samedi 6 juin 2009

[Le dire ou le faire ?]

En cette période électorale, on est habitué à voir se parer les candidats des plus beaux discours. Ils répondent généralement « oui » à la moindre de vos demandes… Ainsi par exemple, je reçois du MOC, un grand dépliant qui reprend toutes les réponses des 4 partis traditionnels à ses 23 questions. Vous avez déjà calculé, cela fait 92 réponses… et bien il y a 78 réponses positives. Dès lors je m'interroge : est-ce que tous les partis ont la même ligne politique (avec quelques nuances mineures) ? Et quand certains se fâchent (tout rouge) est-ce sincérité ou faux-semblant ? Je ne pense pas qu’il y ait le moindre doute sur les choix du MR même s’il fête le 1er mai et s’est accolé un petit « social »…
Mais les autres, là ? Pour illustrer mes doutes sur leur volonté d’agir, je vais prendre quelques exemples.
[Secret bancaire et Paradis Fiscaux et Juridiques…] Suite aux recommandations de la Commission d'enquête sur la grande fraude fiscale, les socialistes déposent une proposition de loi pour lever le secret bancaire en Belgique. « Aujourd'hui, l'administration fiscale ne peut forcer une banque à dévoiler ses informations que dans des conditions tellement strictes qu'on peut parler sans crainte d'un véritable secret bancaire. En 2007 par exemple, seules 11 demandes de levée du secret bancaire en matière d'impôts sur le revenu ont été adressées aux directeurs régionaux de l'AFER (Administration de la Fiscalité des entreprises et des revenus). L'ISI, l'inspection spéciale des impôts, quant à elle n'a eu aucune levée du secret bancaire. » argumente assez justement le PS.
Voilà pour ce qui est du domaine du « dire ». Mais dans le domaine du « faire » ? Le PS est aujourd’hui dans le gouvernement, et à ce titre a participé à ses décisions concernant Fortis, cédée à BNP-Paribas. L'Etat belge a obtenu 121 millions d'actions BNP Paribas en échange de l'apport d'environ 75% de Fortis Banque, ancienne filiale bancaire belge du géant belgo-néerlandais de la bancassurance Fortis, démantelé après avoir frôlé la faillite à l'automne. Le résultat de cette opération c’est que l’Etat belge (et donc son gouvernement) détient une « minorité de blocage » dans le groupe français. L'Etat belge détient 9,83% du capital de BNP Paribas et 11,59% des droits de vote au terme de l'acquisition de Fortis Banque par l'établissement français, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF). Or BNP-Paribas a créé pas moins de 189 filiales dans des paradis fiscaux (23% du total). Devinez pour faire quoi… De même pour le groupe Dexia : sur les 6,5 milliards d’augmentation de capital, 3 sont à la Charge des Belges, 3 des Français et 0,5 du Luxembourg. Effectuée à travers une augmentation de capital, cette aide passera par une nationalisation de fait, les pouvoirs publics belges et français détenant désormais plus de la moitié du capital de Dexia. Or pour le groupe Dexia, ce sont 33% des filiales (15) qui ont été créées dans des paradis fiscaux… La présence de la Belgique sur la liste grise de l’OCDE des pays non coopératifs en matière d’échange de renseignements, interpelle le PS : « Outre l’image désastreuse que cela donne de notre pays, la Belgique apparait ainsi comme à la traîne de la lutte mondiale contre les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux sont un fléau pour l’économie réelle et les finances publiques, déjà durement touchées par les effets de la crise libérale. La lutte contre les paradis fiscaux suppose une volonté politique forte qui semble faire défaut en Belgique. Pour le PS, la Belgique doit donner l’exemple plutôt que d’être à la traîne. » Alors dès lundi, le PS va t’il agir et s’empresser de mettre la question sur la table du gouvernement ? Avec un tel niveau de pouvoir dans le Capital de ces deux banques (on verra pour les autres après), en principe il ne devrait pas être trop difficile d’exiger de faire toute la lumière sur les fabuleux montants d’argent douteux qui circulent dans ces 200 filiales de groupes renfloués avec nos sous. (1)
[Les Sans-papiers] Ecolo, le PS, le CDH se plaignent souvent de ne pouvoir régler cette question de manière humaine à cause de la droite… Le 18 juin 2008 le Parlement Européen a accepté, à la majorité, la proposition de Directive « Retour ». Ce jour-là, notre valeureuse euro-députée, Giovanna Corda, fit une brillante intervention devant le Parlement Européen à propos de … « l'avenir de la filière ovine et caprine en Europe ».
Rappel sur les dispositions scandaleuses de cette directive :

. la détention peut atteindre 18 mois (32 jours au maximum en France actuellement),
. l’interdiction de retourner sur le territoire européen pendant cinq ans est systématique,
. les migrants illégaux peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine mais aussi vers un pays de transit même s’ils n’ont aucun lien avec ce pays,
. la détention et l’éloignement des mineurs accompagnés ou isolés est permise,
. l’obligation de délivrer des titres de séjour aux personnes gravement malades est supprimée.
Comment ont voté les députés européens du CDH ? Pour la directive ! Dans le groupe PPE, il n’y a eu qu’un seul vote négatif et ce n’était pas un belge. Côté socialiste on estimait ceci : « En l'état, la proposition de directive de la Commission européenne comporte donc toujours un important volet répressif qui vient d'être confirmé et même, à certains égards, durci par les Ministres européens majoritairement de droite. La présence des socialistes belges au gouvernement fédéral a toutefois permis que la Belgique résiste au rouleau compresseur de cette droite européenne soudée dans un mouvement de rejet de l'autre et de repli sur soi consternant, en émettant de sérieuses réserves sur cette proposition de directive ». Au nom du groupe PSE Martine Roure déclarait « le groupe socialiste a déposé un nombre limité d'amendements visant à établir le volet humain de ce texte »… Et pourtant dans le groupe PSE, 82 des 184 présents n’ont pas voté contre la « directive de la honte » (33 pour, 49 abstentions)… Le groupe des verts ne fit guère mieux, peu d’amendements et un vote résigné : à 95% contre, presqu’à regret, la porte-parole des verts déclarant « bien que nous ne soyons pas opposés en théorie à une telle directive, il est certain qu'elle ne répond pas aux normes que nous avions fixées au départ. Et pourquoi n’est-ce pas le cas? Parce que, pour nous, elle empiète sur bon nombre des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises dans nos propres pays. »
Voilà bien où est le problème : les différents partis invoquent souvent les « obligations européennes » pour expliquer leurs renoncemens. Sur cette question des Sans-papiers, faut-il rappeler que socialistes, écolos et cathos ont participé à des gouvernements qui ont construit les camps de rétention pour enfermer des hommes, des femmes et des enfants qui n’ont commis aucun délit… Et si sur cette problématique ils ont voté négativement au Parlement Européen, dans la majorité des cas les tenants de la social-démocratie (rouge, orange ou verte) ont voté avec la droite des textes qu’on traduit en lois nationales, régionales, … qu’ils regrettent ne pas pouvoir contredire « à cause de l’Europe ».
[Quelle Europe ?] C’est l’Europe du Capital, du libre marché, de la dérégulation, du nivellement par le bas. « L’Union européenne que nous subissons, qui généralise les emplois précaires, qui organise la concurrence de tous contre tous, qui favorise le tout nucléaire, le tout camion, le tout OGM, l’agrobusiness, l’atlantisme, c’est autant l’Europe de la social-démocratie que l’Europe de la droite, UMP et Modem confondus. C’est aussi l’Europe des Verts qui ont défendu avec vous le traité constitutionnel et qui approuvent comme vous le traité de Lisbonne, un traité qui rassemble toutes les causes des souffrances présentes. Un traité dont le PS a permis qu’il s’inscrive dans la Constitution de la République si par malheur il est ratifié par les 27. » écrit Raoul Marc Jennar à Martine Aubry. Petit rappel pas inutile pourtant, au Parlement européen, la droite, UMP et Modem, CDH, MR réunis, le PS et les Verts, soutiennent sans réserve la Commission européenne et le Conseil des Ministres en ce qui concerne les politiques de l’OMC et les négociations qui s’y déroulent. Une récente résolution a confirmé ce soutien. Et le PS promet (encore !) l’Europe sociale, en tentant de minimiser sa coresponsabilité dans la construction de cette Europe libérale et capitaliste ? En difficulté sur le terrain européen, il reprend donc la vieille antienne du vote utile (contre Sarkozy en France, contre le MR en Belgique), avec le succès que lui prédisent les sondages. Mais quelle est l’utilité de voter pour un PS dont les votes au Parlement européen en 2008 sont à 97% communs avec la droite ? On comprend mieux pourquoi tous les partis occultent les débats européens au cours de cette campagne.
Changer de cap implique aussi de combattre résolument l’Europe du capital. Pour cela nous devons refonder l’anti-capitalisme radical au niveau européen.
fRED

(1) 50% des flux financiers internationaux transitent par les paradis fiscaux et judiciaires (PFJ), parmi eux des capitaux licites ou illicites qui représentent une véritable hémorragie financière pour les économies des pays en développement. Cette fuite des capitaux n’est pas nouvelle : selon les Nations unies, dans les pays africains de 1960 à 1990 elle a représenté près de deux fois le montant de la dette du continent. Pour chaque euro d’aide au développement versé au continent africain, environ 5 euros en provenance du continent s’abritent sur des comptes off-shore. [voir http://www.argentsale.org/]

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