Roger est un ami. L’autre jour j’ai eu une très intéressante discussion avec lui, quoique bien brève.
Il me disait à quel point il n’était pas d’accord avec moi.
Je sortais de discussions assez virulentes avec d’autres proches et c’est peut-être ce qui m’a poussé à me remettre en question (les mauvaises langues sont déjà en train de dire que « c’est bien la première fois »…). Sa douce critique sonnait comme une invitation au dialogue.
J’ai consulté une autre de mes connaissances, Lepetit Robert, qui n’a pas dissipé mes doutes. S’agissant de plusieurs millions de milliards de dollars, vous comprendrez que j’essaie de savoir si le capitalisme est en crise (en gros c’est mon opinion –mais elle ne se limite pas là, je n’ai pas le fétichisme des mots-) ou si c’est « krisis » qui dicte sa loi. Car Lepetit Robert prétend que le mot « Crise » vient du grec « Krisis » qui veut dire « décision ». Or Roger me disait justement que je me trompais en employant le mot « Crise » car, selon lui, les graves perturbations que connaît aujourd’hui le système sont la conséquence de « décisions », d’une Décision/Krisis.
Comme je ne saurais rester en crise longtemps avec des camarades, j’ai bafouillé quelque peu, j’ai expliqué à Roger qu’il avait en partie raison et que c’était pour simplifier les choses que j’employais le terme « Crise », car il parle mieux « aux gens ». Roger, lui aussi poli et compréhensif, me parlais des dégâts de la décision et là-dessus nous étions d’accord : la crise va faire des dégâts. « 210 millions de chômeurs dans le monde fin 2009 », a indiqué le directeur général du BIT Juan Somavia, soit 20 millions de plus qu’en 2007.
Comme vous le voyez notre désaccord n’est pas aussi profond que ça : dire « crise de régime » ou « régime de crise », l’essentiel n’est-il pas de nous mettre d’accord pour riposter tous ensemble ?
fRED
P.S. : ce n’était pas Roger…
lundi 20 octobre 2008
jeudi 16 octobre 2008
22,2 MILLIARDS D'EUROS PAR AN POUR ÉRADIQUER LA FAIM
La FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et pour l'agriculture, compte 925 millions de malnutris à travers la planète, soit 75 millions de plus qu'avant la crise alimentaire du printemps dernier. Elle demande 30 milliards de dollars (22,2 milliards d'euros) par an pour mettre fin durablement au problème de la malnutrition.
mercredi 15 octobre 2008
50 fois le produit mondial brut !
p a r D a n i e l R i c h a r d
Comment expliquer que le monde financier puisse s’écrouler aussi sûrement que deux tours un 11 septembre ?
En soulignant d’abord la mesure de sa démesure.
Les banques du monde se sont échangées, en 2005, des valeurs pour un montant équivalent à 50 fois le produit mondial brut (la somme des richesses créées cette même année par l’ensemble des pays). Soit quelque 2,02 millions de milliards de dollars. Vertige…
L’actuelle méfiance entre les acteurs a tendance à ralentir, à figer ces transactions et à asphyxier progressivement l’activité économique sur le marché des biens et des services.
Et que représente cette économie réelle face à l’infinie étendue de pognon ? Environ… 2% ! Arrêtons-nous deux secondes. Une taxe sur ces transactions interbancaires de 0,01% ramènerait assez de moyens pour solutionner dix fois le problème de la faim dans le monde. En le réglant une fois, on serait déjà content !
Un capitalisme d’endettés
L’activité financière (immatérielle, irréelle ?) se déploie sur trois « marchés » : celui des bourses (5%), celui des changes (27% environ) et celui des produits dérivés (…63%).
Les bourses, on voit bien. Les échanges de monnaies aussi. Mais les produits dérivés, c’est quoi ? De « nouveaux » instruments financiers qui se sont développés et multipliés au départ de la libéralisation des marchés financiers (merci Reagan, merci Thatcher !). Ils ont trois caractéristiques : leur valeur varie en fonction de l’évolution d’un produit (dit « sous-jacent »), il ne requiert pratiquement aucun investissement réel au départ de la transaction et son paiement (sa « réalisation ») s’effectue à une date ultérieure. Pour le dire autrement, les produits dérivés sont les nouveaux outils des nouvelles spéculations. Ils sont des contrats passés entre vendeurs et acheteurs qui fixent à un moment le prix d’une valeur à payer plus tard. Cette valeur peut être de la matière première ou plus souvent des actions, des obligations, des bons d’Etat, des contrats à terme, des indices boursiers, des titres…
C’est sur ce marché que se développent les bulles dont l’éclatement (l’adéquation entre les fantasmes financiers et la réalité économique) produit une crise. Nous en avons traversé des dizaines au cours des dernières décennies. L’actuelle semble atypique : structurelle, globale et durable. Son origine est double : une surproduction de capital et les contradictions internes du moteur de la mondialisation, l’économie américaine.
Aux USA, le recul du pouvoir d’achat des travailleurs a été compensé par un endettement généralisé des ménages (notamment…). En vivant à crédit, les Américains ont soutenu la consommation et donc la croissance de l’économie chinoise caractérisée par l’exportation de produits manufacturés bon marché et… l’exploitation des travailleurs chinois. Les Etats-Unis sont la seule économie à pouvoir vivre indéfiniment à crédit grâce à l’épargne du reste du monde (Japon, Chine, pays pétroliers du Golfe). Simplement parce que le dollar reste la monnaie dominante des échanges internationaux.
Explosion des profits privés
Depuis les années 80, la part du capital dans les richesses produites croît au détriment des revenus du travail. Les profits augmentent plus rapidement que la croissance économique. Dans le même temps, les investissements dans la modernisation des outils, dans la recherche et le développement, dans la formation se sont stabilisés. L’écart avec l’évolution des bénéfices alimente les marchés financiers avec une masse croissante de capitaux. En 2001, quand la baudruche des nouvelles technologies s’est brutalement dégonflée, une autre masse de capitaux a dû trouver de nouveaux débouchés. L’immobilier américain s’est avéré un oasis profitable. Des sommes folles ont été prêtées à de pauvres diables par des banquiers véreux qui savaient pertinemment qu’ils n’étaient pas solvables. Pas graves ? Quand les propriétaires pauvres ne pourraient plus faire face au remboursement de leurs emprunts à taux variable, la revente de leur toit rembourserait la mise et plus encore puisque l’immobilier était à la hausse. Et ceci n’était qu’une partie du calcul. En effet, ces emprunts pourris ont ensuite fait l’objet d’une titrisation : une technique qui permet aux organismes de crédits de transformer les créances en titres négociables sur le marché financier. L’objectif était de répartir les risques entre différents agents économiques. Leur dissémination a renforcé l’opacité du processus. Si bien qu’aujourd’hui, personne ne sait précisément où ces bombes à retardement se trouvent. Et comme le marché immobilier s’est retourné, les bonnes affaires sont devenues des crédits pourris.
La crise de solvabilité des établissements de crédits hypothécaires a ainsi migré vers le secteur bancaire. Les banques ne parvenant plus à se refinancer sur le marché interbancaire, une crise de liquidité d’abord a produit une crise du crédit qui infecte l’économie réelle, handicapant les entreprises, suscitant une récession et aggravant le chômage.
Pourquoi les Etats ont-ils été appelés à la rescousse ?
Ils n’ont pas joué au « valet noir ». Ils n’ont pas dans leurs avoirs de titres vérolés. Leur intervention restaure une forme de confiance en garantissant le sauvetage des banques menacées et permet ainsi aux capitaux de circuler à nouveau. Les pertes seront ainsi socialisées.
Daniel Richard

En soulignant d’abord la mesure de sa démesure.
Les banques du monde se sont échangées, en 2005, des valeurs pour un montant équivalent à 50 fois le produit mondial brut (la somme des richesses créées cette même année par l’ensemble des pays). Soit quelque 2,02 millions de milliards de dollars. Vertige…
L’actuelle méfiance entre les acteurs a tendance à ralentir, à figer ces transactions et à asphyxier progressivement l’activité économique sur le marché des biens et des services.
Et que représente cette économie réelle face à l’infinie étendue de pognon ? Environ… 2% ! Arrêtons-nous deux secondes. Une taxe sur ces transactions interbancaires de 0,01% ramènerait assez de moyens pour solutionner dix fois le problème de la faim dans le monde. En le réglant une fois, on serait déjà content !
Un capitalisme d’endettés
L’activité financière (immatérielle, irréelle ?) se déploie sur trois « marchés » : celui des bourses (5%), celui des changes (27% environ) et celui des produits dérivés (…63%).
Les bourses, on voit bien. Les échanges de monnaies aussi. Mais les produits dérivés, c’est quoi ? De « nouveaux » instruments financiers qui se sont développés et multipliés au départ de la libéralisation des marchés financiers (merci Reagan, merci Thatcher !). Ils ont trois caractéristiques : leur valeur varie en fonction de l’évolution d’un produit (dit « sous-jacent »), il ne requiert pratiquement aucun investissement réel au départ de la transaction et son paiement (sa « réalisation ») s’effectue à une date ultérieure. Pour le dire autrement, les produits dérivés sont les nouveaux outils des nouvelles spéculations. Ils sont des contrats passés entre vendeurs et acheteurs qui fixent à un moment le prix d’une valeur à payer plus tard. Cette valeur peut être de la matière première ou plus souvent des actions, des obligations, des bons d’Etat, des contrats à terme, des indices boursiers, des titres…
C’est sur ce marché que se développent les bulles dont l’éclatement (l’adéquation entre les fantasmes financiers et la réalité économique) produit une crise. Nous en avons traversé des dizaines au cours des dernières décennies. L’actuelle semble atypique : structurelle, globale et durable. Son origine est double : une surproduction de capital et les contradictions internes du moteur de la mondialisation, l’économie américaine.
Aux USA, le recul du pouvoir d’achat des travailleurs a été compensé par un endettement généralisé des ménages (notamment…). En vivant à crédit, les Américains ont soutenu la consommation et donc la croissance de l’économie chinoise caractérisée par l’exportation de produits manufacturés bon marché et… l’exploitation des travailleurs chinois. Les Etats-Unis sont la seule économie à pouvoir vivre indéfiniment à crédit grâce à l’épargne du reste du monde (Japon, Chine, pays pétroliers du Golfe). Simplement parce que le dollar reste la monnaie dominante des échanges internationaux.
Explosion des profits privés
Depuis les années 80, la part du capital dans les richesses produites croît au détriment des revenus du travail. Les profits augmentent plus rapidement que la croissance économique. Dans le même temps, les investissements dans la modernisation des outils, dans la recherche et le développement, dans la formation se sont stabilisés. L’écart avec l’évolution des bénéfices alimente les marchés financiers avec une masse croissante de capitaux. En 2001, quand la baudruche des nouvelles technologies s’est brutalement dégonflée, une autre masse de capitaux a dû trouver de nouveaux débouchés. L’immobilier américain s’est avéré un oasis profitable. Des sommes folles ont été prêtées à de pauvres diables par des banquiers véreux qui savaient pertinemment qu’ils n’étaient pas solvables. Pas graves ? Quand les propriétaires pauvres ne pourraient plus faire face au remboursement de leurs emprunts à taux variable, la revente de leur toit rembourserait la mise et plus encore puisque l’immobilier était à la hausse. Et ceci n’était qu’une partie du calcul. En effet, ces emprunts pourris ont ensuite fait l’objet d’une titrisation : une technique qui permet aux organismes de crédits de transformer les créances en titres négociables sur le marché financier. L’objectif était de répartir les risques entre différents agents économiques. Leur dissémination a renforcé l’opacité du processus. Si bien qu’aujourd’hui, personne ne sait précisément où ces bombes à retardement se trouvent. Et comme le marché immobilier s’est retourné, les bonnes affaires sont devenues des crédits pourris.
La crise de solvabilité des établissements de crédits hypothécaires a ainsi migré vers le secteur bancaire. Les banques ne parvenant plus à se refinancer sur le marché interbancaire, une crise de liquidité d’abord a produit une crise du crédit qui infecte l’économie réelle, handicapant les entreprises, suscitant une récession et aggravant le chômage.
Pourquoi les Etats ont-ils été appelés à la rescousse ?
Ils n’ont pas joué au « valet noir ». Ils n’ont pas dans leurs avoirs de titres vérolés. Leur intervention restaure une forme de confiance en garantissant le sauvetage des banques menacées et permet ainsi aux capitaux de circuler à nouveau. Les pertes seront ainsi socialisées.
Daniel Richard
dimanche 12 octobre 2008
Wikipedia avait prédit l’accident…

« L'accident est dû à une vitesse excessive. Jörg Haider roulait à 142 km/h, au lieu de 70 km/h autorisés. Le véhicule, une Volkswagen Phaéton V6 de fonction, était neuf et en parfait état et "toute spéculation sur une autre cause d'accident est caduque", a déclaré dimanche le procureur Gottfried Kranz à l'agence APA. » (Télévision Suisse Romande)
Voici ce que dit Wikipedia à propos de Phaéton : « Présomptueux, il aimait se vanter de ses origines divines. Il rejoignit donc la Porte du Soleil pour y retrouver son père. Celui-ci lui promit d'exaucer n'importe lequel de ses vœux. Il lui demanda alors de le laisser conduire son char pour une journée. Lié par la promesse faite au nom du Styx, Hélios ne put que l'honorer. Mais le char, tiré par de fougueux chevaux ne pouvait, en théorie, être maîtrisé par un mortel. Hélios tenta, en vain, de dissuader son fils de le conduire.
Phaéton prit les rênes mais, effrayé par les animaux représentant les signes du zodiaque, il perdit la maîtrise de l'attelage qui sema un désordre indescriptible, menaçant de détruire la planète. Zeus le foudroya et il mourut sur le coup.
A force de pleurer sa mort, ses sœurs, les Héliades, furent transformées en peupliers et son frère de sang Cycnos métamorphosé en cygne. »
Voici ce que dit Wikipedia à propos de Phaéton : « Présomptueux, il aimait se vanter de ses origines divines. Il rejoignit donc la Porte du Soleil pour y retrouver son père. Celui-ci lui promit d'exaucer n'importe lequel de ses vœux. Il lui demanda alors de le laisser conduire son char pour une journée. Lié par la promesse faite au nom du Styx, Hélios ne put que l'honorer. Mais le char, tiré par de fougueux chevaux ne pouvait, en théorie, être maîtrisé par un mortel. Hélios tenta, en vain, de dissuader son fils de le conduire.
Phaéton prit les rênes mais, effrayé par les animaux représentant les signes du zodiaque, il perdit la maîtrise de l'attelage qui sema un désordre indescriptible, menaçant de détruire la planète. Zeus le foudroya et il mourut sur le coup.
A force de pleurer sa mort, ses sœurs, les Héliades, furent transformées en peupliers et son frère de sang Cycnos métamorphosé en cygne. »
vendredi 10 octobre 2008
Etienne de Callataÿ, l’expert ami-ami

Côté « experts » les télés ne savent plus qui interviewer. Finalement elles en ont trouvé un : Etienne de Callataÿ. RTL à 13h05, RTBF à 13h35.
Il y a quelques jours j’ai entendu un de ses commentaires sur RTL-TV à propos de la récession.
Ahurissant !
« Il faut voir que les coûts de cette récession ne seront pas répartis de manière uniforme sur l’ensemble de la population. Il est logique que quand ça va mal, les personnes qui ont des revenus plus variables, mais souvent plus élevés, souffrent davantage et que l’allocataire social qui a des rémunérations ou des revenus plus faibles souffre moins de cette diminution d’activités. »
Attention « l’expert » ne parle pas de solidarité mais constate que les riches risquent de souffrir (les pauvres !).
J’ai retrouvé d’autres perles du bonhomme. Comparant l’évolution économique de l’Italie et de l’Allemagne, il déclarait au site PME/KMO Business : « lequel de ces deux pays vous semble le mieux tourner aujourd’hui ? L’Allemagne bien sûr. Et cette situation, l’Allemagne la doit à la politique de rigueur qu’elle a maintenue au niveau du Deutsche Mark. Que va faire l’entreprise exportatrice allemande si elle découvre que taux de change s’apprécie ? Et bien, elle rejettera tout simplement les revendications des syndicats jusqu’à l’année suivante… »
Et à l’Echo il livrait en avril une autre de ses expertes et clairvoyantes réponses : « La question en or reste: quand les marchés vont-ils remonter? S'il préfère rester prudent, Etienne de Callataÿ reconnaît que le tournant sera le 3ème trimestre de cette année, car c'est à ce moment que, du fait de l'échéance des contrats, les dernières difficultés liées à la crise du subprime seront levées. »
fRED
L'économie belge est officiellement en récession. sur RTL
mercredi 8 octobre 2008
Economie réelle ou capitalisme financier ?

Dans les débats engendrés par la crise financière, on a entendu à de multiples reprises opposer les concepts «d’économie réelle» et de «capitalisme financier». A l’un l’on concède un sens moral, tandis qu’on condamne l’autre pour son égoïsme forcené. Ainsi par exemple les responsables de l’Internationale Socialiste réunis à New York «...ont aussi plaidé pour un retour de la finance à l'économie réelle, une économie qui doit œuvrer à un développement durable et solidaire, qui doit produire des investissements et créer de l'emploi ».
Une note de l’Institut Emile Vandervelde va dans le même sens : « Pour le PS, l’économie a d’abord et avant tout pour but de produire des biens et des services en vue de satisfaire les besoins des GENS, des entreprises et des pouvoirs publics. Cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations. (…)En ce sens, l’économie financière doit être au service de l’économie réelle. » [1]
A première vue le raisonnement semble séduisant. Il « suffirait » que le capitalisme redevienne industriel, de production (de biens, de services,…) et de discipliner son aile financière pour lui rendre sa morale.
Elio Di Rupo a beau se fâcher tout rouge contre les « spéculateurs voyous », et promettre qu’après la crise on mettra sur pied une commission d’enquête, son analyse des responsabilités fondamentales semble un peu courte. En tout cas elle n’est pas bien différente de celle de Charles Michel qui se fâche tout bleu sur les « spéculateurs qui ont dépassé les limites »
Il me semble que les questions auxquelles il faut répondre sont : la « virtualité », la spéculation, la recherche du profit rapide, sont-elles des accidents ou des caractéristiques du système capitaliste ?
Le capitalisme réel a-t’il pour vocation de « permettre l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations » ?
Pour illustrer les réponses possibles à ces questions, je vais vous résumer l’histoire récente de deux grands groupes industriels : Halliburton et Eternit.
HALLIBURTON
Halliburton est passée du 19e rang des fournisseurs de l'armée américaine en 2002 au premier en 2003 après avoir bénéficié de juteux contrats dans des conditions douteuses, notamment pendant la guerre d'Irak.
Le président de la commission de contrôle du gouvernement à la Chambre des représentants, Henry Waxman, dénonça ces marchés attribués sans appels d'offres à l'entreprise Halliburton et sa filiale KBR. Le directeur de KBR de l'époque, Al Neffgen, a comparu devant la Chambre des représentants en 2004 pour défendre les surfacturations effectuées par Halliburton sur les services fournis à l'armée.
En février 2007, le scandale de l'hôpital Walter Reed se développa à propos des conditions d'accueil des blessés de la guerre d'Irak. Or, une lettre de septembre 2006 par laquelle l'adjoint du général Weightman évoquait "un risque de défaillance des services de soins" en raison de la pénurie de personnel consécutive à une privatisation des services généraux de l'hôpital.
Cette privatisation a été réalisée par un contrat de 120 millions de dollars sur cinq ans pour assurer les services non médicaux et la maintenance des locaux. Ce contrat a été octroyé à l'entreprise IAP, dirigée par Al Neffgen, ancien responsable de KBR, filiale d'Halliburton.
Halliburton a aussi obtenu des contrats de reconstruction à La Nouvelle-Orléans après le passage du cyclone Katrina en 2005. Et tout le monde sait que la reconstruction a donné lieu à un vaste remembrement tout au profit des grands groupes et des habitants les plus riches.
ETERNIT
Début de cette année s’est ouvert en Italie le procès des responsables de la société. Au terme d’une instruction qui aura duré cinq ans, le procureur de Turin a demandé la mise en examen des propriétaires et actionnaires d’Eternit, responsables du drame de l’amiante en Italie : le Suisse Stephan Schmidheiny (Stephan Schmidheiny, qui vit au Costa Rica, est la cinquième fortune suisse. Un staff d’une dizaine d’avocats travaille à plein temps pour lui) et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne. Ils risquent douze ans de prison et des amendes de plusieurs milliards d’euros. Trouvé dans la presse, cette déclaration de Me Sergio Bonetto, avocat des victimes italiennes de l’amiante « Par le nombre impressionnant de plaintes reçues, ce procès rend lisible l’ampleur du drame de l’amiante. Pour la première fois, ce sont de hauts dirigeants qui comparaîtront, et non plus des directeurs italiens ou suisses. Enfin, ce procès a également une dimension internationale : Eternit, c’était 72 centres de production, répartis dans le monde entier, que s’étaient partagés ces grandes familles suisse, belge et française !
(…) Pour leur malchance, les industriels suisses sont des gens méticuleux : tout était noté, centralisé. Par exemple, nous avons les preuves que, en Suisse, tous les échantillons d’amiante étaient contrôlés et que les productions étaient paramétrées en fonction des normes d’empoussièrement, variables selon les pays. »
De 1906 à sa liquidation en 1976, l’usine Eternit de Casale Monferrato (qui utilisait l’amiante bleue) a employé plus de 30.000 personnes. A peine 300 ont été indemnisées...
Le panorama complet des maladies dues à l’amiante est connu depuis 1960, en particulier en ce qui concerne son caractère cancérogène. Les scientifiques prévoient pourtant près de 500.000 décès dans les 30 années à venir en Europe occidentale et plus d’1 million dans le tiers-monde car la consommation d’amiante dans le monde n’a jamais été aussi forte.
Les milliers de pages accusatrices des nombreux rapports, officiels ou indépendants, les manifestations, procès, règlements, directives, fonds divers d’indemnisation des victimes, tout cela n’est pas parvenu à « réguler » cette branche industrielle. Tant qu’on peut faire des profits le « crime lucratif » doit continuer.
LE CRIME LUCRATIF
A travers ces deux exemples, on voit apparaitre plusieurs traits caractéristiques du capitalisme moderne, et non arriéré. Dans les deux cas on peut en effet douter que ces entreprises fonctionnent pour le bien être des populations… C’est le profit qui guide toutes les décisions, à n’importe quel prix.
Et le prix du profit peut aussi bien être une guerre (très lucratif quand on vend des armes ou du matériel militaire), une catastrophe écologique (le capitalisme n’aime pas plus les règles environnementales que les règles sociales) ou la famine sur un continent.
On peut aussi voir que ces entreprises ont tissé, à tous les niveaux de la société et en particulier dans la sphère financière et le monde politique qui gèrent les Etats, une toile, un réseau d’affaires et d’influences qui obéit à leurs demandes et impulsions.
La mondialisation a remplacé les Etats régulateurs par une grande toile aussi virtuelle que sa capacité à se discipliner. Certains appellent ça le « capitalisme cognitif » ou « troisième espèce de capitalisme »…
C’est ce modèle « moderne » qu’une vaste imposture idéologique a préparé et glorifié pendant les 30 dernières années. Mais la crise actuelle fait voler le modèle en éclats. Voila la raison pour laquelle les libéraux doivent eux aussi se montrer « outrés » par les excès pour mieux « refonder » le capitalisme.
Cette période a aussi sonné le glas des tendances sociale-démocrates, désormais incapables de mobiliser les « miettes » du festin capitaliste pour financer quelques réformettes. C’était fini le temps où « cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet[tait ] l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations ». Dans toutes les phrases des discours on mit les entreprises sur le même pied que les travailleurs, on râpa la Charte de Quaregnon, on caressa les classes moyennes dans le sens du poil, on s’encanailla dans les Conseils d’Administration, on prit des mesures de droite qu’on nomma de titres pompeux (consolidation stratégique pour les Services Publics, revenu d’insertion pour le minimex, activation du comportement de recherche pour la chasse aux chômeurs), on imposa le pacte des générations, on donna l’absolution aux fraudeurs fiscaux, on ouvrit des Centres Fermés, on instaura les « intérêts notionnels » qui exonèrent les bénéfices des entreprises de la solidarité, et certains finirent même par se nicolasarcozier.
Cette époque fit douter que certains socialistes étaient encore de gauche…
Car pour reprendre les mots de Christian Arnsperge : « nominalement, on peut effectivement être de gauche sans développer une critique radicale du capitalisme. Dire le contraire serait contredire les faits de notre vie politique de tous les jours. Une autre chose est de savoir s’il est cohérent de se dire de gauche et de ne pas être anticapitaliste. Là je suis nettement plus sceptique. L’anticapitalisme est la racine même de la gauche » [2]
Une note de l’Institut Emile Vandervelde va dans le même sens : « Pour le PS, l’économie a d’abord et avant tout pour but de produire des biens et des services en vue de satisfaire les besoins des GENS, des entreprises et des pouvoirs publics. Cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations. (…)En ce sens, l’économie financière doit être au service de l’économie réelle. » [1]
A première vue le raisonnement semble séduisant. Il « suffirait » que le capitalisme redevienne industriel, de production (de biens, de services,…) et de discipliner son aile financière pour lui rendre sa morale.
Elio Di Rupo a beau se fâcher tout rouge contre les « spéculateurs voyous », et promettre qu’après la crise on mettra sur pied une commission d’enquête, son analyse des responsabilités fondamentales semble un peu courte. En tout cas elle n’est pas bien différente de celle de Charles Michel qui se fâche tout bleu sur les « spéculateurs qui ont dépassé les limites »
Il me semble que les questions auxquelles il faut répondre sont : la « virtualité », la spéculation, la recherche du profit rapide, sont-elles des accidents ou des caractéristiques du système capitaliste ?
Le capitalisme réel a-t’il pour vocation de « permettre l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations » ?
Pour illustrer les réponses possibles à ces questions, je vais vous résumer l’histoire récente de deux grands groupes industriels : Halliburton et Eternit.
HALLIBURTON
Halliburton est passée du 19e rang des fournisseurs de l'armée américaine en 2002 au premier en 2003 après avoir bénéficié de juteux contrats dans des conditions douteuses, notamment pendant la guerre d'Irak.
Le président de la commission de contrôle du gouvernement à la Chambre des représentants, Henry Waxman, dénonça ces marchés attribués sans appels d'offres à l'entreprise Halliburton et sa filiale KBR. Le directeur de KBR de l'époque, Al Neffgen, a comparu devant la Chambre des représentants en 2004 pour défendre les surfacturations effectuées par Halliburton sur les services fournis à l'armée.
En février 2007, le scandale de l'hôpital Walter Reed se développa à propos des conditions d'accueil des blessés de la guerre d'Irak. Or, une lettre de septembre 2006 par laquelle l'adjoint du général Weightman évoquait "un risque de défaillance des services de soins" en raison de la pénurie de personnel consécutive à une privatisation des services généraux de l'hôpital.
Cette privatisation a été réalisée par un contrat de 120 millions de dollars sur cinq ans pour assurer les services non médicaux et la maintenance des locaux. Ce contrat a été octroyé à l'entreprise IAP, dirigée par Al Neffgen, ancien responsable de KBR, filiale d'Halliburton.
Halliburton a aussi obtenu des contrats de reconstruction à La Nouvelle-Orléans après le passage du cyclone Katrina en 2005. Et tout le monde sait que la reconstruction a donné lieu à un vaste remembrement tout au profit des grands groupes et des habitants les plus riches.
ETERNIT
Début de cette année s’est ouvert en Italie le procès des responsables de la société. Au terme d’une instruction qui aura duré cinq ans, le procureur de Turin a demandé la mise en examen des propriétaires et actionnaires d’Eternit, responsables du drame de l’amiante en Italie : le Suisse Stephan Schmidheiny (Stephan Schmidheiny, qui vit au Costa Rica, est la cinquième fortune suisse. Un staff d’une dizaine d’avocats travaille à plein temps pour lui) et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne. Ils risquent douze ans de prison et des amendes de plusieurs milliards d’euros. Trouvé dans la presse, cette déclaration de Me Sergio Bonetto, avocat des victimes italiennes de l’amiante « Par le nombre impressionnant de plaintes reçues, ce procès rend lisible l’ampleur du drame de l’amiante. Pour la première fois, ce sont de hauts dirigeants qui comparaîtront, et non plus des directeurs italiens ou suisses. Enfin, ce procès a également une dimension internationale : Eternit, c’était 72 centres de production, répartis dans le monde entier, que s’étaient partagés ces grandes familles suisse, belge et française !
(…) Pour leur malchance, les industriels suisses sont des gens méticuleux : tout était noté, centralisé. Par exemple, nous avons les preuves que, en Suisse, tous les échantillons d’amiante étaient contrôlés et que les productions étaient paramétrées en fonction des normes d’empoussièrement, variables selon les pays. »
De 1906 à sa liquidation en 1976, l’usine Eternit de Casale Monferrato (qui utilisait l’amiante bleue) a employé plus de 30.000 personnes. A peine 300 ont été indemnisées...
Le panorama complet des maladies dues à l’amiante est connu depuis 1960, en particulier en ce qui concerne son caractère cancérogène. Les scientifiques prévoient pourtant près de 500.000 décès dans les 30 années à venir en Europe occidentale et plus d’1 million dans le tiers-monde car la consommation d’amiante dans le monde n’a jamais été aussi forte.
Les milliers de pages accusatrices des nombreux rapports, officiels ou indépendants, les manifestations, procès, règlements, directives, fonds divers d’indemnisation des victimes, tout cela n’est pas parvenu à « réguler » cette branche industrielle. Tant qu’on peut faire des profits le « crime lucratif » doit continuer.
LE CRIME LUCRATIF
A travers ces deux exemples, on voit apparaitre plusieurs traits caractéristiques du capitalisme moderne, et non arriéré. Dans les deux cas on peut en effet douter que ces entreprises fonctionnent pour le bien être des populations… C’est le profit qui guide toutes les décisions, à n’importe quel prix.
Et le prix du profit peut aussi bien être une guerre (très lucratif quand on vend des armes ou du matériel militaire), une catastrophe écologique (le capitalisme n’aime pas plus les règles environnementales que les règles sociales) ou la famine sur un continent.
On peut aussi voir que ces entreprises ont tissé, à tous les niveaux de la société et en particulier dans la sphère financière et le monde politique qui gèrent les Etats, une toile, un réseau d’affaires et d’influences qui obéit à leurs demandes et impulsions.
La mondialisation a remplacé les Etats régulateurs par une grande toile aussi virtuelle que sa capacité à se discipliner. Certains appellent ça le « capitalisme cognitif » ou « troisième espèce de capitalisme »…
C’est ce modèle « moderne » qu’une vaste imposture idéologique a préparé et glorifié pendant les 30 dernières années. Mais la crise actuelle fait voler le modèle en éclats. Voila la raison pour laquelle les libéraux doivent eux aussi se montrer « outrés » par les excès pour mieux « refonder » le capitalisme.
Cette période a aussi sonné le glas des tendances sociale-démocrates, désormais incapables de mobiliser les « miettes » du festin capitaliste pour financer quelques réformettes. C’était fini le temps où « cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet[tait ] l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations ». Dans toutes les phrases des discours on mit les entreprises sur le même pied que les travailleurs, on râpa la Charte de Quaregnon, on caressa les classes moyennes dans le sens du poil, on s’encanailla dans les Conseils d’Administration, on prit des mesures de droite qu’on nomma de titres pompeux (consolidation stratégique pour les Services Publics, revenu d’insertion pour le minimex, activation du comportement de recherche pour la chasse aux chômeurs), on imposa le pacte des générations, on donna l’absolution aux fraudeurs fiscaux, on ouvrit des Centres Fermés, on instaura les « intérêts notionnels » qui exonèrent les bénéfices des entreprises de la solidarité, et certains finirent même par se nicolasarcozier.
Cette époque fit douter que certains socialistes étaient encore de gauche…
Car pour reprendre les mots de Christian Arnsperge : « nominalement, on peut effectivement être de gauche sans développer une critique radicale du capitalisme. Dire le contraire serait contredire les faits de notre vie politique de tous les jours. Une autre chose est de savoir s’il est cohérent de se dire de gauche et de ne pas être anticapitaliste. Là je suis nettement plus sceptique. L’anticapitalisme est la racine même de la gauche » [2]
fRED
[1] In : CRISE MONDIALE DES MARCHES FINANCIERS - POUR UN RETOUR À L’ÉCONOMIE REELLE - RESTAURER L’ÉCONOMIE RÉELLE POUR RESTAURER LA CONFIANCE - ANALYSE ET PROPOSITIONS DU PS (http://www.ps.be/)
[2] L’AVENIR DE LA GAUCHE. S'ARRACHER A L'EMPRISE DE LA GAUCHE PRO-CAPITALISTE. Entretien avec Christian Arnsperger in Démocratie n°21 du 1er novembre 2007, p.6
Inscription à :
Articles (Atom)