtenir qu'il y ait le moins de morts possibles parmi les soldats, compte tenu du fait qu'une large partie de l'opinion favorable à la guerre pourraient changer d'avis si elle savait qu'il y avait des pertes. C'est ce qui est arrivé lors des deux guerres du Liban.
Ces considérations ont d'autant plus joué, que la guerre est une pièce maîtresse de la campagne électorale. Ehud Barak, que les sondages donnaient vainqueurs aux premiers jours de la guerre, savait très bien que ses pourcentages pourraient s'effondrer si les écrans se remplissaient de soldats morts.
Donc on a appliqué une nouvelle doctrine : éviter les pertes parmi nos soldats par la destruction totale de toute chose sur leur route. Les concepteurs étaient prêts à tuer non pas 80 palestiniens pour sauver un soldat israélien, mais 800. Eviter les morts de notre coté est l'ordre suprême, qui cause dans l'autre camps un nombre record de morts de civils.
Cela veut dire la décision consciente d'une guerre particulièrement cruelle – ce qui a été le talon d'Achille.
Une personne dépourvue d'imagination comme Barak ( son slogan électoral : “ Pas un type bien, mais un chef”) ne peut imaginer comment les gens qui ont une conscience partout dans le monde réagissent à des actes comme le massacre de toute une grande famille, la destruction de maisons sur la tête de ceux qui les habitent, les files de garçons et de filles dans leurs linceuls blancs attendant qu'on les enterre, les récits de la mort de gens vidés de leur sang parce que les ambulances ne peuvent arriver jusqu'à eux, la mort de personnels de santé et médecins allant sauver des vies, l'assassinat de chauffeurs de l'ONU lors du transport de vivres. Les photos des hôpitaux, avec les morts, les mourants et les blessés étendus par terre, emmêlés par manque de place ont choqué le monde. Aucun argument n'a la force de l'image d'une petite fille blessée étendue au sol, se tordant de douleur et hurlant “maman, maman !”.
Les concepteurs pensaient qu'ils pouvaient empêcher le monde de voir ça en en interdisant de force la couverture par la presse. Les journalistes israéliens, pour leur grande honte, ont accepté de se contenter des rapports et des photos fournies par le porte parole de l'armée, comme s'il s'agissait d'informations authentiques, tout en restant eux-mêmes à des kilomètres des évènements en cours. La presse étrangère aussi ne fut pas autorisée à pénétrer à Gaza, jusqu'à ce qu'à force de protestations, les journalistes aient droit à de petites excursions par groupe sélectionnés et contrôlés. Mais dans la guerre moderne, une telle conception aseptisée ne peut en exclure complètement d' autres – il y avait des caméras dans la Bande, au coeur de l'enfer, incontrôlables. Aljazeera a filmé à toute heure et a été vue dans toutes les maisons.
La bataille des écrans est une des batailles décisives de la guerre. Des centaines de millions d'arabes, de la Mauritanie jusqu'en Iraq, plus d'un milliard de musulmans du Nigéria jusqu'en Indonésie, voient ces images et sont horrifiés. Cela a un impact énorme sur la guerre. Beaucoup de ceux qui voient ça considèrent les dirigeants de l'Egypte, de la Jordanie et de l'Autorité Palestinienne comme des collaborateurs d'Israël qui perpètre ces atrocités contre leurs frères Palestiniens.
Les services de sécurité des régimes arabes ont enregistré une fermentation dangereuse dans leurs peuples. Hosny Moubarak, le leader arabe le plus menacé à cause de la fermeture du Passage de Rafah devant des réfugies terrorisés, commence à faire pression sur les décideurs à Washington, qui jusqu'à lors avaient toujours bloqué les appels à un cessez-le-feu. Ceux ci commencent à comprendre la menace qui pèse sur les intérêts vitaux américains dans le monde arabe et changent soudainement d'attitude – à la consternation des diplomates israéliens auto satisfaits.
Les gens qui ont des troubles du sens moral ne peuvent comprendre les motivations des gens normaux et doivent deviner leurs réactions. “Le pape, combien de divisions” se moquait Staline. “Les gens qui ont une conscience, combien de divisions ?“ pourrait bien se demander Barak.
A l'évidence, plusieurs. Pas énormément. Pas très réactives. Pas très fortes ni très organisées. Mais, quand les atrocités gonflent le nombre de protestataires et qu'ils se regroupent, cela peut décider du sort de la guerre.
Le manque à comprendre la nature du Hamas a entraîné le manque à comprendre les résultats pourtant prédictibles. Non seulement Israël ne peut pas gagner la guerre, mais le Hamas ne peut pas la perdre.
Même si l'armée israélienne pouvait réussir à tuer tous les combattants du Hamas jusqu'au dernier, le Hamas gagnerait pourtant. Les combattants du Hamas seraient des exemples pour la nation arabe, les héros du Peuple Palestinien, des modèles qui provoqueraient l'émulation pour chaque jeune du monde arabe. La Cisjordanie tomberait entre les mains du Hamas comme un fruit mur. Le Fatah sombrerait dans une mer de mépris, les régimes arabes seraient menacés d'effondrement.
Si la guerre se termine avec un Hamas toujours debout, exsangue mais invaincu, face à la toute puissante machine de guerre israélienne, cela sera une victoire fantastique, une victoire de l'esprit sur la matière.
Ce qui marquera la conscience du monde sera l'image d'un monstre assoiffé de sang, Israël, toujours prêt à commettre des crimes de guerre et incapable d'être retenu par quelque considération morale que ce soit. Ceci aura des conséquences graves sur notre avenir à long terme, notre place dans le monde, notre chance de faire la paix et d'obtenir le calme.
En fin de compte, cette guerre est un crime contre nous mêmes, un crime contre l'État d'Israël.

Le 10 janvier 2009.

mardi 6 janvier 2009

Une intervention internationale maintenant !


Par Michel Warschawski


Michel Warschawski est le fondateur du Centre d'Information Alternative regroupant des mouvements israéliens et palestiniens luttant pour la reconnaissance des droits des Palestiniens.


Pas de doute, la communauté internationale va finir par intervenir et faire pression sur le gouvernement israélien pour qu'il cesse ses agressions meurtrières contre la population civile de Gaza. Le Quartet va demander à Israël d'arrêter, mais seulement après qu'Israël aura terminé le travail.
La politique est une question de temps et, concernant le calendrier, il existe un large consensus entre les dirigeants israéliens et leurs homologues internationaux. Un tel accord est basé sur un plan plus substantiel: l'attaque dans la bande de Gaza est justifiée en raison a) Israël est la victime de roquettes palestiniennes, b) Israël réagit toujours car Israël est toujours la victime; c) Israël défend "nos valeurs, "c'est-à-dire la démocratie, la liberté, les droits de l'homme ... et la libre entreprise; d) Israël est prêt à se sacrifier lui-même dans la guerre globale contre la menace islamiste et, par conséquent, mérite reconnaissance internationale.
La sainte croisade pour la défense des droits de l'homme a une particularité intéressante : les uns possèdent le droit de violer chacun des droits de l'homme, au nom des droits de l'homme. A commencer par le droit de vivre. La communauté internationale a donné un feu vert à l'état d'Israël pour massacrer des centaines de femmes palestiniennes, des hommes et des enfants en vue de protéger de l'islam les droits de l'homme dans la bande de Gaza, comme cela se fait en Afghanistan et en Irak.
Ce feu vert, en revanche, a une limite de temps, et dans quelques jours la pression commencera. Les plus habiles des politiciens et des intellectuels en Israël le comprennent et proposent d'arrêter le massacre maintenant, avant d'être obligés de le faire. David Grossman, par exemple, affirme que «Maintenant, après les premières et fortes frappes israéliennes sur Gaza, il serait sage d'arrêter et de dire aux dirigeants du Hamas: jusqu'à samedi dernier, Israël s'est abstenu, malgré les centaines de roquettes Qassam tirées à partir la bande de Gaza. Maintenant vous pouvez comprendre ce que peut être notre réaction ... » (Haaretz, Décembre 12, 2008, ma traduction, MW). Comme ses amis Oz et Yehoshua, David Grossman refuse de comprendre ce que, non seulement les dirigeants du Hamas, mais tous les enfants de la bande de Gaza ont "compris", depuis bien longtemps : la dureté israélienne tout au long des années est faite de frappes aériennes, d'attaques au sol, de bombardements et d'un inhumain état de siège qui dure depuis un an et demi, et la présente agression ne leur apprend rien de nouveau, mais ne fait que renforcer le sentiment qu'Israël n'est pas habité par des êtres humains, mais par des bêtes avec lesquelles aucune paix ne sera jamais possible. Cher David, arrêtez de donner des leçons aux Palestiniens et usez de votre autorité morale pour apprendre à nos dirigeants et notre opinion publique à se comporter comme une entité civilisée, s'ils veulent encore avoir un avenir dans cette région.
Notre appel urgent à l'ensemble des militants de la société civile est qu'ils fassent pression sur leurs gouvernements afin que ceux-ci interviennent pour mettre fin à l'effusion de sang, et d'intervenir maintenant, pas dans quelques jours ! Pour envoyer une force internationale d'interposition et de protection de la population de Gaza. Ils peuvent briser le siège naval israélien de la bande de Gaza, comme la campagne Free Gaza l'a démontré. Ils peuvent envoyer une force de protection, comme la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien en a fait preuve durant ces 8 dernières années.
L'intervention internationale est vitale pour le peuple palestinien, et il faut le faire maintenant, avant qu'il ne soit trop tard !

Jérusalem, le 31 décembre 2008.