dimanche 15 juin 2008

Après le non irlandais


Banderolle de remerciement à L'Irlande pour son "NON" au traité de Lisbonne. A Quimper lors de la manifestation le 14 juin 2008 contre la fermeture de services dans les hôpitaux du Finistère. - Photothèque Rouge/esteban




"Si les Irlandais votent non, il n'y a plus de Traité de Lisbonne, c'est clair"

François Fillon, premier ministre français, la veille du référendum

« C’est un revers pour l’Europe mais ce résultat souligne le besoin urgent d’introduire un volet plus social et plus populaire dans les politiques européennes. Depuis beaucoup trop longtemps, l’Europe n’accorde pas assez d’importance aux attentes et aux droits des travailleurs et des autres citoyens qui se sentent menacés par la mondialisation et la rapidité des changements. Ce message lancé par l’Irlande tout comme celui lancé par la France et par les Pays-Bas il y a quelque temps, doit être pris en compte de façon urgente » a déclaré le Secrétaire Général de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), John Monks.
Dès le non irlandais on a entendu beaucoup de commentateurs discourir sur le fait « qu’une petite minorité » bloquerait le processus européen. Il n’en reste pas moins que chaque fois que les projets de Traité Constitutionnel (le TCE, ou le Traité de Lisbonne) ont été soumis à un peuple par référendum, ils ont été rejetés… Et il y a gros à parier que si d’autres pays avaient consulté leur population, le non aurait aussi obtenu de forts résultats. Il y a de quoi se poser des questions en haut lieu !
Au lieu de cela, ces gouvernements, dont la Belgique, ont préféré consulter une autre « petite minorité » en limitant le débat aux parlementaires : si vénérables et représentatives soient les assemblées parlementaires, cela réduit considérablement le débat. Et le risque de « désinformation » évoqué une nouvelle fois dans le référendum irlandais, argument qu’on ne sert d’ailleurs qu’aux partisans du non, ne peut pas être contourné en supprimant toute information…
Déjà en mars, je publiais dans ce blog une lettre ouverte de Georges Debunne et ses amis, aux parlementaires qui disait notamment : « Une Constitution n’est pas un document de plus que l’on peut facilement jeter à la poubelle. Par ailleurs, dans notre démocratie, le citoyen pouvait s’attendre à ce que le gouvernement ait assuré une large diffusion de ce texte fondamental et que les autorités politiques aient organisé des débats politiques à grande échelle. Or, non seulement il n’a jamais été question d’une consultation populaire mais, de plus, le débat politique est en dessous de tout. Le débat parlementaire lui même risque d’être au niveau zéro à en croire la discussion hâtive et sans esprit critique qui a eu lieu au Sénat, la chambre de réflexion de notre pouvoir législatif.»
En l’absence de débat sérieux, approfondi, identifiant les enjeux, la démocratie se vide et il ne faut pas s’étonner de l’éloignement des populations de la chose politique. A force de se passer de leur avis, car pas assez intelligentes pour comprendre les briques qu’on leur sert (volontairement illisibles ?), on en revient à une sorte de vote censitaire(1) qui ne dirait pas son nom : une minorité de gens riches et instruits a plus de poids et de valeur que tout le peuple.
Cette nouvelle situation de blocage pour l’Europe appelle de nouvelles initiatives pour le monde du travail : d’abord un grand débat démocratique sur l’Europe que nous voulons, la définition d’objectifs sociaux, environnementaux et de démocratie mais aussi des avancées concrètes pour les travailleurs (un salaire minimum européen, un recours contre les restructurations et délocalisations et un socle commun de droits pour les travailleurs qui en sont victimes,…)
A cette sauce-là on redonnera envie aux populations européennes de construire notre Europe.
FRED

(1) En 1830, le vote est censitaire : ne peuvent dès lors voter que les hommes qui pourront payer le cens, ou 'quota d'impôt'. Réservé à une élite qui plus est exclusivement masculine, car on considérait que seuls les individus ayant les capacités (intelligence, niveau économique) d'exercer cette activité peuvent l'exercer : selon cette théorie seuls « les actionnaires de la grande société » seraient suffisamment légitimes pour exercer l'activité de vote. Moins d'un Belge sur cent pouvait voter à cette date.

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