► ► ► « Ils avaient prié, d’abord, mais ils n’avaient pas été exaucés, puis ils avaient timidement réclamé mais ils n’avaient pas été entendus. Ils avaient supplié, en vain.
Et voilà qu’ils s’étaient mis à exiger. »
Daniel Pennac « Le dictateur et le hamac » 2003
Les deux dernières semaines ont été marquées par des manifestations contre la baisse du pouvoir d’achat. Mais qu’on ne s’y trompe pas derrière la similitude des thèmes (« le mazout ») il y a de bien grandes différences à la fois entre les intérêts en jeu et la manière dont les gouvernants y ont réagi.
Visiblement, camions, taxis et tracteurs d’un côté et colossales manifestations syndicales de l’autre, n’ont pas eu le même écho…
"Le gouvernement accepte de prendre à bras le corps les coûts du carburant", a déclaré Olivier Neirynck, secrétaire général de la Brafco. Selon ce dernier, "des pistes intéressantes" ont été avancées par les différents ministres concernés par le dossier. Parmi ces idées, figure notamment l'octroi d'une réduction immédiate pour tout changement d'"outils de chauffe", une revendication de la Brafco. Les ministres Reynders et Laruelle ont également apporté leur soutien à certaines revendications fiscales proposées par les fédérations. » (18.06.08 - Belga)
A part la « compréhension » d’Yves Leterme au soir des manifs, on attend encore une ébauche de fifrelin d’ombre de réaction gouvernementale aux dizaines de milliers de travailleurs qui sont descendus dans la rue entre le 9 et le 12 juin ! Voilà qui démontre bien où sont ses centres d’intérêts sociaux et économiques. Rien de nouveau sous le soleil : les libéraux ont bien senti qui est qui dans les manifestations : les routiers c’est quand même des potes, ils manifestent avec leurs patrons et eux, ils ne sont pas machos, buveurs et « limités » comme cette racaille qui a déferlé sur les pavés de Wallonie…
On se demande seulement : où était la gôche? Au Gouvernement...
FRED
dimanche 22 juin 2008
Gouvernement de classe
dimanche 15 juin 2008
Après le non irlandais

Banderolle de remerciement à L'Irlande pour son "NON" au traité de Lisbonne. A Quimper lors de la manifestation le 14 juin 2008 contre la fermeture de services dans les hôpitaux du Finistère. - Photothèque Rouge/esteban
"Si les Irlandais votent non, il n'y a plus de Traité de Lisbonne, c'est clair"
François Fillon, premier ministre français, la veille du référendum
« C’est un revers pour l’Europe mais ce résultat souligne le besoin urgent d’introduire un volet plus social et plus populaire dans les politiques européennes. Depuis beaucoup trop longtemps, l’Europe n’accorde pas assez d’importance aux attentes et aux droits des travailleurs et des autres citoyens qui se sentent menacés par la mondialisation et la rapidité des changements. Ce message lancé par l’Irlande tout comme celui lancé par la France et par les Pays-Bas il y a quelque temps, doit être pris en compte de façon urgente » a déclaré le Secrétaire Général de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), John Monks.
Dès le non irlandais on a entendu beaucoup de commentateurs discourir sur le fait « qu’une petite minorité » bloquerait le processus européen. Il n’en reste pas moins que chaque fois que les projets de Traité Constitutionnel (le TCE, ou le Traité de Lisbonne) ont été soumis à un peuple par référendum, ils ont été rejetés… Et il y a gros à parier que si d’autres pays avaient consulté leur population, le non aurait aussi obtenu de forts résultats. Il y a de quoi se poser des questions en haut lieu !
Au lieu de cela, ces gouvernements, dont la Belgique, ont préféré consulter une autre « petite minorité » en limitant le débat aux parlementaires : si vénérables et représentatives soient les assemblées parlementaires, cela réduit considérablement le débat. Et le risque de « désinformation » évoqué une nouvelle fois dans le référendum irlandais, argument qu’on ne sert d’ailleurs qu’aux partisans du non, ne peut pas être contourné en supprimant toute information…
Déjà en mars, je publiais dans ce blog une lettre ouverte de Georges Debunne et ses amis, aux parlementaires qui disait notamment : « Une Constitution n’est pas un document de plus que l’on peut facilement jeter à la poubelle. Par ailleurs, dans notre démocratie, le citoyen pouvait s’attendre à ce que le gouvernement ait assuré une large diffusion de ce texte fondamental et que les autorités politiques aient organisé des débats politiques à grande échelle. Or, non seulement il n’a jamais été question d’une consultation populaire mais, de plus, le débat politique est en dessous de tout. Le débat parlementaire lui même risque d’être au niveau zéro à en croire la discussion hâtive et sans esprit critique qui a eu lieu au Sénat, la chambre de réflexion de notre pouvoir législatif.»
En l’absence de débat sérieux, approfondi, identifiant les enjeux, la démocratie se vide et il ne faut pas s’étonner de l’éloignement des populations de la chose politique. A force de se passer de leur avis, car pas assez intelligentes pour comprendre les briques qu’on leur sert (volontairement illisibles ?), on en revient à une sorte de vote censitaire(1) qui ne dirait pas son nom : une minorité de gens riches et instruits a plus de poids et de valeur que tout le peuple.
Cette nouvelle situation de blocage pour l’Europe appelle de nouvelles initiatives pour le monde du travail : d’abord un grand débat démocratique sur l’Europe que nous voulons, la définition d’objectifs sociaux, environnementaux et de démocratie mais aussi des avancées concrètes pour les travailleurs (un salaire minimum européen, un recours contre les restructurations et délocalisations et un socle commun de droits pour les travailleurs qui en sont victimes,…)
A cette sauce-là on redonnera envie aux populations européennes de construire notre Europe.
FRED
(1) En 1830, le vote est censitaire : ne peuvent dès lors voter que les hommes qui pourront payer le cens, ou 'quota d'impôt'. Réservé à une élite qui plus est exclusivement masculine, car on considérait que seuls les individus ayant les capacités (intelligence, niveau économique) d'exercer cette activité peuvent l'exercer : selon cette théorie seuls « les actionnaires de la grande société » seraient suffisamment légitimes pour exercer l'activité de vote. Moins d'un Belge sur cent pouvait voter à cette date.
jeudi 12 juin 2008
Sayshitforme.con

Le progrès, c’est oublier d’éteindre son GSM et de se faire réveiller en pleine nuit par un BipBipBip, « Vous avez reçu un message de… ». Vous ne vous affolez pas tout de suite, « ce n’est que » votre collègue qui va vous annoncer, vous le savez, que sa femme le quitte. Et bien non, c’est lui mais il a seulement égaré le numéro d’un autre collègue qui devait lui remettre une note importante et dont il n’a pas de nouvelles…
Version courriel, on a les mêmes qui ne vous réveillent pas mais vous envoient à 3h17 du matin, quand même, un message angoissé qui commence invariablement par « Que penses-tu de… ». A cette heure-là, leur mail sent la fin de nuit ou la dernière goutte de café tiédi dans le creux d’une môlaire cariée. Bref voilà les prévisions météo qui changent de camp, votre soleil promis se mue en crachin pour toute la journée.
D’autant qu’à 8h15 ils vous attendent (et LEUR réponse) et mordent tous ceux qui s’approchent de la machine à café, vous traitent (mentalement) de « connard » et retrouvent la boulette de papier qui a échappé à la lessiveuse, 04.8 ..7Y Ω… Ils engueulent (mentalement) leur femme « pour une fois qu’elle ne me fait pas les poches, connasse ! ». Re-mail à l’heure de l’apéro : « tu n’as pas reçu mon message ? » ça sent la boulette mora, sur lit de boursin (ail et fines herbes).
La machine révolutionnaire est arrivée.
Et vous voudriez vous abaisser à répondre à ce genre d’individus ? N’en faites rien. Nous venons d’inventer pour vous la machine à répondre intelligemment dans toutes sortes de situations. En fait ce n’est pas une machine mais une machination. Un effroyable complot qui va vous procurer beaucoup de plaisir, à vous et vos complices.
Car avant tout il vous faut des complices : sitôt réveillé et lu le message angoissant, sortez une bonne bouteille de votre cave et faites-vous inviter chez un copain (une copine, ça marche aussi) pour un déjeuner sympa. Amenez un troisième pote, et un quatrième si le « Que penses-tu de ? » est trop lourd à porter (ou son auteur). Faites gaffe quand même vous n’avez qu’une bouteille.
Le menu n’est pas important, vous pouvez manger des nouilles, des poires, de la citrouille.
Ce qu’il vous faut c’est, si possible, une belle bibliothèque, ou, au minimum, une quarantaine de bouquins entassés sur une chaise. Le premier complice ferme les yeux en goûtant le vin. Le (la) deuxième lui demande de choisir un livre à l’aveuglette. Et, en fermant les yeux, l’ouvre arbitrairement.
La réponse à la question du jour se trouve sur la page de droite, en 27ème et 28ème lignes. Vous les recopiez. Ne les envoyez pas immédiatement, pensez d’abord à vider la bouteille et surtout à tout le bien que cela va vous faire quand vous allez cliquer sur l’icône « envoyer ». Vous serez soulagé, joyeux et surtout plus intelligent car avec vos compères vous venez de découvrir un livre dont vous vous souviendrez. Il ne vous reste plus qu’à convaincre votre hôte de vous le prêter à tour de rôle et à lui laisser faire la vaisselle.
FRED
Merci à Nath pour l'illustration : http://www.messousvetementssontpropres.blogspot.com/
Ceci n'est pas un message codé
Les dingues du parkingue
Depuis qu’les gens n’roulent plus,
ça c’est l’ faute au mazout,
les parkings sont en déroute.
Ils sont d’venus superflus
D’puis lors on fait tout
Sul’parking du Brico
Apprendre à conduire s’nauto
Racket, brocantes et rendez-vous.
Nous autres on est les gardes
On surveille les djambots
On a tiré l’jackpot
En faisant régner l’ordre.
Hommage à PPDP, gardiens du grand parking des idées, juin 2008
mercredi 11 juin 2008
18 heures après la manif
Plus précisément sur ce sentiment que quelque chose est en train de changer dans la conscience des gens. C’est confus, discret, un peu comme une odeur de fin d’après-midi chaud, juste avant l’orage. Ce n’est plus l’après-midi, ce n’est pas encore l’orage. Mais déjà le rythme à changé, l’air et les oiseaux ont déjà pris parti…
Je disais c’est « tâtonnant » et qu’il n’y avait pas que le « pouvoir d’achat » dans l’air. J’explique un peu ce que je ressens : les gens qui manifestent, pris individuellement, ont 36 raisons différentes d’y être. Ils se reconnaissent assez bien derrière les mots d’ordre syndicaux pas tellement pour leur contenu mais parce qu’ils sont (enfin) en rupture avec le train-train politique habituel. Ils n’ont donc pas tous des fins de mois difficiles. Mais ils se disent qu’il y en a marre de toujours être dénigrés, ils sentent qu’il y a la nécessité de mettre un stop à la longue période d’offensive patronale contre les acquis. Mais quand la manif démarre, pleine de sève, un petit déclic s’est opéré : ils ne sont plus « 20.000 x 36 bonnes raisons » mais UNE force.
Et quand se virus-là est dans la tête des gens, il faut que tous ceux qui pensent plus loin que le bout de leur nez, se désemberlificotent rapido. Il faut qu’ils pensent à ce qu’on fera après l’orage, et que des propositions concrètes, des revendications justes, des expériences, viennent nourrir le mouvement. Voilà ce que j’appelais « s’occuper de l’accélérateur ». Pour débloquer la société, nous avons besoin d’un mouvement syndical fort et indépendant mais aussi d’une nouvelle capacité politique. Il y a urgence si nous voulons que le soufflet ne retombe pas et que les « gens » ne retombent pas avec.
FRED
mardi 10 juin 2008
Un parfum de « ça va venir »…
L’appareil je le connais bien, j’en ai testé toutes les limites mais aussi toutes les frustrations de responsables honnêtes, dévoués et décidés qui trop souvent, pendant de longues périodes de creux, se désespèrent des « gens difficiles à mobiliser »… Mais quand vient le printemps, quand les bourgeons percent l’écorce, ils ne parviennent pas à croire que l’été sera là dans quelques semaines et que la nature n’attendra pas qu’ils se décident à y croire.
Et là, ce soir je sens, quelques vérifications effectuées – un coup téléphone avec P., une rencontre dans la rue avec L., et un petit topo de Fl., …- que ce n’est pas 20.000 mais 30.000 voire 40.000 que l’on aurait pu mobiliser si… Aucun reproche ici mais un amer regret de ces rythmes mal synchronisés, ces articulations bureaucratisées (certains n’ont même pas reçu un tract d’info alors que j’en vois trainer un paquet chez Mr Untel…), de ces responsables en décalage, en retard d’une guerre.
Et bien je ne vais même pas vous parler d’eux, car leur inefficacité n’a d’égal que leur peu d’avenir. Laissons-les s’accrocher les médailles du « plus beau combat du 20ème siècle » pour préparer les 91,5 années que nous réserve le 21ème. Laissons-les regarder dans leur rétroviseur, et occupons nous plutôt de l’accélérateur.
Car ce que j’ai respiré, observé, vu, entendu au cours de ces dernières heures, c’est que les gens –j’utilise volontairement cette vague formule- ont envie de (se) bouger. Plus en tout cas que le cadre étroit, que « l’appareil » ne leur avait concédé. Et pas que pour le pouvoir d’achat. Ils pensent cha-cha-cha, tango renversant, c’est un peu tâtonnant, mais ça a le parfum du « ça va venir »
FRED
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