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mardi 14 janvier 2014

[Du foot, de la démocratie, des pintes]


un entretien avec Edgard 

Je vous ai déjà dit comment j’ai rencontré Edgard ? Je l’ai « trouvé » à la « buvette des jeunes » lors du dernier match de l’année. Il y avait beaucoup de monde et il jouait des coudes pour accéder au comptoir (visiblement trop haut, peu adapté pour accueillir « les jeunes »…). Ce sont d’abord mes côtes qui ont fait connaissance avec son coude droit. J’ai regardé le type qui s’agitait ainsi à mes côtés. A première vue, sympa mais bavard. Il avait l’air content. « Quel but le noir là ! » me lance-t-il. Il n’y en n’avait eu qu’un seul (de but) juste avant la fin du match. Je ne pouvais pas me tromper sur l’identité du joueur à féliciter. « Richard Soumah, il avait pourtant l’air au bout du rouleau et puis subitement il retrouve l’énergie d’aller marquer… ».
Voilà, ça c’est le début. Et quelques verres de bière plus tard on discutait encore de foot, de stades, d’équipes, de coups de sifflet, de pelouse et… de démocratie ! Edgard m’expliquait sa « vision du monde »… « Moi, je vois ça comme ça » me dit-il. « Comme un très grand stade. Il y a de très bonnes équipes qui jouent sur le terrain : la nôtre et « les autres ». On doit gagner. Et à chaque but, on gueule comme des fous dans les gradins. La mi-temps c’est comme le Doudou, on boit des pintes. Et la troisième mi-temps c’est le 21 juillet, on boit des pintes. Pour mettre de l’ordre sur le terrain, il y a un type en noir avec un gros sifflet. C’est le premier ministre quoi. Il distribue des cartons jaunes et des cartons rouges. Tu vois le symbole? Rouge, Jaune, Noir. Et pour que notre terrain ne soit pas envahi, les « visiteurs », on les parque dans un coin des tribunes derrière des grilles. On peut en accepter 200 à chaque match, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde... Après le match on ne traîne pas trop, le lendemain on boulote.»
Là, je commençais à avoir du mal à avaler… Dans ma tête, chaque fois qu’il disait « stade », je pensais « Santiago du Chili ». Et les « visiteurs parqués derrière des  grilles » sonnaient du côté de Vottem… Bon je n’allais pas le prendre de front. Je me suis mis à parler de ma conception à moi de « vivre ensemble ».  « Pour moi ce sera une très grande fête. Il y aura du soleil, tous les habitants seront contents de se rencontrer et de parler de choses et d’autres. Toutes les familles vont apporter à boire et à manger (tout ça confectionné avec les fruits et les légumes de leur jardin). On chantera, on dansera. Des gens  venus de très loin nous feront écouter leur musique et nous on essaiera de danser comme eux. Ça va faire rire tout le monde, mais c’est cela le but. Les enfants vont inventer des jeux avec ce qu’ils trouveront sur place. J’en vois déjà courir derrière un pneu qu’ils guident avec un bâton. Cerise sur le gâteau, il n’y aura pas d’entrée à payer, pas d’ « invités VIP » ni des « joueurs-vedettes », sur la pelouse, tous égaux dans notre diversité ».
J’allais lui préciser tout cela, lui parler d’autogestion, du droit de contrôler et de révoquer les élus, de la mise au pas de la finance qui a provoqué tant de crises, de la mise hors d’état de nuire des groupes de l’énergie fossile qui conduisent notre planète à la catastrophe, j’avais encore tant de choses à lui dire... Mais je me suis rendu compte qu’Edgard avait posé sa tête sur ses bras repliés sur la table et dormait. J’étais au moins content de ne pas l’avoir énervé avec mes délires abracadabranstesques.

fRED

chaque lundi, retrouvez Edgard dans mon blog sur www.lcr-lagauche.org/

mardi 7 janvier 2014

[Edgard]



On aurait du commencer par là. Vous présenter Edgard.
« Edgard n’a pas été gâté par la vie. A 17 ans il travaillait déjà… » Bon on arrête là la description de sa monotone existence, on n’est pas en train de faire un billet sur le dernier procès d’assises pour la gazette locale.
Edgard, c’est un pote comme je n’aimerais pas en avoir. Je l’ai inventé de toute pièce pour me convaincre que mes autres potes ne sont pas si cons que ça. Chaque fois que j’ouvre la DH ou une édition locale de Sud-Presse, chaque fois que je me branche sur Vivacité entre 9 et 10h, j’entends Edgard qui parle. Il suffit de le brancher un peu et le voilà réveillé, crachant son éternel bon sens à la tête des lecteurs et auditeurs. Il a un (mauvais) mot pour tout le monde. Les syndicats « qui exagèrent », les fonctionnaires « qui ne foutent rien », les ouvriers « qui ne sont jamais contents », les voisins « qui mettent leur télé trop fort » et « laissent chier leur chien sur mon trottoir », les trains « qui ne sont jamais à l’heure » et les bus « qui sont toujours en grève »…
Edgard sait de quoi il parle : « moi monsieur, mon père était ouvrier ! », « et ma mère fonctionnaire », « quand j’étais jeune j’étais révolutionnaire »…
Pourtant Edgard est un type très apprécié au café où ses amis du Club « Les Supporters Savent Pourquoi » se retrouvent pour la 3ème mi-temps. Surtout quand c’est lui qui paie la tournée. Il a une admiration profonde pour ceux qui ont réussi « grâce à leur travail » comme Grégoire de Spoelberch[1], et Les Taureaux d'Or[2] Eden Hazard et Axel Witsel[3], les piliers de la Jupiler League, la Troïka du ballon rond. Edgard a toujours été sportif. Le lundi matin, il délaisse les forums en ligne et le courrier des lecteurs de La Lanterne pour se jeter dans la Gazette des Sports. Il « n’est pas raciste, d’ailleurs… » il apprécie Marco Materazzi, Company, Lukaku et Fellaini. Il ne comprend pas le flamand mais il est d’accord avec Bart De Wever quand il déclare "Nil volentibus arduum".
Vous allez me dire que là, j’aggrave son cas. Non il est comme ça, Edgard. Normal quoi…
fRED



[1] « Grégoire de Spoelberch, un des actionnaires des familles historiques du brasseur AB InBev, a de nouveau vendu un paquet d'actions du brasseur belgo-brésilien, lit-on sur le site de la CBFA, régulateur belge de la finance. Membre du conseil d'administration d'AB InBev, Grégoire de Spoelberch a vendu 100.000 actions pour une valeur de 4,3 millions d'euros via sa firme d'investissement GDS Consult. Ces dernières années, la famille de Spoelberch a vendu des milliers d'actions. En décembre 2009, 100.000 actions avaient déjà été vendues, suivies par 200.000 actions au début de l'année. Les trois familles actionnaires historiques du géant brassicole, Spoelberch, Mévius et Vandamme, sont considérées comme les plus riches de Belgique. » - In http://trends.levif.be/economie/actualite/people/un-peu-plus-riche-encore-grace-a-ab-inbev/article-1194828234412.htm#
[2] Le Taureau d'Or représente le prix du meilleur buteur de la Jupiler Pro League.
[3] Eden Hazard transféré de Lille à Chelsea pour 40 millions d'euros Axel Witsel du Benfica au Zénit aussi pour 40 millions d'euros

Retrouvez Edgard chaque lundi sur www.lcr-lagauche.org
Image générée avec  monoface