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samedi 25 février 2012

[Nous sommes tous grecs]


Nous sommes tous grecs

Le capitalisme veut sortir de sa crise profonde par une offensive sans précédent contre les peuples. Ce qui se passe en Grèce, jours après jours, est un véritable laboratoire qui permet de tester jusqu’où la violence de ces attaques peut être supportée.
Sitôt les mesures imposées par la Troïka (FMI, BCE, UE), adoptées pour la forme par le parlement grec au cours d’une nuit d’enfer où l’offensive d’austérité se doubla d’une répression féroce contre la population et transforma Athènes et Thessalonique en « chambres à gaz » pendant des heures, les « serviteurs » du capital s’empressent de mettre la barre encore plus haut, et les agences de notation la note encore plus bas… « Il l’a bien cherché » continue-t-on à entendre du petit peuple grec. On s’apitoie surtout sur le sort des créanciers privés, banques et fonds d’investissement qui auraient « perdu de l’argent » en concédant un effacement partiel de la dette de la Grèce mais on passe sous silence les plantureux et scandaleux bénéfices qu’ils en ont tiré au cours des dernières années en plongeant la Grèce dans une dette abyssale.
Les « marchés » ont définitivement cadenassé la  « démocratie ». Les chefs des deux partis de la coalition au pouvoir, le PASOK (socialiste) et Nouvelle Démocratie ont même été obligés de s’engager par écrit à respecter les promesses faites d’économies budgétaires et de réformes y compris après les élections législatives anticipées, prévues sous peu.
Mais ce n’est pas encore assez. Les « experts » n’ont pas attendu une minute pour reprendre leur travail de sape : les calculs n’étaient pas bons, il faudra de nouvelles coupes sombres. Le fruit doit être pressé jusqu’au bout.
Dans cette spécialité, notre ancien premier ministre libéral, Guy Verhofstadt, montre ses crocs : « Le seul moyen de nettoyer les écuries d'Augias et de faire entrer les Grecs dans la modernité à laquelle ils aspirent est de provoquer une grande vague de libéralisation visant à découpler le travail de l'Etat. C'est tout le marché du travail qu'il faut donc réformer dans un premier temps, ainsi que supprimer les barrières administratives et règlementaires restreignant l'activité économique, puis il faudra privatiser les entreprises publiques, sitôt la situation économique suffisamment stabilisée pour éviter le bradage des biens nationaux à vil prix. (…)La stabilité des finances publiques n'est qu'un des éléments d'une politique globale qui doit aussi conjuguer la solidarité et la croissance. Une perspective dont la Grèce n'est d'ailleurs pas seule à avoir besoin. » (Le Soir – 22/02/12)
Voilà qui est clair, non seulement pour les grecs mais aussi pour tous les travailleurs européens dont le sort se joue aussi en Grèce, en Espagne, au Portugal. Chaque attaque où qu’elle apparaisse, est une attaque contre tous.

MES ?
Les parlements nationaux sont muselés. Il en va de même partout en Europe ou se joue actuellement le sort du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) : au sein de ce mécanisme, les décisions seront prises par le Conseil des gouverneurs composé exclusivement des ministres des finances de la zone euro. Aucun veto, ni aucune autorité des parlements nationaux n’est prévu sur ces ministres lorsqu’ils agissent au titre de gouverneurs. De plus, ils jouiront en cette qualité d’une immunité totale leur permettant d’échapper à toute poursuite judiciaire. Qui a fait la moindre publicité à ces discussions qui nous engagent sur le long terme ?
« Négation des compétences fiscales et budgétaires des parlements nationaux, déni des principes de base de la démocratie, impossibilité d’opposer un veto, immunité judiciaire totale, opacité des documents… Autant de procédés antidémocratiques qui m’amènent aujourd’hui à vous demander d’adopter une position claire quant à ce traité. Allez-vous l’accepter ou le rejeter ? Il va sans dire que je prendrai en compte votre réaction sur cette question cruciale la prochaine fois que je serai appelé(e) aux urnes » c’est le texte d’une lettre que le CADTM propose d’adresser aux parlementaires belges sur cette question. Ils ne semblent pas presséEs de répondre. Sur les douze parlementaires qui ont répondu au CADTM, seuls deux ont indiqué vouloir voter contre, sept « ne se prononcent pas »…

Ni pour, ni contre…
…bien du contraire ! C’est l’attitude adoptée par le PS français dans les votes à l’Assemblée comme au Sénat. « Le MES devrait finir sans être inquiété son petit bonhomme de chemin parlementaire. Ce nouveau fonds de soutien aux pays de la zone euro en difficulté, le «Mécanisme européen de stabilité», a été adopté, mardi à l’Assemblée, la droite et le centre l’approuvant, tandis que les socialistes se sont abstenus à l’exception d’un quinzaine d’entre eux » conclut Libération (23/02/2012).
En Grèce, comme partout en Europe, seule la rue pourrait imposer une alternative aux politiques d’austérité qui s’installent dans un vide démocratique absolu.

Que font les syndicats ?
C’est dans ce contexte que la Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelle à une journée européenne d’action le 29 février. La CES cerne les vrais enjeux : la pauvreté qui gagne du terrain, l’emploi qui sombre, le sauvetage des banques préféré à celui des peuples, le drame du peuple grec,… mais se trompe de réponses et de moyens d’action. Peut-on croire que la relance (du système capitaliste) va stopper ses attaques constantes contre les conquêtes des travailleurs que sont les systèmes de Sécurité Sociale, le Droit du Travail, la Démocratie ? Et qui peut penser que, malgré leur simultanéité, quelques milliers de manifestants éparpillés dans chaque pays, au bon vouloir de leurs directions syndicales nationales, auront plus de poids que les millions de travailleurs qui ont affronté l’offensive capitaliste de la Grèce à l’Espagne en passant par la Belgique, la Roumanie, le Portugal et tant d’autres pays ? Oui, il est temps de porter le combat au niveau européen, mais de manière bien plus déterminée, sur des objectifs bien plus radicaux. Une autre voie est possible : celle qui, s’appuyant sur les larges mobilisations dans de nombreux pays, modifiera le rapport de forces en faveur des travailleurs.

Freddy Mathieu – 23/02/12

samedi 16 mai 2009

[Un printemps de Prague]


Prague 16 mai 2009.
Il est 14h, la manifestation vient de se terminer face au château. Dans une brasserie à proximité de l’abbaye de Strahof, les mines sont réjouies : 35.000 participants, plus du double des espérances… A vrai dire c’est la première manifestation syndicale de masse à Prague depuis bien longtemps ! Parmi les dirigeants de ČMKOS (qui organise cette manifestation avec la CES), peu ont connu les évènements du printemps 68, dernière grande effervescence populaire qui fut réprimée par les chars russes. Avant cela, du temps des apparatchiks communistes, les tanks encadraient les défilés ronflants du 1er mai. Et puis une longue apathie… La crise capitaliste a réussi à (re)mettre dans la rue des dizaines de milliers de travailleurs.
Il est 12h45, le défilé a été court. La place du Château est déjà bondée devant le podium. Dans le guide du routard j’ai lu ceci : « tous les ans, un jour du mois de mai, opération portes ouvertes, inutile de vous préciser que la file d’attente est longue ». Au point de départ de la manifestation ils sont encore des dizaines de milliers qui n’ont pas bougé d’un centimètre. Des milliers de polonais (dont une forte délégation de mineurs), un bloc très visible et très animé, des roumains, des croates, des autrichiens, des allemands, des slovènes, des bulgares, des hongrois, des italiens. Un panaché de couleurs, une foule de drapeaux, une meute de trompettes, un bataillon de crécelles, un tintamarre de sifflets. Pas de doute l’ex-Europe de l’est est bien réveillée.
Il est 13h35, les discours ont enfin commencé sans attendre la fin du cortège qui est toujours bloqué deux places plus loin. On annonce 100.000 manifestants à Berlin ; une immense ovation salue les allemands, fait notoire quand on sait les tensions que la guerre et le nazisme ont laissées en héritage entre les deux peuples.
Il est 10h15, à deux pas du Pont Charles des petits groupes se forment, rencontres improbables entre des manifestants roumains et des profs tchèques en lutte contre la casse dans l’enseignement. Bientôt une délégation de métallos hongrois les rejoint. Prague, qui a pourtant l’habitude de voir défiler des groupes de touristes bigarrés, n’en revient pas : on va manifester !

Il est presque midi. Le soleil perse trois jours de nuages. C’est le printemps. La manifestation démarre.


jeudi 26 mars 2009

Le mouvement syndical européen lance une campagne de mobilisation marquée par quatre manifestations européennes du 14 au 16 mai prochains – le 14 mai à Madrid, le 15 mai à Bruxelles et le 16 mai à Prague et Berlin. Cette vaste campagne de mobilisation sera l’occasion de rappeler aux différents gouvernements qu’ils doivent apporter des réponses européennes pour régler cette crise et non pas prendre des mesures au cas par cas. La Confédération européenne des syndicats (CES) comprend actuellement 82 organisations membres, issues de 36 pays de l’Europe de l’Ouest, centrale et de l’Est, et 12 fédérations syndicales. La CES représente les intérêts de 60 millions de syndicalistes au niveau européen. La CES appelle à « un nouveau Deal social donnant la priorité aux travailleurs et citoyens. Cet agenda social devra garder le cap sur les principales préoccupations des citoyens européens : l’emploi, le pouvoir d’achat et leurs droits fondamentaux ».

60 millions de syndicalistes, c’est un chiffre qui fait rêver… Et combien la CES compte t’elle en mettre dans la rue en mai? 60.000 ? 100.000 ? C’est en tout cas ce que semble « espérer » les dirigeants de la CES.

Car encore une fois, ce sont des manifestations « contingentées » qui sont mises sur pied. Contingenter - limiter - rationner - borner - circonscrire - restreindre - délimiter - démarquer - arrêter - réduire - localiser - plafonner - entourer - cerner - cantonner… Prenons l’exemple de la manifestation de Bruxelles, elle reposera essentiellement sur les syndicats belges et hollandais. On connaît déjà les quotas : 6000 pour la CSC, 6000 pour la FGTB, 6000 pour les libéraux… Et ainsi de suite jusqu’au niveau régional de chaque syndicat. Les syndicats des pays voisins seront eux-mêmes limités par les difficultés de transports (coûts, distances,…).

Ce type de « mobilisation » aboutit à écraser la réelle mobilisation à la base, on crée une couche de « manifestants professionnels » (au bout de la 12ème, une casquette gratuite), dont la sincérité n’est pas à mettre en cause, mais qui ne s’ancre pas dans aucune conscientisation des autres 59,900 millions de syndicalistes qui n’ont pas eu « la chance » de gagner le voyage, à Bruxelles, Madrid, Berlin ou Prague. Les « autres » militants ne sauront peut-être même pas qu’il ya une manif… Tout au plus les différentes organisations se « mesurent » entre-elles au nombre de drapeaux, quand elles prennent la peine de se déplacer. Et on est bien loin des 10 millions de manifestants qui sont descendus dans les rues de France, Espagne, Italie, Grèce ces six derniers mois.

Dans le même temps les principales organisations nationales programment des actions à leur niveau. Pourquoi l’Exécutif de la CES dans lequel elles siègent n’est-il pas capable de décider une date commune de mobilisation pour (au moins) un paquet significatif de pays ? Pourquoi ne pas avoir tenté de synchroniser les mouvements en Espagne (éparpillés sur tout le mois de mars), en Grèce (grève Générale le 2 avril), en Italie (grèves régionales en mars et big manif le 4 avril à Rome), en France ? Pourquoi la CES ne répercute t’elle pas des échos des mobilisations en cours dans différents pays ? Alors qu’ils les critiquent souvent les dirigeants de la CES font tout pareil à leurs gouvernements nationaux qui ne sont jamais responsables des décisions européennes qu’ils prennent pourtant ensemble dans différents sommets, l’Europe sert alors d’éteignoir aux revendications.

Et pourtant nous avons besoin d’un syndicalisme de combat au niveau européen, un syndicalisme de réseaux qui enrichit les luttes d’entreprises dont les contours dépassent tellement souvent les frontières nationales. Les « nouveaux » pays européens ont besoin de l’expérience des grandes organisations, les plus « faibles » ont besoin de la force des plus « forts ».

Un vrai contre-pouvoir syndical européen reste à construire dans les luttes car toutes les politiques de recul social sont élaborées au niveau européen, ce n’est pas pour rien que ces 30 dernières années, celles de la dérégulation, sont aussi celles de l’approfondissement de l’Europe du capital, celle qui écrase les petites gens.

Pour empêcher la destruction de millions d’emplois à cause de la crise capitaliste qui elle s’est propagée à travers toute la planète, il faut bâtir un front des luttes au niveau européen.

fRED