Nous sommes tous grecs
Le capitalisme veut sortir de sa crise profonde par une
offensive sans précédent contre les peuples. Ce qui se passe en Grèce, jours
après jours, est un véritable laboratoire qui permet de tester jusqu’où la
violence de ces attaques peut être supportée.
Sitôt les mesures imposées par la Troïka (FMI, BCE, UE),
adoptées pour la forme par le parlement grec au cours d’une nuit d’enfer où
l’offensive d’austérité se doubla d’une répression féroce contre la population
et transforma Athènes et Thessalonique en « chambres à gaz » pendant
des heures, les « serviteurs » du capital s’empressent de mettre la
barre encore plus haut, et les agences de notation la note encore plus bas… « Il l’a bien cherché » continue-t-on
à entendre du petit peuple grec. On s’apitoie surtout sur le sort des
créanciers privés, banques et fonds d’investissement qui auraient « perdu
de l’argent » en concédant un effacement partiel de la dette de la Grèce
mais on passe sous silence les plantureux et scandaleux bénéfices qu’ils en ont
tiré au cours des dernières années en plongeant la Grèce dans une dette
abyssale.
Les « marchés » ont définitivement cadenassé
la « démocratie ». Les chefs
des deux partis de la coalition au pouvoir, le PASOK (socialiste) et Nouvelle
Démocratie ont même été obligés de s’engager par écrit à respecter les
promesses faites d’économies budgétaires et de réformes y compris après les
élections législatives anticipées, prévues sous peu.
Mais ce n’est pas encore assez. Les « experts »
n’ont pas attendu une minute pour reprendre leur travail de sape : les
calculs n’étaient pas bons, il faudra de nouvelles coupes sombres. Le fruit
doit être pressé jusqu’au bout.
Dans cette spécialité, notre ancien premier ministre
libéral, Guy Verhofstadt, montre ses crocs : « Le seul moyen de nettoyer les écuries d'Augias et de faire
entrer les Grecs dans la modernité à laquelle ils aspirent est de provoquer une grande vague de libéralisation visant à
découpler le travail de l'Etat. C'est tout le marché du travail qu'il faut
donc réformer dans un premier temps, ainsi que supprimer les barrières
administratives et règlementaires restreignant l'activité économique, puis il
faudra privatiser les entreprises publiques, sitôt la situation économique
suffisamment stabilisée pour éviter le bradage des biens nationaux à vil prix. (…)La
stabilité des finances publiques n'est qu'un des éléments d'une politique
globale qui doit aussi conjuguer la solidarité et la croissance. Une
perspective dont la Grèce n'est d'ailleurs pas seule à avoir besoin. » (Le
Soir – 22/02/12)
Voilà qui est clair, non seulement pour les grecs mais aussi
pour tous les travailleurs européens dont le sort se joue aussi en Grèce, en
Espagne, au Portugal. Chaque attaque où qu’elle apparaisse, est une attaque
contre tous.
MES ?
Les parlements nationaux sont muselés. Il en va de même partout
en Europe ou se joue actuellement le sort du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) : au sein de ce
mécanisme, les décisions seront prises par le Conseil des gouverneurs composé exclusivement
des ministres des finances de la zone euro. Aucun veto, ni
aucune autorité des parlements nationaux n’est prévu sur ces ministres
lorsqu’ils agissent au titre de gouverneurs. De plus, ils jouiront en cette
qualité d’une immunité totale leur permettant d’échapper à toute poursuite
judiciaire. Qui a fait la moindre publicité à ces discussions
qui nous engagent sur le long terme ?
« Négation des
compétences fiscales et budgétaires des parlements nationaux, déni des
principes de base de la démocratie, impossibilité d’opposer un veto, immunité
judiciaire totale, opacité des documents… Autant de procédés antidémocratiques
qui m’amènent aujourd’hui à vous demander d’adopter une position claire quant à
ce traité. Allez-vous l’accepter ou le rejeter ? Il va sans dire que je
prendrai en compte votre réaction sur cette question cruciale la prochaine fois
que je serai appelé(e) aux urnes » c’est le texte d’une lettre que le
CADTM propose d’adresser aux parlementaires belges sur cette question. Ils ne
semblent pas presséEs de répondre. Sur les douze parlementaires qui ont répondu
au CADTM, seuls deux ont indiqué vouloir voter contre, sept « ne se
prononcent pas »…
Ni pour, ni contre…
…bien du contraire ! C’est l’attitude adoptée par le PS
français dans les votes à l’Assemblée comme au Sénat. « Le MES devrait finir sans être inquiété son petit bonhomme de
chemin parlementaire. Ce nouveau fonds de soutien aux pays de la zone euro en
difficulté, le «Mécanisme européen de stabilité», a été adopté, mardi à l’Assemblée,
la droite et le centre l’approuvant, tandis que les socialistes se sont abstenus à l’exception d’un quinzaine
d’entre eux » conclut Libération (23/02/2012).
En Grèce, comme partout en Europe, seule la rue pourrait
imposer une alternative aux politiques d’austérité qui s’installent dans un
vide démocratique absolu.
Que font les
syndicats ?
C’est dans ce contexte que la Confédération Européenne des
Syndicats (CES) appelle à une journée européenne d’action le 29 février. La CES
cerne les vrais enjeux : la pauvreté qui gagne du terrain, l’emploi qui
sombre, le sauvetage des banques préféré à celui des peuples, le drame du
peuple grec,… mais se trompe de réponses et de moyens d’action. Peut-on croire
que la relance (du système capitaliste) va stopper ses attaques constantes
contre les conquêtes des travailleurs que sont les systèmes de Sécurité
Sociale, le Droit du Travail, la Démocratie ? Et qui peut penser que,
malgré leur simultanéité, quelques milliers de manifestants éparpillés dans
chaque pays, au bon vouloir de leurs directions syndicales nationales, auront
plus de poids que les millions de travailleurs qui ont affronté l’offensive
capitaliste de la Grèce à l’Espagne en passant par la Belgique, la Roumanie, le
Portugal et tant d’autres pays ? Oui, il est temps de porter le combat au
niveau européen, mais de manière bien plus déterminée, sur des objectifs bien
plus radicaux. Une autre voie est possible : celle qui, s’appuyant sur les
larges mobilisations dans de nombreux pays, modifiera le rapport de forces en
faveur des travailleurs.
Freddy Mathieu – 23/02/12
article publié sur www.lcr-lagauche.be - www.debat-syndicats.blogspot.com - www.europe-solidaire.org
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