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jeudi 16 février 2012

Eleftherotypia (Liberté de la presse)

Ci-dessous la traduction en français de la « Tribune Libre » de Moissis Litsis, dirigeant du mouvement gréviste des 800 travailleurs et travailleuses du grand quotidien grec Eleftherotypia (Liberté de la presse) qui vient de sortir ce matin. La parution du journal autogéré Les Travailleurs à Eleftherotypia représente un énorme pas en avant. Une telle expérience autogestionnaire dans la Grèce actuelle de la crise cataclysmique sociale, économique et politique constitue un exemple tangible et très visible de ce qui doit etre fait partout ailleurs pour débloquer une situation qui a déjà atteint les limites des luttes défensives les plus radicales.

[Ça y est ! C’est fait ] Les travailleurs d’Eleftherotypia, un des plus grands et plus prestigieux quotidiens grecs, vont de l’avant dans la grande entreprise de l’édition de leur propre journal « Les Travailleurs à Eleftherotypia » !
Depuis le mercredi 15 février, les kiosques dans tout le pays affichent à côté des journaux habituels un journal de plus, écrit par ses propres salariés. Un journal qui ne cherche pas seulement à mettre en évidence la lutte des travailleurs de Eleftherotypia, mais qui veut aussi être un journal d’information complète, spécialement en cette période si critique pour la Grèce.
Les 800 travailleurs et travailleuses à l’entreprise X. K. Tegopoulos, qui édite le journal Eleftherotypia, des journalistes aux techniciens, des nettoyeuses aux employés et aux concierges, sont en grève reconductible depuis le 22 décembre 2011 puisque le patron ne leur verse plus leurs salaires depuis août passé !
Les travailleurs de Eleftherotypia, voyant que le patron demande l’application de l’article 99 du code des mises en faillite, en vue de se protéger de ses créanciers, en réalité ses salariés auxquels il doit un total d’environ 7 millions d’euros en salaires impayés (!), ont décidé parallèlement aux mobilisations et aux actions en justice de faire paraître leur propre journal. Un journal distribué par les agences de la presse dans tout le pays, pour le prix de 1 euro (contre le 1,30 euro qui est le prix habituel des autres journaux), avec comme objectif de soutenir da caisse de grève.
Etant impayés depuis sept mois, les travailleurs et travailleuses de Eleftherotypia sont soutenus par un mouvement de solidarité des diverses collectivités ou même des citoyens isolés qui font des dons en argent ou en espèces (nourriture, couvertures, etc). Avec l’édition de leur propre journal et l’argent de sa vente, ils pourront soutenir financièrement leur grève sans qu’il y ait la moindre médiation de personne : En somme, ils avancent dans une sorte d’autogestion.
Le journal a été confectionné dans un atelier ami, dans une ambiance qui rappelait l’édition d’un journal clandestin, puisque la direction, dès qu’elle a appris que les journalistes vont de l’avant dans leur entreprise d’édition, a coupé d’abord le chauffage, ensuite le système employé par les rédacteurs pour écrire leurs articles et enfin, elle a fermé l’atelier lui-même, bien que pour l’instant l’accès aux bureaux du journal reste libre. Eleftherotypia des Travailleurs a été imprimé dans une imprimerie étrangère à l’entreprise avec l’appui des syndicats des salariés de la presse, parce que les travailleurs de sa propre imprimerie hésitaient à occuper leur lieu de travail.
La direction qui a peur de l’impact de l’édition autogestionnaire du journal, menace de recourir à des actions en justice, elle intimide en menaçant de licencier les membres du comité de rédaction qui ont été élus tout a fait démocratiquement par l’assemblée générale des grévistes. Cependant, le public grec, et pas seulement les lecteurs de Eleftherotypia, attendait avec grand intérêt sa parution – on a été submergé par les messages encourageant les journalistes à éditer seuls le journal – puisque la dictature des marchés est couplée de la dictature des medias qui rendent opaque la réalité grecque. S’il n’y avait pas le climat consensuel cultivé par la plupart des medias en 2010, avec l’argument qu’il n’y avait pas d’alternative quand le gouvernement Papandreou signait le premier Mémorandum dont l’échec patent est reconnu maintenant par tout le monde, on aurait peut être vu le peuple grec se révolter plus tôt pour renverser une politique catastrophique pour toute l’Europe.
Le cas d’Eleftherotypia n’est pas unique. Des dizaines d’entreprises du secteur privé ont cessé depuis longtemps de payer leurs salariés, et leurs actionnaires les ont virtuellement abandonnées en attendant des jours meilleurs… Dans la presse, la situation est même pire. A cause de la crise, les banques ne prêtent plus aux entreprises tandis que les patrons ne veulent pas payer de leur poche, préférant avoir recours à l’article 99 –il y au moins 100 sociétés cotées en bourse qui l’ont déjà fait- afin de gagner du temps en vue de l’éventuelle faillite grecque et de sa probable sortie de la zone euro.
Elefthrotypia a été créée en 1975 comme un « journal de ses rédacteurs » dans la période de radicalisation qui a suivi la chute de la dictature en 1974. Aujourd’hui, dans une époque marquée par la nouvelle « dictature des créanciers » internationaux, les travailleurs et les travailleuses d’Eleftherotypia ont l’ambition de devenir l’exemple lumineux d’une information totalement différente, en résistant à la « terreur » tant du patronat que des barons des medias, qui ne voudraient absolument pas voir les travailleurs prendre en main le sort de l’information.

Moissis Litsis

vendredi 10 février 2012

[Catastroïka]

Catastroïka

Un nouveau documentaire est en préparation en Grèce : « Catastroïka » (voir ici pour soutenir le projet).
Dans le cadre de ce documentaire, une interview de Naomi Klein a été réalisée dont voici un extrait :

Συνέντευξη: Η Naomi Klein για την κυβέρνηση Παπαδήμου from ThePressProject on Vimeo.

Transcription : « Ce qui se passe actuellement en Grèce, ressemble en quelque sorte à ce qui s’est passé en Corée du sud durant la crise asiatique, dans le sens où il y a eut cette guerre évidente avec la démocratie. La Corée du sud était en pleine période électorale quand le FMI a obligé tous les candidats à la présidence à signer l’accord passé avec le FMI. En réalité le FMI a annulé le sens même des élections.
Et peu importe le résultat des élections, l’accord reste inchangé parce qu’ ils redoutaient que celui qui négocie avec le FMI, n’aura pas une grande influence politique pour imposer l’accord et perdra les élections.
C’est le moment ou le masque tombe complétement et où le système des marchés est en guerre avec la démocratie. Les projets du néolibéralisme sont de discréditer la démocratie et de faire en sorte que les élections deviennent une course au candidat le plus populaire. Les marchés veulent de la sécurité. La sécurité que les élections n’amènent aucun changement au statu quo des affaires.
Et il y a beaucoup de mécanismes pour assurer ce statu quo. La soit-disant indépendance de la banque centrale  est un de ces mécanismes avec lequel ils disent : « les hommes politiques ne peuvent pas toucher à nos jouets ».
Dans « la Stratégie du Choc » je raconte que c’est ce qui s’est passé au Chili durant la période transitoire  vers la démocratie. La fin de la dictature de Pinochet est survenue comme le régime Pinochet l’a voulue. C’était une transition contrôlée. Les « Chicago boys » (groupe d’économistes qui ont travaillé avec Pinochet) disaient ouvertement qu’ils allaient réinventer le sens, la définition de la démocratie, vers une démocratie technocratique.
Dans la réalité il s’agit d’une démocratie où l’économie est hors d’atteinte des politiques. Ils ont utilisé des mécanismes constitutionnels, de sorte que tout changement des règles du jeu économique devienne impossible ou illégal. Les programmes de restructuration sont  une des manières d’atteindre leurs buts. Les accords du libre échange en est une autre.
Il y a plusieurs manières de raconter l’histoire du néolibéralisme, comme l’histoire du « comment lier les mains de la démocratie », de sorte qu’elle ne puisse pas inciter le pouvoir à changer l’économie.
La Grèce est considérée comme une nation peuplée d’enfants à qui il faut retirer des mains les clés de la voiture. »

Nous y sommes. La stratégie est bien en place en Grèce depuis quelques années. Le dernier article de Panagiotis Grigoriou, qui revient sur 2 années de choc total, montre bien la ligne de conduite utilisée.
Briser le mécontentement. Assurer "qu’il n’y a pas d’autre solution" quitte à s’asseoir sur la constitution grecque. Laisser la population dans l’incertitude en changeant les règles chaque semaine. Le match d’hier semble terminé. A moins que…

publié sur http://www.okeanews.fr/strategie-choc-grece-interview-naomi-klein/
(transcription : remerciements très chaleureux Panayota pour son aide)

10 février 2012
 Les banques prennent le pouvoir...  

"le FMI a imposé son plan pour ce qui est de la récolte de l'impôt. Plus de 200 centres des impôts fermeront durant 2012, les trois quarts du pays. Désormais, l'impôt et sa perception (ex-élément régalien d'un État qui n'est plus souverain), sera transféré aux banques..."

samedi 4 février 2012

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

 Par Sonia MITRALIAS 


Discours prononcé devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : « Les mesures d’austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux".

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.
Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même : Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) résultent efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque sera ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien …en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne… absolument pour rien !
[Mais, comme si tout ça ne suffisait pas], ils persistent à imposer aux Grecs –mais aussi pratiquement à tout le monde- exactement les mêmes politiques qu’eux-mêmes admettent qu’elles ont déjà fait faillite. C’est comme ça qu’on est désormais en Grèce au septième « Mémorandum » d’austérité et de destruction de services publics, après que les six premiers aient fait preuve d’une totale inefficacité ! Et c’est aussi comme çà qu’on assiste au Portugal, en Irlande, en Italie, en Espagne et un peu partout en Europe à l’application de ces mêmes plans d’austérité draconienne qui aboutissent partout au même résultat, c’est-à-dire enfoncer les économies et les populations dans une récession et un marasme toujours plus profonds.
En réalité, des expressions telles que « austérité draconienne » sont absolument insuffisantes pour décrire ce qui est en train de se passer en Grèce. Ce n’est pas seulement que les salariés et les retraités soient amputées de 50% ou même, dans certains cas de 70%, de leur pouvoir d’achat dans le secteur public et un peu moins dans le secteur privé.
C’est aussi que la malnutrition fait déjà des ravages parmi les enfants de l’école primaire ou que même la faim fasse son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines des milliers des SDF misérables, affamés et en haillons. C’est que le chômage atteint désormais 20% de la population et 45% des jeunes. (49,5 pour les jeunes femmes).
Que les services publics soient liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux soient réduits (par décision gouvernementale) de 40%, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y ait plus dans les hôpitaux publics même des pansements ou médicaments de base comme des aspirines.
Que l’État grec ne soit pas encore –en ce janvier 2012 !- en mesure de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé.
Que des dizaines des milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants des maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’État grec leur a coupé les subsides et les médicaments.
Que les tentatives de suicide (réussies et pas) s’accroissent à une vitesse hallucinante comme d’ailleurs les séropositives et les toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités…
Que des millions de femmes grecques se voient maintenant chargées en famille des taches normalement assumées par l’État à travers ses services publics avant que ceux-ci soient démantelés ou privatisés par les politiques d’austérité. La conséquence en est un véritable calvaire pour ces femmes grecques : non seulement elles sont les premières a être licenciées et sont contraintes d’assumer les taches des services publics en travaillant de plus en plus gratuitement a la maison, mais elles sont aussi directement visées par la réapparition de l’oppression patriarcale qui sert comme alibi idéologique au retour forcé des femmes au foyer familiale.
On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessite ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international permet et même oblige expressément les États à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de ses citoyens et non pas au remboursement de ses dettes.
Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »
Alors, notre position, qui est d’ailleurs la position des millions de grecs, est claire et nette et se résume au respect de l’esprit et la lettre du droit international. Les Grecs ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur pour plusieurs raisons.
Primo, parce que l’ONU et les conventions internationales -signées par leur pays mais aussi par les pays de leurs créanciers- intiment à état grec de satisfaire en toute priorité non pas ses créanciers mais plutôt ses obligations envers ses nationaux et les étrangers qui se trouvent sous sa juridiction.
Secundo, parce que cette dette publique grecque ou au moins une part très importante d’elle semble réunir tout les attributs d’une dette odieuse et en tout cas illégitime, que le droit international intime de ne pas rembourser. C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait tout faire non pas pour empêcher (comme l’état grec le fait maintenant) mais plutôt pour faciliter la tache de la Campagne grecque pour l’audit citoyen de cette dette afin d’identifier sa part illégitime qu’il faudrait annuler et ne pas payer.

[Notre conclusion est catégorique] : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en fait partie en tant que premier pas vers la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…

Sonia Mitralias

dimanche 22 mars 2009

La Belgique offre 2% de son PIB au FMI discrédité

Par Eric Toussaint
Le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a annoncé en marge de la réunion du G20 que "La Belgique contribuera à hauteur de 4 milliards d'euros » au plan concocté par les grandes puissances industrielles pour doter le FMI de nouveaux moyens. Il s’agit de renflouer le FMI avec au moins 250 milliards. L’effort de la Belgique, selon Didier Reynders, représente « 2% de son PIB ». Cet argent viendra des réserves de la Banque nationale. Cette décision est inacceptable.
Avec la crise internationale déclenchée à l'été 2008, tous les dogmes néolibéraux ont été battus en brèche et la supercherie qu'ils représentaient a été mise à jour. Ne pouvant nier son échec, le Fonds monétaire international (FMI) prétend avoir abandonné les politiques néolibérales connues sous le nom de « consensus de Washington ». Bien que discréditée, cette institution profite pourtant de la crise internationale pour revenir sur le devant de la scène.
Alors que la situation économique se détériore rapidement, les grands argentiers du monde s'efforcent de garder la main et de donner à un FMI délégitimé le rôle du chevalier blanc qui va aider les pauvres à faire face aux ravages de cette crise. Or c'est tout le contraire qui se passe. Les principes défendus par le FMI depuis les années 1980 et combattus par le CADTM depuis sa création sont toujours de mise. Les gouvernements qui signent un accord avec le FMI pour se voir prêter des fonds, doivent appliquer toujours les mêmes recettes frelatées qui aggravent la dégradation des conditions de vie des populations.
Sous la pression du FMI dirigé par Dominique Strauss-Kahn, plusieurs pays confrontés aux effets de la crise s’en sont pris aux revenus des salariés et des allocataires sociaux. La Lettonie a imposé une baisse de 15% des revenus des fonctionnaires, la Hongrie leur a supprimé le 13e mois (après avoir réduit les retraites dans le cadre d’un accord antérieur) et la Roumanie est sur le point de s’engager aussi dans cette voie. La potion est tellement amère que certains gouvernements hésitent. C’est ainsi que l'Ukraine a récemment jugé « inacceptables » les conditions imposées par le FMI, notamment le relèvement progressif de l'âge de mise à la retraite et la hausse des tarifs du logement.
Il est temps de dénoncer le double langage du FMI et de Dominique Strauss-Kahn, qui, d’une part, demandent à la communauté internationale d’augmenter les efforts pour atteindre des objectifs de développement du millénaire déjà bien tièdes et, d’autre part, forcent les gouvernements ayant recours à leurs services à baisser les salaires dans la fonction publique. Il s'agit là de l'exact opposé d'une politique destinée à faire véritablement face à la crise en défendant l'intérêt de ceux qui en sont victimes.
Le soutien apporté à cette politique par Didier Reynders, néolibéral impénitent, au nom du gouvernement belge, privera encore plus l’Etat belge des moyens nécessaires pour combattre la crise. Après avoir dilapidé les caisses de l’Etat pour venir en aide aux banquiers voyous et faillis, Didier Reynders veut renforcer les moyens du FMI qui préconise au gouvernement belge de s’attaquer à l’indexation des salaires et des allocations sociales à l’évolution du coût de la vie[1]. En réalité, Didier Reynders est heureux de voir le FMI apporter de l’eau au moulin de la droite qui souhaite depuis des années mettre fin à l’index alors que celui-ci constitue un rempart social très important pour protéger une large majorité de la population. Il se frotte aussi les mains de voir le FMI féliciter le gouvernement belge pour la manière dont il a sauvé les banquiers en octobre 2008. A l’heure où Didier Reynders est de plus en plus mis en cause sur la scène nationale, ce coup de pouce du FMI tombe à pic.
Pour répondre à la crise des années 1930, le président états-unien Franklin Roosevelt avait été amené par la mobilisation sociale à réduire le temps de travail tout en augmentant les salaires, les allocations sociales et les droits des travailleurs, notamment en garantissant le droit de syndicalisation. Avec le New Deal, Roosevelt avait mis en place une réforme fiscale qui augmentait les prélèvements sur le capital. Le libéral Didier Reynders et le socialiste Dominique Strauss-Kahn sont bien loin d’avoir la carrure de Franklin Roosevelt et continuent coûte que coûte de s’attaquer aux victimes de la crise.
Pourtant depuis sa création en 1944, l’obligation de favoriser le plein emploi figure explicitement dans les missions du FMI qui agit donc en violation de ses propres statuts.
Le FMI et Didier Reynders démontrent qu’ils sont des instruments dociles au service de ceux-là mêmes qui ont provoqué la crise financière actuelle. Dans cette période de grande déstabilisation monétaire (comme les variations énormes de parité entre le dollar et l’euro depuis un an), le FMI se révèle incapable de proposer la mise en œuvre d’une taxe de type Tobin-Spahn qui réduirait les variations des cours de change en combattant la spéculation et qui permettrait de réunir enfin les fonds nécessaires pour éradiquer la pauvreté et libérer le développement. Alors que le parlement belge a adopté en juillet 2004 une loi favorable à l’instauration d’une telle taxe, Didier Reynders ne met pas cette question à l’ordre du jour des réunions du FMI ou d’Ecofin car, en réalité, il est opposé à ce type de mesure.
La crise financière et économique mondiale souligne la faillite de la déréglementation des marchés financiers et de l’abandon du contrôle sur les mouvements de capitaux, prônés par le FMI et activement soutenus par Didier Reynders.
Tournant le dos à la politique symbolisée par Didier Reynders, l’Etat doit mettre en œuvre un vaste plan de création d’emplois : rénovation et construction de logements, transports publics, enseignement, santé… Il faut nationaliser Fortis (voire Dexia également) et récupérer le coût du sauvetage effectué en 2008 sur le patrimoine des grands actionnaires et des administrateurs. Nous aurions ainsi un instrument public pour financer des projets socialement utiles, respectueux de la nature, générateurs d’emplois et de revenus, tout en garantissant l’épargne des particuliers. L’Etat doit aussi entamer des poursuites légales notamment contre les grands actionnaires et les administrateurs responsables du désastre financier, afin d’obtenir à la fois des réparations financières (qui vont au-delà du coût immédiat du sauvetage) et des condamnations à des peines de prison si la culpabilité est démontrée. Il faut une nouvelle discipline financière. Il faut ouvrir les livres de compte des entreprises à des audits externes (notamment aux délégations syndicales) et lever le secret bancaire. Il faut règlementer tous les produits financiers. Il faut interdire aux particuliers et aux entreprises d’avoir quelque actif ou transaction que ce soit avec ou dans un paradis fiscal. Il est nécessaire de lever un impôt de crise sur les grandes fortunes. Alors que le capital s’est taillé la part du lion dans le revenu national au cours des 25 dernières années, il faut augmenter fortement la part qui revient aux salaires. L’aggravation de la crise remet à l’ordre du jour des propositions écartées durant la longue nuit néolibérale:
- l’arrêt des privatisations et de la déréglementation pour, au contraire, promouvoir les biens et services publics;
- le transfert d’entreprises privées vers le secteur public, comme la production et la distribution de l’énergie en Belgique, ce qui permettrait de favoriser les énergies renouvelables et de sortir du nucléaire;
- la réduction radicale du temps de travail avec maintien du salaire et embauche compensatoire. Cela permettrait d’améliorer les conditions de travail, de créer de l’emploi de qualité et d’assurer le financement des retraites en augmentant le nombre de cotisants sans allonger l’âge du départ à la retraite.

Eric Toussaint, docteur en sciences politiques, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, http://www.cadtm.org/). Il est coauteur avec Damien Millet du livre 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, CADTM/Syllepse, novembre 2008.