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samedi 19 mai 2012

Syriza ou la percée magistrale d’une expérience unitaire unique et originale

 Syriza ou la percée magistrale d’une expérience unitaire unique et originale
Épouvantail pour « ceux d’en haut », espoir pour « ceux d’en bas », SYRIZA fait une entrée fracassante sur la scène politique de cette Europe en crise profonde.
par  Yorgos Mitralias
Après avoir quadruplé sa force électorale le 6 mai, SYRIZA ambitionne maintenant non seulement de devenir le premier parti de Grèce aux élections du 17 juin, mais surtout de pouvoir former un gouvernement de gauche qui abrogera les mesures d’austérité, répudiera la dette et chassera la Troïka du pays. Ce n’est donc pas une surprise si SYRIZA intrigue fortement au delà de la Grèce, et si pratiquement tout le monde s’interroge sur son origine et sa vraie nature, ses objectifs et ses ambitions.
Cours d'économie, Place Syntagma.
Cependant, SYRIZA n’est pas exactement un nouveau venu dans la gauche européenne. Né en 2004, la Coalition de la Gauche Radicale (SYRIZA) aurait due attirer l’attention des politologues et des médias internationaux ne serait-ce que parce qu’elle était, dès ses débuts, une formation politique totalement inédite et originale dans le paysage de la gauche grecque, européenne et même mondiale. D’abord, à cause de sa composition. Formée de l’alliance de Synaspismos (Coalition), un parti réformiste de gauche de vague origine eurocommuniste ayant de représentation parlementaire, avec une douzaine d’organisations d’extrême gauche, qui couvrent presque tout le spectre du trotskisme, de l’ex-maoïsme et du « movimentisme », la Coalition de la Gauche Radicale constituait déjà à sa naissance une exception à la règle qui voulait –et continue à le vouloir- que les partis plus ou moins traditionnels à la gauche de la social-démocratie ne s’allient jamais avec les organisations d’extrême gauche !

samedi 4 février 2012

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

 Par Sonia MITRALIAS 


Discours prononcé devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : « Les mesures d’austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux".

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.
Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même : Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) résultent efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque sera ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien …en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne… absolument pour rien !
[Mais, comme si tout ça ne suffisait pas], ils persistent à imposer aux Grecs –mais aussi pratiquement à tout le monde- exactement les mêmes politiques qu’eux-mêmes admettent qu’elles ont déjà fait faillite. C’est comme ça qu’on est désormais en Grèce au septième « Mémorandum » d’austérité et de destruction de services publics, après que les six premiers aient fait preuve d’une totale inefficacité ! Et c’est aussi comme çà qu’on assiste au Portugal, en Irlande, en Italie, en Espagne et un peu partout en Europe à l’application de ces mêmes plans d’austérité draconienne qui aboutissent partout au même résultat, c’est-à-dire enfoncer les économies et les populations dans une récession et un marasme toujours plus profonds.
En réalité, des expressions telles que « austérité draconienne » sont absolument insuffisantes pour décrire ce qui est en train de se passer en Grèce. Ce n’est pas seulement que les salariés et les retraités soient amputées de 50% ou même, dans certains cas de 70%, de leur pouvoir d’achat dans le secteur public et un peu moins dans le secteur privé.
C’est aussi que la malnutrition fait déjà des ravages parmi les enfants de l’école primaire ou que même la faim fasse son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines des milliers des SDF misérables, affamés et en haillons. C’est que le chômage atteint désormais 20% de la population et 45% des jeunes. (49,5 pour les jeunes femmes).
Que les services publics soient liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux soient réduits (par décision gouvernementale) de 40%, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y ait plus dans les hôpitaux publics même des pansements ou médicaments de base comme des aspirines.
Que l’État grec ne soit pas encore –en ce janvier 2012 !- en mesure de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé.
Que des dizaines des milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants des maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’État grec leur a coupé les subsides et les médicaments.
Que les tentatives de suicide (réussies et pas) s’accroissent à une vitesse hallucinante comme d’ailleurs les séropositives et les toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités…
Que des millions de femmes grecques se voient maintenant chargées en famille des taches normalement assumées par l’État à travers ses services publics avant que ceux-ci soient démantelés ou privatisés par les politiques d’austérité. La conséquence en est un véritable calvaire pour ces femmes grecques : non seulement elles sont les premières a être licenciées et sont contraintes d’assumer les taches des services publics en travaillant de plus en plus gratuitement a la maison, mais elles sont aussi directement visées par la réapparition de l’oppression patriarcale qui sert comme alibi idéologique au retour forcé des femmes au foyer familiale.
On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessite ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international permet et même oblige expressément les États à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de ses citoyens et non pas au remboursement de ses dettes.
Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »
Alors, notre position, qui est d’ailleurs la position des millions de grecs, est claire et nette et se résume au respect de l’esprit et la lettre du droit international. Les Grecs ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur pour plusieurs raisons.
Primo, parce que l’ONU et les conventions internationales -signées par leur pays mais aussi par les pays de leurs créanciers- intiment à état grec de satisfaire en toute priorité non pas ses créanciers mais plutôt ses obligations envers ses nationaux et les étrangers qui se trouvent sous sa juridiction.
Secundo, parce que cette dette publique grecque ou au moins une part très importante d’elle semble réunir tout les attributs d’une dette odieuse et en tout cas illégitime, que le droit international intime de ne pas rembourser. C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait tout faire non pas pour empêcher (comme l’état grec le fait maintenant) mais plutôt pour faciliter la tache de la Campagne grecque pour l’audit citoyen de cette dette afin d’identifier sa part illégitime qu’il faudrait annuler et ne pas payer.

[Notre conclusion est catégorique] : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en fait partie en tant que premier pas vers la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…

Sonia Mitralias

lundi 4 juillet 2011

[Di Rupo : le show du transformiste]

Fortifie-toi seulement et aie bon courage, en agissant fidèlement
selon toute la loi que Moïse, Mon Serviteur, t'a prescrite ;
ne t'en détourne ni à droite ni à gauche, afin de réussir
dans tout ce que tu entreprendras
Josué 1:7.

Di Rupo : le show du transformiste

"toi et moi nous nous comprenons..."
Au cours des dernières semaines, la presse a minutieusement préparé le terrain. En gros, voici le décor qui est monté en prévision du spectacle que s’apprête à livrer EDR : en toile de fond une « interminable » crise gouvernementale qui « nuit gravement à l’image de notre pays aux yeux des investisseurs ». à droite, une Commission Européenne qui s’époumone « il faut rétablir l’orthodoxie budgétaire ! ». à gauche (enfin, il fallait bien les mettre quelque part…), quelques « grands hommes » (y compris des femmes) attendent en se chamaillant gentiment, le « souverain », de retour de Monaco avec sa famille. Il fait beau, la fenêtre est ouverte et on voit le ciel bleu. On entend une rumeur « automobile » à proximité : c’est le début des vacances, on ne fait plus la file aux portes (des écoles « chics ») de Bruxelles mais aux check-points des festivals et aux péages d’autoroutes… La RTBF rediffuse ses vieilles émissions et le narco-tour vient de débuter. C’est l’été.

Soudain, dans une étincelante lumière, apparaît celui qui « a tellement travaillé » pour « sauver notre pays », celui qui n’a pas hésité à troquer son « poing levé » contre une « main tendue »…
Voilà, à ce stade-là, la salle est sensée applaudir, le spectacle est déjà une remarquable réussite. Il reste à réciter un texte, un peu décalé, dans lequel les « menaces » évoquées ces derniers temps dans la presse, se dégonflent. Rassurant mais déterminé, EDR commente son époustouflante prestation : « au bout de cette longue ligne droite je peux vous dire que le chemin a été long et semé d’embuches que nous sommes parvenus à contourner sans mettre un pied de travers, il n’y avait pas d’alternative, il fallait faire quelques concessions mais nous avons préservé l'essentiel ».

mardi 28 juin 2011

[Toute la Grèce à Syntagma (Athènes) ! ]

Appel du 26 juin de l’assemblée populaire de la place Syntagma
48 heures dans les rues – Toute la Grèce à Syntagma (Athènes) !
 
Les parcours de notre rassemblement des 28 et 29 Juin.
Nous sommes à quelques heures de la mobilisation que nous allons réaliser dans toute la Grèce les 28 et 29 juin. Tout indique que la grève générale de deux jours peut prendre la dimension d’un soulèvement à travers le pays, un soulèvement qui sera le tombeau du “paquet” de coupes sociales du gouvernement. Cette bataille n’est pas seulement importante pour notre avenir, elle est une lueur d’espoir pour tous les peuples du monde qui veulent prendre leurs vies entre leurs vos mains. C’est le point de départ dans une nouvelle direction.

Le 28 Juin, nous nous concentrerons dès 9 heures sur la Place Syntagma pour attendre l’arrivée de manifestations de travailleurs en grève et nous nous rejoindrons sur la place. À 18 heures, un grand concert populaire commencera et durera jusqu’à la nuit.
Le 29 Juin nous coordonnerons toutes nos forces pour mettre en œuvre l’encerclement total du Parlement. Les Assemblées de la banlieue nord d’Athènes se rassembleront à 8 h du matin au métro Evangelismos. Seront présentes les Assemblées populaires de Agia Paraskevi, Halandri Holargos Papagou Zoographos, Glyka Nera, Pallini, Galatsi, Maroussi, Héraklion, Nea Ionia, Patision, Nea Philadelphia, Gizi, Le Pirée, Ambelokipi-Hôpital de la Croix Rouge, Polygone. Les Assemblées populaires des quartiers Sud et Est se retrouverons à 8 h au stade de Kalimarmaro. Il y aura les assemblées de Nea Smirni, Bironas, Agios Dimitrios, Voula-Vari, Neos Kosmos, Petralona-Thissio-Koukaki, Heleniko. Les quartiers de l’ouest Petropoli. Egaleo, Peristeri, Haidari, Agio Anargyri-Kamateros se rassembleront sur la place Syntagma, (rues de Amalia et B. Sofia). Les syndicats et les assemblées du reste de la Grèce participeront également en différents points de rassemblement
Pour les personnes qui viendront d’autres régions de Grèce des lieux d’hébergement ont été préparés. Pour les personnes qui pour une raison quelconque ne peuvent pas participer à pied aux divers lieux de rassemblements, il est important qu’ils aident l’encerclement avec leurs voitures dès huit heures, et pourront participer à une “manifestation motorisée”. Si des centaines de voitures roulent à des vitesses entre 10 et 20 km/h sur les avenues Kifissia, Mesogeion et Michalakopoulos et reviennent par des itinéraires alternatifs lorsque les agents de la circulation les détourneront, elles pourront créer un énorme problème pour l’accès des députés au Parlement. Nous insistons sur le fait que nous continuons comme nous l’avons fait depuis le 25 mai jusqu’à aujourd’hui, avec notre caractère massif et notre détermination comme principales armes de lutte. Nous demandons instamment à tout le monde de respecter et de conserver cette option.
Au Gouvernement et aux commissaires de la Troïka nous les prévenons : qu’ils ne pensent pas une seconde qu’ils vont réussir à briser notre mobilisation par la répression.
A ce qu’a dit T. Pangalos [vice-premier ministre] qu’il faut choisir entre “le paquet de mesures ou les tanks”, nous lui répondons que “la pomme tombe de l’arbre”, et qu’il se souvienne de son grand-père ! [Le grand-père du vice-premier ministre actuel a été le général responsable du coup d’Etat de 1925 et fut ensuite nommé premier ministre pendant la “dictature de Pangalos” de 1925-1926].
Nous ne partirons pas tant qu’ils ne partent pas, eux et leur “paquet de mesures” Les places sont à nous. La raison est de notre côté.
Nous exigeons l’évidence : LIBERTÉ - JUSTICE - DIGNITÉ
Ayons confiance en notre force. C’est ou nous, ou eux.
Nous sommes condamnés à vaincre. Le paquet des mesures ne passera pas!
Démocratie directe maintenant !
L’assemblée populaire de la place Syntagma, le 26 juin, 2011

vendredi 24 juin 2011

[Grèce : 28 et 29 juin : « Ou nous, ou eux ! »]


Résolution de l’Assemblée de la Place Syntagma (Athènes) du 22 juin
48 heures dans les rues !
Tout le pays à la Place Syntagma. Le Mémorandum ne passera pas !

Appel à toute la Grèce à rejoindre la Place Syntagma pour empêcher le programme d’austérité

Pendant un mois, nous avons inondé les places du pays en luttant pour prendre nos vies entre nos mains. À la fin du mois de juin, notre combat arrive à un tournant. Le gouvernement qui a zéro soutien social tente de faire passer le “Mémorandum” [Ensemble des mesures d’austérité en échange du versement d’un nouveau prêt]. Ce plan ne doit pas passer. Nous ne pouvons pas permettre le pillage de la richesse sociale, nous ne sommes pas prêts de tolérer la misère des plus nombreux pour garantir les profits de quelques-uns. Les manœuvres des médias, les remaniements bidons et les chantages du gouvernement, du FMI, et de l’UE, ne nous trompent pas. Maintenant, nous savons que le dilemme n’est pas entre le “Mémorandum” et la “faillite” parce que le “Mémorandum” mène avec une précision mathématique à la dévastation de la société.
Les syndicats ont appelé à une Grève Générale de 48 heures pendant les deux jours du processus de débats et de vote du Mémorandum au Parlement. Pendant ces deux jours, personne ne doit travailler, consommer ou soutenir la moindre tentative de briser la grève. Dans la matinée du premier jour de la grève, nous nous rassemblerons sur la Place de la Constitution (Syntagma), avec les assemblées populaires de toutes les régions du pays et de tous les quartiers d’Athènes.
Le jour du vote du Mémorandum, nous encerclerons le Parlement et nous enverrons le message qu’il est rejeté par le peuple !
Pendant un mois nous avons montré qu’il n’y a pas d’“impasse” et que nous avons le pouvoir de tracer une voie nouvelle pour la société. Il est maintenant temps de passer à la prochaine grande étape. Maintenant notre heure est venue, maintenant nous parlons !
Ou nous, ou eux - Démocratie directe maintenant !

L’assemblée populaire de la Place de la Constitution (Syntagma),
Athènes, 22 juin 2011

mercredi 22 juin 2011

[Le chaudron grec]

Le chaudron grec par Stathis Kouvélakis
 

[La Grèce] de nouveau à la une de l’actualité internationale : le fait n’a désormais plus rien d’inhabituel. Cette fois-ci il ne s’agit pas simplement de la dette ou des versements de la dite « aide » de l’Union européenne et du FMI, mais des réactions que ces réalités économiques suscitent parmi une population traumatisée par un an de « thérapie de choc » néolibérale.
Place Syntagma Athènes
Là encore, rien d’étonnant : la Grèce a une riche tradition de protestation sociale et d’insurrections. Résistance massive contre l’occupation nazie, luttes contre le féroce Etat policier qui a succédé à la guerre civile de 1944-1949, soulèvement des étudiants et des travailleurs contre le régime militaire en novembre 1973, autant de jalons qui façonnent la mémoire populaire. En décembre 2008, annonçant les mouvements en cours, la jeunesse d’Athènes et des centres urbains se révolte suite au meurtre d’un lycéen par la police, révélant l’étendue du malaise social avant même que n’éclate la crise de la dette.
Les événements de la semaine dernière, et plus particulièrement l’action de rue du 15 juin 2011, qui a fait vaciller le gouvernement, s’expliquent par la conjonction de deux phénomènes. D’une part, une mobilisation syndicale classique, culminant dans une journée de grève générale des secteurs du privé et du public à l’appel des confédérations syndicales bureaucratisées mais encore assez puissantes [1]. Certes, depuis le vote par le Parlement, le 6 mai 2010, du fameux « mémorandum » conclu entre le gouvernement grec, l’UE et le FMI, le pays n’a compté pas moins de 11 journées similaires, avec une participation souvent importante, mais des résultats à peu près nuls. Si cette dernière journée du 15 juin fut un succès impressionnant (de source syndicale, la participation aurait oscillé selon les secteurs de 80 à 100%), et les cortèges imposants, la raison est à chercher du côté d’un nouvel acteur, entré en scène le 25 mai dernier.
Ce jour-là, suite à un appel lancé sur facebook, s’inspirant des « indignés » d’Espagne, des dizaines de milliers de personnes affluent dans les principales places du pays et y restent jusqu’au petit matin. Une foule hétérogène, majoritairement constituée d’électeurs déçus des deux grands partis (conservateur et socialiste) qui alternent au pouvoir depuis plus de trois décennies, descend pour la première fois dans la rue pour clamer sa colère contre le gouvernement et le système politique.
Les mots d’ordre visent avant tout le « mémorandum » mentionné ci-dessus, la « troïka » (UE, BCE, FMI) et les mesures d’austérité qu’elle pilote et qui, en moins d’un an, ont réduit d’un quart les salaires et les retraites (traditionnellement les plus bas d’Europe occidentale après le Portugal), fait monter le taux de chômage officiel à 16,2% et conduit à la faillite hôpitaux, universités et services publics de base.
Peu remarqué jusqu’à récemment par les médias internationaux, alors qu’il est d’une ampleur et d’un enracinement social autrement plus significatifs que son « cousin » espagnol, ce « mouvement des places » comme il se nomme lui-même est assurément différent des formes antérieures de l’action collective.
De là sans doute certains malentendus : ce mouvement ne saurait tout d’abord en aucune façon être réduit à une protestation morale. Il est au contraire révélateur d’une profonde crise de légitimité non seulement du parti au pouvoir, mais du système politique et de l’Etat en tant que tels. Brandissant des drapeaux grecs, parfois accompagnés de drapeaux tunisiens, espagnols ou argentins, le « peuple des places » fait sécession et laisse éclater son ras-le-bol face à la révocation du « contrat social » fondamental entre l’Etat et les citoyens. Comme le proclame la banderole centrale qui barre depuis plusieurs semaines la place centrale d’Athènes, Syntagma, la « place de la Constitution » : « Nous ne sommes pas indignés, nous sommes déterminés ».
C’est en effet une exigence de démocratie réelle, combinée à la prise de conscience que celle-ci est incompatible avec des politiques de démolition sociale, qui constitue le moteur du mouvement en cours. Tous les soirs, sur les places de plusieurs dizaines de villes du pays se tiennent des assemblées populaires massivement suivies d’un type inédit d’activités : circulation de la parole, discussion des propositions préparées par les commissions de travail, décisions sur les modalités et les objectifs des futures actions.
L’espace urbain reconquis devient ainsi le lieu de la contestation et le symbole de cette réappropriation populaire de la politique. Malgré la mise à l’écart des affiliations partidaires, par crainte de manipulations et de divisions stériles, les militants des formations de la gauche radicale affluent rapidement. Les rassemblements du week-end, notamment ceux du 5 juin, rassemblent plusieurs centaines de milliers de manifestants dans tout le pays, dont près de 300.000 à Athènes. Une décantation politique s’opère : dans une ambiance qui rappelle celle des Forums Sociaux Européens de la grande époque, les assemblées appellent à la jonction avec les syndicats et à l’encerclement du parlement (à Athènes) et d’autres bâtiments publics (en province) dans la perspective du vote, prévu pour la fin du mois, du nouveau paquet d’austérité négocié avec l’UE. C’est exactement ce qui se passe lors de cette journée charnière du 15 juin, lorsque la rencontre des cortèges syndicaux et du « peuple des places » prend des allures insurrectionnelles et se heurte à la répression policière, notamment autour du parlement et de la place Syntagma.
Pendant de longues heures, la plus grande confusion s’installe au sommet de l’Etat. Dans une capitale en proie au chaos, le premier ministre Georges Papandréou négocie longuement avec l’opposition de droite la formation d’un gouvernement d’« union nationale » dont lui-même ne ferait pas partie. En fin de soirée, devant une opinion et des médias médusés, il annonce l’échec de ces tentatives et un simple remaniement ministériel [le ministre de la Défense prend la place du ministre de l’Economie].
Mais il est trop tard : ayant lui-même admis l’illégitimité de son pouvoir, affecté par de nouvelles défections de députés de son parti, Papandréou joue la montre, essentiellement préoccupé par le passage en force de l’accord conclu avec l’UE.
Un accord auquel une rue revigorée est plus que jamais déterminée à faire – physiquement – barrage. La crise sociale et économique s’est désormais doublée d’une crise politique généralisée, qui ne saurait être résolue par la convocation d’élections anticipées. Le chaudron grec en ébullition s’approcherait-il du moment de l’explosion ? Les semaines à venir seront décisives. Une chose est sûre : l’onde de choc qui est partie de ce pays ébranle d’ores et déjà en profondeur l’actuel édifice européen.
* Stathis Kouvélakis 
est l’auteur, entre autres, de La France en révolte
(Textuel, 2007). Il enseigne au King’s College (Londres).

Notes
[1] Elles regroupent environ un salarié sur quatre, soit près du triple de la France.

* Paru sur le site de A l’encontre.

[Pour comprendre la dette grecque...]

DEBTOCRACY


Debtocracy International Version par BitsnBytes

Constantin Lapavitsas : « Même si il était démontré que l’intégralité des 350 milliards d’Euros de la dette souveraine grecque étaient légitimes, ce qui ne sera pas le cas, la Grèce ne pourrait de toute façons pas l’honorer. Il faudra donc l’effacer. Si le poids de la dette impose le démantèlement des hôpitaux, de l’éducation, des routes, dans ce cas c’est le cout social qui deviendra insupportable. En substance, le gouvernement dit qu’il va se mettre en défaut de payement vis-à-vis des citoyens grecs. Je ne comprends pas comment un gouvernement socialiste, élu démocratiquement, peut décider de faire défaut à ses citoyens plutôt qu’aux institutions financières. Il n’y a pas d’autre choix, dans les décennies qui viennent, que de ne pas honorer la dette car elle est basée sur le néolibéralisme. Et le comportement néolibéral était un crime contre l’humanité. Personne n’a l’obligation de payer cette dette, parce que cette dette a été accumulée à travers un fonctionnement vicieux du marché. »

mardi 3 août 2010

Grèce : Fondation du Comité Grec contre la Dette (CGD)


par CADTM international
 
Le Comité grec contre la Dette a été fondé début juillet 2010 à Athènes. Il est composé de représentants de partis et de mouvements sociaux provenant d'un large éventail de la gauche grecque. Le Comité grec contre la Dette a annoncé sa volonté de travailler étroitement en collaboration avec le réseau international du CADTM. Celui-ci se réjouit de la création d'une organisation sœur en Grèce, épicentre de la nouvelle crise de la dette publique qui affecte tous les pays industrialisés.


 

Déclaration fondatrice du Comité Grec contre la Dette (CGD)
La question de la dette publique joue le rôle central dans l'offensive historique en cours du capital contre le travail, les salariés, les femmes, les jeunes mais aussi contre toute la société. En effet, c'est au nom de la dette et de son remboursement que sont « justifiées » toutes les coupes sans précédent des salaires, des pensions et des indemnités de chômage, ainsi que le démantèlement de la sécurité sociale, l'effondrement et la privatisation méthodiquement programmée des services publics, l'explosion des prix des produits de consommation de première nécessité résultant des hausses successives de la TVA, les licenciements de masse, le refus de prendre en compte réellement le problème climatique et environnemental, l'extrême flexibilisation des travailleurs, la déréglementation du marché du travail qui est en train de se transformer en une véritable jungle, l'abrogation des droits du travail, le refus des droits et libertés démocratiques les plus élémentaires, ou encore la mise en question de la démocratie parlementaire elle-même…

Les responsables de la crise exercent un chantage inouï sur les innombrables victimes de cette crise qui sont contraintes de payer le prix fort. Ce chantage vise à culpabiliser les peuples afin qu'ils acceptent de payer pour un crime pour lequel non seulement ils ne portent aucune responsabilité, mais qui de surcroît a été perpétré exclusivement contre eux !

Les véritables responsables de l'explosion de la dette publique sont les politiques néolibérales des gouvernements de droite et de gauche des dernières décennies, qui ont légalisé et favorisé la fraude fiscale des nantis. Les recettes de l'Etat diminuant énormément à cause de ces politiques, les déficits se creusent et nourrissent une dette publique en constante progression. Cette progression a pris des dimensions effrayantes avec l'explosion de la dernière crise capitaliste, qui est d'ailleurs le produit direct de la même politique néolibérale.

Pourtant, le grand capital et les classes aisées profitent doublement des politiques gouvernementales aux dépens du reste de la société. D'une part, la dette publique, qu'ils ont façonnée, s'avère pour eux une source supplémentaire d'enrichissement facile : la politique fiscale des gouvernements néolibéraux leur permet d'investir leurs surprofits dans le marché des fameux bons d'Etat et de s'enrichir avec des taux d'intérêt outrageusement élevés, grâce auxquels l'Etat espère servir sa dette. Voici donc pourquoi la dette publique et son remboursement constituent un mécanisme de transfert des revenus de « ceux d'en bas » vers « ceux d'en haut », c'est-à-dire un instrument fondamental de la redistribution drastique des richesses en faveur des riches qui deviennent encore plus riches, et aux dépens des salariés et des classes populaires !

Ce hold-up du siècle doit prendre fin, et dans ce but, il s'agit de lutter pour construire tous ensemble, dans l'unité et sans exclusive, un rapport de forces afin d'être en mesure d'imposer à la classe dominante et à ses alliés internationaux la fin des ces politiques inhumaines et barbares.

La constitution du Comité Grec contre la Dette est le premier pas dans cette direction. Si on veut atteindre notre objectif commun, d'autres pas doivent suivre, non seulement dans notre pays, mais aussi dans toute l'Europe et au-delà, car notre problème dépasse la seule échelle nationale et, confrontés à un ennemi de classe international si uni et coordonné, nous ne pouvons y faire face qu'en présentant un front le plus large possible. Le but est donc la constitution d'un mouvement international de masse en vue de la remise en cause et de l'annulation de la dette, tant au Sud qu'au Nord.

C'est pourquoi la collaboration étroite du Comité Grec contre la Dette avec le CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde www.cadtm.org ), qui se bat depuis 20 ans pour libérer les populations du fardeau de la dette qui les condamne au sous-développement et à la misère, marque son intention de contribuer activement a la construction d'un mouvement radical contre la dette aux Balkans et dans toute l'Europe. Un mouvement qui se battra contre la dette au Nord, mais mettra aussi en première ligne de ses priorités la solidarité active envers les peuples du Tiers Monde en lutte depuis des décennies contre la dette au Sud.

La première tâche du Comité sera de combattre la propagande quotidienne qui présente la dette comme un « phénomène naturel », qui constitue un tabou et ne peut pas être contestée. Au contraire, nous pensons que contester la dette constitue le premier pas vers la libération de la société. Les citoyens ont le droit, mais aussi le devoir, de démythifier et de contrôler cette dette, de la passer au scanner pour savoir exactement d'où elle vient, ce qu'elle a financé, qui l'a contractée et qui en profite. En d'autres termes, il s'agit de déterminer les responsables de l'endettement et de les forcer à en assumer le coût.

La réalisation d'un tel audit par les citoyens mobilisés doit contribuer à la mobilisation populaire afin d'obtenir l'annulation d'une dette largement illégitime, odieuse et scandaleuse.


 

En collaboration étroite avec le CADTM, le Comité Grec contre la Dette ambitionne de contribuer activement, ensemble avec d'autres mouvements sociaux, à la création d'un mouvement de masse tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre pays, mouvement qui portera le mot d'ordre « Nous n'allons pas payer Votre crise » et luttera de toutes ses forces contre la dette et les causes de la crise actuelle.



Déclaration en grec