mardi 28 juin 2011

[Toute la Grèce à Syntagma (Athènes) ! ]

Appel du 26 juin de l’assemblée populaire de la place Syntagma
48 heures dans les rues – Toute la Grèce à Syntagma (Athènes) !
 
Les parcours de notre rassemblement des 28 et 29 Juin.
Nous sommes à quelques heures de la mobilisation que nous allons réaliser dans toute la Grèce les 28 et 29 juin. Tout indique que la grève générale de deux jours peut prendre la dimension d’un soulèvement à travers le pays, un soulèvement qui sera le tombeau du “paquet” de coupes sociales du gouvernement. Cette bataille n’est pas seulement importante pour notre avenir, elle est une lueur d’espoir pour tous les peuples du monde qui veulent prendre leurs vies entre leurs vos mains. C’est le point de départ dans une nouvelle direction.

Le 28 Juin, nous nous concentrerons dès 9 heures sur la Place Syntagma pour attendre l’arrivée de manifestations de travailleurs en grève et nous nous rejoindrons sur la place. À 18 heures, un grand concert populaire commencera et durera jusqu’à la nuit.
Le 29 Juin nous coordonnerons toutes nos forces pour mettre en œuvre l’encerclement total du Parlement. Les Assemblées de la banlieue nord d’Athènes se rassembleront à 8 h du matin au métro Evangelismos. Seront présentes les Assemblées populaires de Agia Paraskevi, Halandri Holargos Papagou Zoographos, Glyka Nera, Pallini, Galatsi, Maroussi, Héraklion, Nea Ionia, Patision, Nea Philadelphia, Gizi, Le Pirée, Ambelokipi-Hôpital de la Croix Rouge, Polygone. Les Assemblées populaires des quartiers Sud et Est se retrouverons à 8 h au stade de Kalimarmaro. Il y aura les assemblées de Nea Smirni, Bironas, Agios Dimitrios, Voula-Vari, Neos Kosmos, Petralona-Thissio-Koukaki, Heleniko. Les quartiers de l’ouest Petropoli. Egaleo, Peristeri, Haidari, Agio Anargyri-Kamateros se rassembleront sur la place Syntagma, (rues de Amalia et B. Sofia). Les syndicats et les assemblées du reste de la Grèce participeront également en différents points de rassemblement
Pour les personnes qui viendront d’autres régions de Grèce des lieux d’hébergement ont été préparés. Pour les personnes qui pour une raison quelconque ne peuvent pas participer à pied aux divers lieux de rassemblements, il est important qu’ils aident l’encerclement avec leurs voitures dès huit heures, et pourront participer à une “manifestation motorisée”. Si des centaines de voitures roulent à des vitesses entre 10 et 20 km/h sur les avenues Kifissia, Mesogeion et Michalakopoulos et reviennent par des itinéraires alternatifs lorsque les agents de la circulation les détourneront, elles pourront créer un énorme problème pour l’accès des députés au Parlement. Nous insistons sur le fait que nous continuons comme nous l’avons fait depuis le 25 mai jusqu’à aujourd’hui, avec notre caractère massif et notre détermination comme principales armes de lutte. Nous demandons instamment à tout le monde de respecter et de conserver cette option.
Au Gouvernement et aux commissaires de la Troïka nous les prévenons : qu’ils ne pensent pas une seconde qu’ils vont réussir à briser notre mobilisation par la répression.
A ce qu’a dit T. Pangalos [vice-premier ministre] qu’il faut choisir entre “le paquet de mesures ou les tanks”, nous lui répondons que “la pomme tombe de l’arbre”, et qu’il se souvienne de son grand-père ! [Le grand-père du vice-premier ministre actuel a été le général responsable du coup d’Etat de 1925 et fut ensuite nommé premier ministre pendant la “dictature de Pangalos” de 1925-1926].
Nous ne partirons pas tant qu’ils ne partent pas, eux et leur “paquet de mesures” Les places sont à nous. La raison est de notre côté.
Nous exigeons l’évidence : LIBERTÉ - JUSTICE - DIGNITÉ
Ayons confiance en notre force. C’est ou nous, ou eux.
Nous sommes condamnés à vaincre. Le paquet des mesures ne passera pas!
Démocratie directe maintenant !
L’assemblée populaire de la place Syntagma, le 26 juin, 2011

vendredi 24 juin 2011

[Grèce : 28 et 29 juin : « Ou nous, ou eux ! »]


Résolution de l’Assemblée de la Place Syntagma (Athènes) du 22 juin
48 heures dans les rues !
Tout le pays à la Place Syntagma. Le Mémorandum ne passera pas !

Appel à toute la Grèce à rejoindre la Place Syntagma pour empêcher le programme d’austérité

Pendant un mois, nous avons inondé les places du pays en luttant pour prendre nos vies entre nos mains. À la fin du mois de juin, notre combat arrive à un tournant. Le gouvernement qui a zéro soutien social tente de faire passer le “Mémorandum” [Ensemble des mesures d’austérité en échange du versement d’un nouveau prêt]. Ce plan ne doit pas passer. Nous ne pouvons pas permettre le pillage de la richesse sociale, nous ne sommes pas prêts de tolérer la misère des plus nombreux pour garantir les profits de quelques-uns. Les manœuvres des médias, les remaniements bidons et les chantages du gouvernement, du FMI, et de l’UE, ne nous trompent pas. Maintenant, nous savons que le dilemme n’est pas entre le “Mémorandum” et la “faillite” parce que le “Mémorandum” mène avec une précision mathématique à la dévastation de la société.
Les syndicats ont appelé à une Grève Générale de 48 heures pendant les deux jours du processus de débats et de vote du Mémorandum au Parlement. Pendant ces deux jours, personne ne doit travailler, consommer ou soutenir la moindre tentative de briser la grève. Dans la matinée du premier jour de la grève, nous nous rassemblerons sur la Place de la Constitution (Syntagma), avec les assemblées populaires de toutes les régions du pays et de tous les quartiers d’Athènes.
Le jour du vote du Mémorandum, nous encerclerons le Parlement et nous enverrons le message qu’il est rejeté par le peuple !
Pendant un mois nous avons montré qu’il n’y a pas d’“impasse” et que nous avons le pouvoir de tracer une voie nouvelle pour la société. Il est maintenant temps de passer à la prochaine grande étape. Maintenant notre heure est venue, maintenant nous parlons !
Ou nous, ou eux - Démocratie directe maintenant !

L’assemblée populaire de la Place de la Constitution (Syntagma),
Athènes, 22 juin 2011

mercredi 22 juin 2011

[Le chaudron grec]

Le chaudron grec par Stathis Kouvélakis
 

[La Grèce] de nouveau à la une de l’actualité internationale : le fait n’a désormais plus rien d’inhabituel. Cette fois-ci il ne s’agit pas simplement de la dette ou des versements de la dite « aide » de l’Union européenne et du FMI, mais des réactions que ces réalités économiques suscitent parmi une population traumatisée par un an de « thérapie de choc » néolibérale.
Place Syntagma Athènes
Là encore, rien d’étonnant : la Grèce a une riche tradition de protestation sociale et d’insurrections. Résistance massive contre l’occupation nazie, luttes contre le féroce Etat policier qui a succédé à la guerre civile de 1944-1949, soulèvement des étudiants et des travailleurs contre le régime militaire en novembre 1973, autant de jalons qui façonnent la mémoire populaire. En décembre 2008, annonçant les mouvements en cours, la jeunesse d’Athènes et des centres urbains se révolte suite au meurtre d’un lycéen par la police, révélant l’étendue du malaise social avant même que n’éclate la crise de la dette.
Les événements de la semaine dernière, et plus particulièrement l’action de rue du 15 juin 2011, qui a fait vaciller le gouvernement, s’expliquent par la conjonction de deux phénomènes. D’une part, une mobilisation syndicale classique, culminant dans une journée de grève générale des secteurs du privé et du public à l’appel des confédérations syndicales bureaucratisées mais encore assez puissantes [1]. Certes, depuis le vote par le Parlement, le 6 mai 2010, du fameux « mémorandum » conclu entre le gouvernement grec, l’UE et le FMI, le pays n’a compté pas moins de 11 journées similaires, avec une participation souvent importante, mais des résultats à peu près nuls. Si cette dernière journée du 15 juin fut un succès impressionnant (de source syndicale, la participation aurait oscillé selon les secteurs de 80 à 100%), et les cortèges imposants, la raison est à chercher du côté d’un nouvel acteur, entré en scène le 25 mai dernier.
Ce jour-là, suite à un appel lancé sur facebook, s’inspirant des « indignés » d’Espagne, des dizaines de milliers de personnes affluent dans les principales places du pays et y restent jusqu’au petit matin. Une foule hétérogène, majoritairement constituée d’électeurs déçus des deux grands partis (conservateur et socialiste) qui alternent au pouvoir depuis plus de trois décennies, descend pour la première fois dans la rue pour clamer sa colère contre le gouvernement et le système politique.
Les mots d’ordre visent avant tout le « mémorandum » mentionné ci-dessus, la « troïka » (UE, BCE, FMI) et les mesures d’austérité qu’elle pilote et qui, en moins d’un an, ont réduit d’un quart les salaires et les retraites (traditionnellement les plus bas d’Europe occidentale après le Portugal), fait monter le taux de chômage officiel à 16,2% et conduit à la faillite hôpitaux, universités et services publics de base.
Peu remarqué jusqu’à récemment par les médias internationaux, alors qu’il est d’une ampleur et d’un enracinement social autrement plus significatifs que son « cousin » espagnol, ce « mouvement des places » comme il se nomme lui-même est assurément différent des formes antérieures de l’action collective.
De là sans doute certains malentendus : ce mouvement ne saurait tout d’abord en aucune façon être réduit à une protestation morale. Il est au contraire révélateur d’une profonde crise de légitimité non seulement du parti au pouvoir, mais du système politique et de l’Etat en tant que tels. Brandissant des drapeaux grecs, parfois accompagnés de drapeaux tunisiens, espagnols ou argentins, le « peuple des places » fait sécession et laisse éclater son ras-le-bol face à la révocation du « contrat social » fondamental entre l’Etat et les citoyens. Comme le proclame la banderole centrale qui barre depuis plusieurs semaines la place centrale d’Athènes, Syntagma, la « place de la Constitution » : « Nous ne sommes pas indignés, nous sommes déterminés ».
C’est en effet une exigence de démocratie réelle, combinée à la prise de conscience que celle-ci est incompatible avec des politiques de démolition sociale, qui constitue le moteur du mouvement en cours. Tous les soirs, sur les places de plusieurs dizaines de villes du pays se tiennent des assemblées populaires massivement suivies d’un type inédit d’activités : circulation de la parole, discussion des propositions préparées par les commissions de travail, décisions sur les modalités et les objectifs des futures actions.
L’espace urbain reconquis devient ainsi le lieu de la contestation et le symbole de cette réappropriation populaire de la politique. Malgré la mise à l’écart des affiliations partidaires, par crainte de manipulations et de divisions stériles, les militants des formations de la gauche radicale affluent rapidement. Les rassemblements du week-end, notamment ceux du 5 juin, rassemblent plusieurs centaines de milliers de manifestants dans tout le pays, dont près de 300.000 à Athènes. Une décantation politique s’opère : dans une ambiance qui rappelle celle des Forums Sociaux Européens de la grande époque, les assemblées appellent à la jonction avec les syndicats et à l’encerclement du parlement (à Athènes) et d’autres bâtiments publics (en province) dans la perspective du vote, prévu pour la fin du mois, du nouveau paquet d’austérité négocié avec l’UE. C’est exactement ce qui se passe lors de cette journée charnière du 15 juin, lorsque la rencontre des cortèges syndicaux et du « peuple des places » prend des allures insurrectionnelles et se heurte à la répression policière, notamment autour du parlement et de la place Syntagma.
Pendant de longues heures, la plus grande confusion s’installe au sommet de l’Etat. Dans une capitale en proie au chaos, le premier ministre Georges Papandréou négocie longuement avec l’opposition de droite la formation d’un gouvernement d’« union nationale » dont lui-même ne ferait pas partie. En fin de soirée, devant une opinion et des médias médusés, il annonce l’échec de ces tentatives et un simple remaniement ministériel [le ministre de la Défense prend la place du ministre de l’Economie].
Mais il est trop tard : ayant lui-même admis l’illégitimité de son pouvoir, affecté par de nouvelles défections de députés de son parti, Papandréou joue la montre, essentiellement préoccupé par le passage en force de l’accord conclu avec l’UE.
Un accord auquel une rue revigorée est plus que jamais déterminée à faire – physiquement – barrage. La crise sociale et économique s’est désormais doublée d’une crise politique généralisée, qui ne saurait être résolue par la convocation d’élections anticipées. Le chaudron grec en ébullition s’approcherait-il du moment de l’explosion ? Les semaines à venir seront décisives. Une chose est sûre : l’onde de choc qui est partie de ce pays ébranle d’ores et déjà en profondeur l’actuel édifice européen.
* Stathis Kouvélakis 
est l’auteur, entre autres, de La France en révolte
(Textuel, 2007). Il enseigne au King’s College (Londres).

Notes
[1] Elles regroupent environ un salarié sur quatre, soit près du triple de la France.

* Paru sur le site de A l’encontre.

[Pour comprendre la dette grecque...]

DEBTOCRACY


Debtocracy International Version par BitsnBytes

Constantin Lapavitsas : « Même si il était démontré que l’intégralité des 350 milliards d’Euros de la dette souveraine grecque étaient légitimes, ce qui ne sera pas le cas, la Grèce ne pourrait de toute façons pas l’honorer. Il faudra donc l’effacer. Si le poids de la dette impose le démantèlement des hôpitaux, de l’éducation, des routes, dans ce cas c’est le cout social qui deviendra insupportable. En substance, le gouvernement dit qu’il va se mettre en défaut de payement vis-à-vis des citoyens grecs. Je ne comprends pas comment un gouvernement socialiste, élu démocratiquement, peut décider de faire défaut à ses citoyens plutôt qu’aux institutions financières. Il n’y a pas d’autre choix, dans les décennies qui viennent, que de ne pas honorer la dette car elle est basée sur le néolibéralisme. Et le comportement néolibéral était un crime contre l’humanité. Personne n’a l’obligation de payer cette dette, parce que cette dette a été accumulée à travers un fonctionnement vicieux du marché. »

dimanche 19 juin 2011

[Un jeune homme brun]

Par Uri Avnery – 10 juin 2011

Le franchissement de la frontière par les réfugiés près de Majdal Shams a provoqué une certaine panique en Israël.

[MON HEROS] de l’année (pour le moment) est un jeune réfugié palestinien brun vivant en Syrie qui s’appelle Hassan Hijazi.
Il était l’un des centaines de réfugiés qui ont manifesté du côté syrien de la frontière du Golan, pour commémorer la Naqba – “catastrophe” – l’exode de plus de la moitié du peuple palestinien du territoire conquis par Israël dans la guerre de 1948. Des manifestants ont franchi la barrière, traversant un champ de mines. Heureusement, aucune mine n’a explosé, peut-être tout simplement étaient-elles trop vieilles.
Ils sont entrés dans le village druze de Majdal Shams, occupé par Israël depuis 1967, où ils se sont déployés. Les soldats israéliens ont tiré, tué et blessé plusieurs d’entre eux. Les autres furent attrapés et immédiatement refoulés vers la Syrie.
Tel Aviv vue depuis Jaffa - printemps 2010
Sauf Hassan. Celui-ci trouva un bus transportant des militants pacifistes israéliens et internationaux qui le prirent avec eux – peut-être se doutaient-ils d’où il venait, peut-être pas. Il n’avait bien sûr pas le type arabe.
Ils le déposèrent près de Tel-Aviv. Il poursuivit son voyage en auto-stop et finalement arriva à Jaffa, la ville où ses grands-parents avaient vécu.
Là, sans argent et sans connaître personne, il essaya de localiser la maison de sa famille. Il n’y arriva pas – l’endroit avait beaucoup trop changé.
Finalement, il parvint à contacter un correspondant de la télévision israélienne, qui l’aida à se rendre à la police. Il fut arrêté et refoulé en Syrie.
Vraiment un remarquable exploit.
[LE FRANCHISSEMENT] de la frontière par les réfugiés près de Majdal Shams a provoqué une certaine panique en Israël.
D’abord il y eut les récriminations habituelles. Pourquoi notre armée n’était-elle pas préparée pour un tel événement ? A qui la faute – au commandement de la zone nord ou au renseignement militaire ?
Derrière toute cette excitation il y avait le cauchemar qui hante les Israéliens depuis 1948 : que les 750.000 réfugiés et leurs descendants, quelque cinq millions de personnes aujourd’hui, se réveillent un jour et marchent sur les frontières d’Israël en provenance du nord, de l’Est et du sud, brisent les barrières et se déversent dans le pays. Ce cauchemar est l’image en miroir du rêve des réfugiés.
Durant les premières années d’Israël, ce fut un cauchemar éveillé. Au moment où Israël a été fondé, il y avait quelque 650.000 habitants juifs. Le retour des réfugiés aurait vraiment balayé le jeune État d’Israël. Plus tard, avec plus de 6 millions de citoyens juifs, cette peur a été refoulée à l’arrière plan – mais elle est toujours là. Des psychologues pourraient dire que cela représente les sentiments refoulés de culpabilité dans le subconscient national.
[CETTE SEMAINE], il y eut une répétition. Les Palestiniens tout autour d’Israël ont déclaré le 5 juin, Jour de la “Naksa”, pour commémorer le “revers” de 1967, quand Israël infligea une spectaculaire défaite aux armées d’Egypte, de Syrie et de Jordanie, renforcées par des éléments des armées irakienne et saoudienne.
Cette fois-ci, l’armée israélienne était prête. La clôture avait été renforcée et un fossé anti-char creusé devant elle. Quand les manifestant ont essayé de franchir la barrière – aux abords de Majdal Shams – ils furent visés par des tireurs d’élite. Quelque 22 personnes furent tuées, de nombreuses dizaines furent blessés. Les Palestiniens racontent que des gens essayant de porter secours aux blessés et de récupérer les morts furent aussi ciblés et tués.
Aucun doute, ce fut une tactique délibérée décidée à l’avance par le commandement militaire après le fiasco du jour de la Naqba, et approuvée par Benjamin Nétanyahou et Ehoud Barak. Comme il fut dit presque ouvertement, les Palestiniens devaient recevoir une leçon qu’ils ne devaient pas oublier, pour leur enlever de la tête toute idée d’action de masse non armée.
C’est l’effroyable rappel d’événements d’il y a dix ans. Après la Première intifada, au cours de laquelle de jeunes lanceurs de pierre et des enfants ont gagné une victoire morale ayant abouti aux accords d’Oslo, notre armée a conduit des exercices pour anticiper la seconde intifada. Celle-ci éclata après le désastre politique de Camp David, et l’armée était prête.
Naplouse - avril 2010
La nouvelle intifada démarra avec des manifestations de masse de Palestiniens non armés. Ils se sont trouvés face à des tireurs d’élite spécialement entraînés. A côté de chaque tireur se tenait un officier qui montrait du doigt les individus qui devaient être visés parce qu’ils ressemblaient à des meneurs. “Le type à la chemise rouge... Maintenant le garçon au pantalon bleu...”
Le soulèvement non armé s’effondra et fut remplacé par des attentats suicides, des bombes au bord de la route et autres actes “terroristes”. Avec eux notre armée était en terrain familier.
Je crains fort que nous soyons en train d’assister encore une fois à la même chose. De nouveau, des tireurs d’élite spécialement entraînés sont au travail, dirigés par des officiers.
Il y a pourtant une différence. En 2001 on nous disait que nos soldats tiraient en l’air. Aujourd’hui on nous dit qu’ils visent les jambes des Arabes. En 2001 les Palestiniens devaient sauter en l’air pour être tués, aujourd’hui, semble-t-il, ils doivent se baisser.
[TOUT CELA] n’est pas seulement meurtrier, mais aussi incroyablement stupide.
Depuis des décennies maintenant, pratiquement toute discussion sur la paix tourne autour des territoires occupés lors de la guerre de 1967. Le Président Mahmoud Abbas, le Président Barack Obama et le mouvement pacifiste israélien parlent tous des “frontières de 1967”. Quand mes amis et moi avons commencé (en 1949) à parler de la solution de deux-Etats, nous aussi, voulions parler de ces frontières. (Les “frontières de 1967” sont, en effet, simplement les lignes d’armistice acceptées après la guerre de 1948).
La plupart des gens, même dans le mouvement de paix israélien, ignoraient totalement le problème des réfugiés. Ils s’imaginaient qu’il avait disparu, ou voulaient le traiter après que la paix entre Israël et l’Autorité palestinienne sera obtenue. J’ai toujours alerté mes amis que ça ne pourrait pas marcher – cinq millions d’êtres humains ne peuvent pas simplement être laissés à la porte. Il ne sert à rien de faire la paix avec la moitié du peuple palestinien et d’ignorer l’autre moitié. Cela ne signifiera pas “la fin du conflit”, quoi qu’il soit établi dans un accord de paix.
Mais à travers des années de discussions, la plupart derrière des portes closes, on est parvenu à un consensus. Presque tous les dirigeants palestiniens ont accepté, soit explicitement, soit implicitement, la formule “une solution juste et acceptée du problème des réfugiés” de sorte que toute solution doit être soumise à l’approbation israélienne. J’ai souvent parlé de cela avec Yasser Arafat, Fayçal al-Husseini et d’autres.
En pratique, ceci signifie qu’un nombre symbolique de réfugiés seront autorisés à retourner en Israël (le nombre exact devant être fixé dans des négociations), les autres devant être réinstallés dans l’Etat de Palestine (qui doit être assez grand et viable pour que ceci soit possible) ou recevront une généreuse indemnité qui leur permettra une nouvelle vie là où ils sont ou ailleurs.
[POUR] rendre cette solution compliquée et pénible plus facile, chacun a été d’accord pour dire qu’il vaudrait mieux traiter la question vers la fin des négociations de paix, après qu’une confiance mutuelle et une atmosphère plus détendue auront été établies.
Et voilà que notre gouvernement arrive et essaie de résoudre le problème avec des tireurs d’élite – non pas comme un dernier recours, mais d’emblée. Au lieu de contrer les protestataires avec les méthodes non létales efficaces, il tue des gens. Ce qui, évidemment intensifiera les manifestations, mobilisera les masses de réfugiés et mettra carrément le “problème des réfugiés” sur la table, au centre de la table, avant même que les négociations aient commencé.
En d’autres termes : le conflit recule de 1967 à 1948. Pour Hassan Hijazi, le petit-fils d’un réfugié de Jaffa, c’est un résultat énorme.
Rien ne pourrait être plus stupide que cette ligne de conduite de Nétanyahou et Cie.
A moins que, bien sûr, ils soient en train de faire ceci consciemment afin de rendre toute négociation de paix impossible.

Article écrit en hébreu et en anglais le 10 juin 2011, publié le mardi 14 juin 2011 sur le site de Gush Shalom – Traduit de l’anglais “A Brown-Haired Young Man” pour l’AFPS : SW