mardi 3 août 2010

Grèce : Fondation du Comité Grec contre la Dette (CGD)


par CADTM international
 
Le Comité grec contre la Dette a été fondé début juillet 2010 à Athènes. Il est composé de représentants de partis et de mouvements sociaux provenant d'un large éventail de la gauche grecque. Le Comité grec contre la Dette a annoncé sa volonté de travailler étroitement en collaboration avec le réseau international du CADTM. Celui-ci se réjouit de la création d'une organisation sœur en Grèce, épicentre de la nouvelle crise de la dette publique qui affecte tous les pays industrialisés.


 

Déclaration fondatrice du Comité Grec contre la Dette (CGD)
La question de la dette publique joue le rôle central dans l'offensive historique en cours du capital contre le travail, les salariés, les femmes, les jeunes mais aussi contre toute la société. En effet, c'est au nom de la dette et de son remboursement que sont « justifiées » toutes les coupes sans précédent des salaires, des pensions et des indemnités de chômage, ainsi que le démantèlement de la sécurité sociale, l'effondrement et la privatisation méthodiquement programmée des services publics, l'explosion des prix des produits de consommation de première nécessité résultant des hausses successives de la TVA, les licenciements de masse, le refus de prendre en compte réellement le problème climatique et environnemental, l'extrême flexibilisation des travailleurs, la déréglementation du marché du travail qui est en train de se transformer en une véritable jungle, l'abrogation des droits du travail, le refus des droits et libertés démocratiques les plus élémentaires, ou encore la mise en question de la démocratie parlementaire elle-même…

Les responsables de la crise exercent un chantage inouï sur les innombrables victimes de cette crise qui sont contraintes de payer le prix fort. Ce chantage vise à culpabiliser les peuples afin qu'ils acceptent de payer pour un crime pour lequel non seulement ils ne portent aucune responsabilité, mais qui de surcroît a été perpétré exclusivement contre eux !

Les véritables responsables de l'explosion de la dette publique sont les politiques néolibérales des gouvernements de droite et de gauche des dernières décennies, qui ont légalisé et favorisé la fraude fiscale des nantis. Les recettes de l'Etat diminuant énormément à cause de ces politiques, les déficits se creusent et nourrissent une dette publique en constante progression. Cette progression a pris des dimensions effrayantes avec l'explosion de la dernière crise capitaliste, qui est d'ailleurs le produit direct de la même politique néolibérale.

Pourtant, le grand capital et les classes aisées profitent doublement des politiques gouvernementales aux dépens du reste de la société. D'une part, la dette publique, qu'ils ont façonnée, s'avère pour eux une source supplémentaire d'enrichissement facile : la politique fiscale des gouvernements néolibéraux leur permet d'investir leurs surprofits dans le marché des fameux bons d'Etat et de s'enrichir avec des taux d'intérêt outrageusement élevés, grâce auxquels l'Etat espère servir sa dette. Voici donc pourquoi la dette publique et son remboursement constituent un mécanisme de transfert des revenus de « ceux d'en bas » vers « ceux d'en haut », c'est-à-dire un instrument fondamental de la redistribution drastique des richesses en faveur des riches qui deviennent encore plus riches, et aux dépens des salariés et des classes populaires !

Ce hold-up du siècle doit prendre fin, et dans ce but, il s'agit de lutter pour construire tous ensemble, dans l'unité et sans exclusive, un rapport de forces afin d'être en mesure d'imposer à la classe dominante et à ses alliés internationaux la fin des ces politiques inhumaines et barbares.

La constitution du Comité Grec contre la Dette est le premier pas dans cette direction. Si on veut atteindre notre objectif commun, d'autres pas doivent suivre, non seulement dans notre pays, mais aussi dans toute l'Europe et au-delà, car notre problème dépasse la seule échelle nationale et, confrontés à un ennemi de classe international si uni et coordonné, nous ne pouvons y faire face qu'en présentant un front le plus large possible. Le but est donc la constitution d'un mouvement international de masse en vue de la remise en cause et de l'annulation de la dette, tant au Sud qu'au Nord.

C'est pourquoi la collaboration étroite du Comité Grec contre la Dette avec le CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde www.cadtm.org ), qui se bat depuis 20 ans pour libérer les populations du fardeau de la dette qui les condamne au sous-développement et à la misère, marque son intention de contribuer activement a la construction d'un mouvement radical contre la dette aux Balkans et dans toute l'Europe. Un mouvement qui se battra contre la dette au Nord, mais mettra aussi en première ligne de ses priorités la solidarité active envers les peuples du Tiers Monde en lutte depuis des décennies contre la dette au Sud.

La première tâche du Comité sera de combattre la propagande quotidienne qui présente la dette comme un « phénomène naturel », qui constitue un tabou et ne peut pas être contestée. Au contraire, nous pensons que contester la dette constitue le premier pas vers la libération de la société. Les citoyens ont le droit, mais aussi le devoir, de démythifier et de contrôler cette dette, de la passer au scanner pour savoir exactement d'où elle vient, ce qu'elle a financé, qui l'a contractée et qui en profite. En d'autres termes, il s'agit de déterminer les responsables de l'endettement et de les forcer à en assumer le coût.

La réalisation d'un tel audit par les citoyens mobilisés doit contribuer à la mobilisation populaire afin d'obtenir l'annulation d'une dette largement illégitime, odieuse et scandaleuse.


 

En collaboration étroite avec le CADTM, le Comité Grec contre la Dette ambitionne de contribuer activement, ensemble avec d'autres mouvements sociaux, à la création d'un mouvement de masse tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre pays, mouvement qui portera le mot d'ordre « Nous n'allons pas payer Votre crise » et luttera de toutes ses forces contre la dette et les causes de la crise actuelle.



Déclaration en grec

mercredi 30 juin 2010

Le 30.06.1960 : Discours de Patrice Lumumba

Congolais et Congolaises,
Combattants de l'indépendance aujourd'hui victorieux, je vous salue au nom du gouvernement congolais.
A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos cotés, je vous demande de faire de ce trente juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la liberté.
Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd'hui dans l'entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d'égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n'avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.
Cette lutte, qui fut de larmes, de feu et sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l'humiliant esclavage qui nous était imposé par la force.
Ce fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste; nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire, car nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers.
Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des « nègres ». Qui oubliera qu' à un noir on disait « tu » non certes comme à un ami, mais parce que le « vous » honorable était réservé aux seuls blancs?
Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort.
Nous avons connu que la loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres.
Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même.
Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillotes croulantes pour les noirs, qu'un noir n'était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits « européens »; qu'un noir voyageait à même la coque des péniches, aux pieds du blanc dans sa cabine de luxe.
Qui oubliera enfin les fusillades ou périrent tant de nos frères, les cachots ou furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d'une justice d'oppression et d'exploitation.
Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert.
Mais tout cela aussi, nous que le vote de vos représentants élus agrée pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur l'oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut, tout cela est désormais fini.
La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur.
Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail.
Nous allons montrer au monde ce que peut faire l'homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l 'Afrique tout entière.
Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement a ses enfants.
Nous allons revoir toutes les lois d'autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles.
Nous allons mettre fin à l'oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales prévues dans la déclaration des Droits de l'Homme.
Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelque qu'elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudra sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays.
Nous allons faire régner non pas la paix des fusils et des baïonnettes, mais la paix des cœurs et des bonnes volontés.
Et pour tout cela, chers compatriotes, soyez surs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l'assistance de nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu'elle sera loyale et ne cherchera pas à nous imposer une politique quelle qu'elle soit.
Dans ce domaine, la Belgique même qui, comprenant enfin le sens de l'histoire, n'a plus essayé de s'opposer à notre indépendance, est prête à nous accorder son aide et son amitié, et un traité vient d'être signé dans ce sens entre nos deux pays égaux et indépendants. Cette coopération, j'en suis sur, sera profitable aux deux pays. De notre coté, tout en restant vigilants, nous saurons respecter les engagements librement consentis.
Ainsi, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, le Congo nouveau que mon gouvernement va créer sera un pays riche, libre et prospère. Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, législateurs et citoyens congolais, je vous demande de m'aider de toutes vos forces.
Je vous demande à tous d'oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l'étranger.
Je demande à la minorité parlementaire d'aider mon gouvernement par une opposition constructive et de rester strictement dans les voies légales et démocratiques.
Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise.
Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays.
Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la République; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays.
L'indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.
Voilà, Sire, Excellences, Mesdames, Messieurs, mes chers compatriotes, mes frères de race, mes frères de lutte, ce que j'ai voulu vous dire au nom du gouvernement en ce jour magnifique de notre indépendance complète et souveraine.
Notre gouvernement fort –national –populaire, sera le salut de ce pays.
J'invite tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants de se mettre résolument au travail en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.
Hommages aux combattants de la liberté nationale!
Vive l'Indépendance et l'unité africaine!
Vive le Congo indépendant et souverain.
Patrice E. Lumumba
Premier ministre

Le 5 octobre 1960, le comte Harold d'Aspremont Lynden, ministre belge des Affaires africaines et proche du roi Baudouin, lui écrit : « l'objectif principal à poursuivre dans l'intérêt du Congo, du Katanga et de la Belgique est évidemment l'élimination définitive de Lumumba. » Le 17 janvier 1961, après avoir été torturé, Patrice Lumumba est abattu par des militaires katangais en présence de trois officiers belges dont deux se chargeront de découper le corps en morceaux qu'ils jettent dans un fut d'acide. Déclaration du Gouvernement belge, le 5 février 2002 : « À la lumière des critères appliqués aujourd'hui, certains membres du gouvernement d'alors et certains acteurs belges de l'époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu'il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité. »

jeudi 10 juin 2010

[Mavi Marmara]


HOMMAGE AUX 9 VICTIMES TURQUES DES ASSASSINS ISRAÉLIENS

 

Hommage aux neuf victimes turques, assassinées par l'armée israélienne à bord du navire turc Mavi Marmara, alors qu'il tentait d'acheminer l'aide humanitaire à la population de la bande de Gaza, et se trouvait dans les eaux internationales.

 
Furkan Dogan, 19 ans, étudiant à Kayseri High School ; espérait devenir médecin. Fils du Dr Ahmet Dogan, Prof Assoc à l'Université Erciyes. Un turco-américain, double national, avec deux frères et sœurs.
Cengiz Akyüz, 41 ans, d'Iskenderun. Marié à Nimet Akyüz ; trois enfants - Furkan (14), Beyza (12) et Erva Kardelen (neuf).
Ibrahim Bilgen, 61 ans, ingénieur électricien de Siirt. Membre de la Chambre des ingénieurs en électricité de la Turquie. Marié et père de 6 enfants.
Bengi Haydar Ali, 39 ans, tenait un magasin de réparation de téléphones à Diyarbakir. Diplômé de l'Université Al-Azhar, au Caire (département de littérature arabe). Marié à Saniye Bengi ; quatre enfants.
Cevdet Kiliçlar, 38 ans, originaire de Kayseri. Journaliste, travaillait dernièrement en tant que webmaster pour la Fondation d'aide humanitaire (IHH). Marié à Derya Kiliçlar ; deux enfants.
Çetin Topcuoglu, 54 ans, d'Adana. Ancien joueur de football amateur et champion de taekwondo, qui a entraîné l'équipe nationale de taekwondo de la Turquie. Marié, un fils, Aytek. Son épouse, Cigdem Topcuoglu, était également à bord du Mavi Marmara, mais a survécu.
Necdet Yildirim, 32 ans, travailleur humanitaire IHH de Malatya. Marié avec une fille de trois ans.
Fahri Yaldiz, 43 ans, pompier qui a travaillé pour la municipalité de Adiyaman. Marié et père de quatre enfants.
Cengiz Songür, 47 ans, d'Izmir. Marié à Nurcan Songür, six filles, un fils.

 
D'après CAPJPO-EuroPalestine (Merci à ceux qui ont recherché et traduit ces informations et qui les font circuler sur Facebook)

[8 raisons de voter « Front des Gauches » aux élections législatives du 13 juin 2010]


Par Olivier Bonfond1 et Éric Toussaint2– juin 2010


Le 13 juin 2010, les citoyennes et citoyens belges se rendront aux urnes pour élire leurs nouveaux(elles) représentant(e)s à la Chambre et au Sénat. Nous appelons les citoyennes et citoyens à affirmer qu'il est temps de rompre avec la logique capitaliste et de mettre en place des alternatives qui combinent justice fiscale, justice sociale et respect de la nature. Le programme du Front des Gauches (liste n°18) va dans ce sens.

1)   Pour refuser l'austérité
2)   Pour faire payer la crise aux responsables, pas aux peuples !
3)   Parce que voter PS, ce n'est pas voter utile
4)   Parce qu'Ecolo ne constitue pas non plus une alternative
5)   Parce que le capitalisme à visage humain n'existe pas
6)   Parce que les alternatives existent !
7)   Pour soutenir l'unité et les lutte
8)   Parce que l'abstention n'est pas une solution

 

1. Pour refuser l'austérité

Les Etats du Nord, afin de pouvoir rembourser les montants généreusement donnés au secteur financier, responsable de la crise rappelons-le, s'apprêtent à mettre en place des plans d'austérité qui vont toucher très durement les conditions de vie des populations : baisse des salaires et des retraites, casse de la protection sociale, destruction des services publics, remise en cause du droit du travail, augmentation de la TVA,…

Depuis des mois, des manifestations et des grèves générales ont lieu en Grèce pour s'opposer au plan d'austérité que le gouvernement, les dirigeants européens et le Fonds monétaire international (FMI) ont décidé d'imposer au peuple grec. De la France à la Roumanie, en passant par l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, l'Islande, … tous les peuples seront logés à la même enseigne. Soyons en sûrs, la seule et unique raison pour laquelle on ne parle pas encore de plans d'austérité en Belgique, ce sont les élections du 13 juin prochain. Mais si le pouvoir reste aux mains des mêmes, la question de l'austérité reviendra inévitablement sur la table, et l'on demandera aux citoyens et citoyennes de se serrer la ceinture pour payer les erreurs commises par les marchés financiers.

Rappelons ici que ces politiques ressemblent comme deux gouttes d'eau aux plans d'ajustement qui ont été imposés pendant 25 ans aux pays du Sud, avec les résultats que l'on sait : des milliards d'êtres humains privés de leurs droits fondamentaux. Privés d'eau potable, de nourriture, de logements décents. Privés d'accès à la santé et à l'éducation. Sans oublier la destruction massive de l'environnement et le pillage des ressources naturelles… Cette situation est inacceptable et doit cesser.

2. Pour faire payer la crise aux responsables, pas aux peuples !

Même si on ne peut en aucun cas s'en réjouir, car elle touche et va toucher durement des millions de personnes partout sur la planète, la crise capitaliste actuelle a fait tomber les masques. Les gouvernements ont montré leur vrai visage : quand les travailleurs et travailleuses (professeurs, infirmiers, fonctionnaires, mouvements sociaux,…) réclament la satisfaction de leurs droits sociaux ou quelques millions pour améliorer la qualité du service fourni aux populations, les caisses sont vides, mais, quand les détenteurs de capitaux sont en détresse, il devient possible de trouver – et de leur donner – plusieurs dizaines de milliards de dollars en quelques semaines. Maintenant, c'est un ouragan d'austérité qui s'abat sur l'Europe, et la Belgique n'y échappera pas.

Pourtant, si le gouvernement en avait la volonté, il pourrait refuser la logique néolibérale et mettre en place toute une série de mesures concrètes en vue de sauver les emplois et de faire payer le coût du sauvetage financier aux responsables :

  • Nationalisation sans indemnisation du secteur bancaire
  • Interdiction de nationaliser les dettes privées (comme le prévoit l'article 290 de la Constitution de l'Equateur),
  • Moratoire immédiat sur le remboursement de la dette, mise en place d'un audit intégral de la dette en vue de répudier toutes les dettes odieuses ou marquées d'irrégularités (tout comme l'a fait l'Equateur en 2007)
  • Impôt exceptionnel sur le patrimoine des grosses fortunes
3. Parce que voter PS, ce n'est pas voter utile

Le Parti socialiste porte une énorme responsabilité dans la crise actuelle. Au pouvoir de manière ininterrompue depuis plus de 20 ans en Belgique, celui-ci a approuvé et appliqué la quasi-totalité des mesures néolibérales : dérégulation des marchés financiers, privatisation des service publics, diminution de la progressivité de l'impôt, intérêts notionnels, austérité budgétaire, etc.

En abandonnant le projet de construire le socialisme pour lui préférer une « gestion » du capitalisme, la quasi-totalité des partis socialistes européens ont perdu de fait la légitimité de s'appeler de la sorte. Afin de justifier leur orientation néolibérale et se maintenir au pouvoir, ceux-ci adoptent une tactique et un discours assez simple, qui pourrait se résumer par « la logique du moindre mal » ou le fameux « vote utile » : ils prétendent se battre, dans le cadre d'une mondialisation capitaliste sans pitié, pour imposer le plus de « social » possible, ou, lorsque les rapports de force ne le permettent pas, freiner l'application de mesures néolibérales, ou au minimum en atténuer les effets les plus « destructeurs ». Ils peuvent alors affirmer, quoi qu'il arrive, que la situation est peut-être mauvaise, mais que sans eux, ce serait encore bien pire. Il faudrait donc continuer à les soutenir. Soyons sérieux, « le pire », nous y sommes : crise financière, crise sociale, crise économique, crise écologique, crise énergétique, crise climatique, crise migratoire, crise alimentaire, …

Aujourd'hui, malgré la crise et malgré le fait que ce sont ces mêmes mesures néolibérales qui sont à la base du problème, le PS, ainsi que les autres « grands » partis, ne veulent pas changer de cap.

4. Parce qu'Ecolo ne constitue pas non plus une alternative

Il faut être conscient qu'Ecolo, comme les autres partis traditionnels, a choisi d'embrasser la logique du libre marché et de la croissance. Pour résoudre la crise sociale et écologique, Ecolo nous parle de développement durable, de croissance soutenable, de marché du carbone ou encore de technologies « vertes ». Ces orientations et ces mesures, même si elles ne sont pas toujours intrinsèquement mauvaises, ne pourront en aucun cas résoudre la crise écologique. La raison est simple : elles ne remettent pas en cause l'impératif de croissance, dicté par la logique du profit. Or, dans un monde fini, la recherche de la croissance constitue la raison fondamentale pour laquelle le « capitalisme vert » est une illusion et ne peut aboutir qu'à un désastre écologique. Malgré des beaux discours et certaines déclarations ambitieuses, Ecolo, tout comme le parti socialiste, prétend pouvoir résoudre les crises en cours en régulant la finance et en donnant au capitalisme un visage humain et une couleur verte. Illusion…

5. Parce que le capitalisme à visage humain n'existe pas

Selon certains discours, nous serions face à un capitalisme devenu fou qu'il s'agit de raisonner. Pour inverser la tendance actuelle et sortir de la crise, il faudrait imposer au capitalisme de « lâcher du lest », notamment en revenant à plus de régulation. La régulation du secteur financier est nécessaire et il faut tout faire pour qu'elle se concrétise, au-delà des discours. Cependant, si on ne remet fondamentalement en cause la logique du capital, logique qui place le profit et les besoins du capital avant les besoins des individus, ces mesures resteront absolument insuffisantes pour parvenir à renverser durablement les tendances et résoudre les crises en cours.

La recherche du profit maximum à court terme, la propriété privée des grands moyens de production, l'exploitation sans limite des travailleurs et de la nature, la spéculation, la compétition, la promotion de l'intérêt privé individuel au détriment de l'intérêt collectif, l'accumulation frénétique de richesse par une poignée d'individus ou encore les guerres sont des caractéristiques inhérentes du système capitaliste. Le capitalisme n'a pas de visage humain. Il a le visage de la barbarie. Pour le capital, peu importe la destruction la planète. Peu lui importe de mettre les enfants au travail. Peu lui importe que les gens mangent ou ne mangent pas, qu'ils aient un logement ou non, qu'ils aient des médicaments quand ils tombent malades, ou une retraite quand ils deviennent vieux.

5. Parce que les alternatives existent !

Au lieu de l'ouragan d'austérité qui s'annonce pour les populations européennes et du monde entier, il faut mettre en place des alternatives radicales qui s'attaquent à la logique du profit et combinent justice fiscale, justice sociale et respect de la nature.

Il s'agit notamment de :

  • Réduire radicalement le temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire
  • Lutter contre la fraude fiscale massive dont sont responsables les grandes entreprises et les plus riches
  • Interdire les intérêts notionnels
  • Assurer l'égalité hommes/femmes dans toutes les sphères de la vie
  • Mettre fin aux privatisations et développer massivement des services publics de qualité et gratuits
  • Développer des emplois socialement utiles et respectueux de la nature
  • Développer massivement les énergies renouvelables
  • Relocaliser et planifier démocratiquement l'économie pour éviter gaspillage et pollution
  • Supprimer les paradis fiscaux et lever le secret bancaire
  • Sortir de l'OTAN et retirer les troupes belges d'Afghanistan
  • Annuler la dette du Tiers Monde

Ces mesures sont parfaitement réalisables et tout à fait légitimes, afin que le poids de ces crises ne reposent pas en bout de course sur la population qui en est la victime. Le gouvernement belge devrait d'ailleurs considérer ces mesures comme une obligation d'un point de vue international, puisque celui-ci a ratifié la Déclaration sur le droit au développement de 1986 qui stipule dans son article 2 : « Les Etats ont le droit et le devoir de formuler des politiques de développement national appropriées ayant pour but l'amélioration constante du bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus, fondée sur leur participation active, libre et utile au développement et à la répartition équitable des avantages qui en résultent. »

6. Pour soutenir l'unité et les luttes

Après des années d'efforts collectifs, six organisations de la gauche radicale ainsi que des représentants du milieu associatif se rassemblent dans le Front des Gauches afin de proposer une réelle alternative à la gauche du PS et d'Ecolo. C'est une initiative très positive et très importante. Ces dernières années, beaucoup de citoyens critiquaient de manière légitime la grande division de la gauche radicale. Avec un programme commun et des propositions concrètes pour résoudre les crises multiples auxquelles les belges doivent faire face, cette nouvelle alliance pourrait changer la situation politique. Maintenant que l'unité est là, malgré sa « jeunesse » et ses faiblesses, il s'agit de la soutenir.

Gardons en tête que cette unité, si elle est un pas dans la bonne direction, ne pourra suffire. Au-delà de la campagne électorale, il faudra tout faire pour concrétiser et consolider la capacité d'agir en commun sur le long terme, et faire en sorte que cette alliance devienne un outil utile pour les luttes à venir. N'oublions pas que toutes les conquêtes sociales de l'humanité, (abolition de l'esclavage, fin de la colonisation, sécurité sociale, mais aussi le droit de vote, etc.) ne sont jamais venues en premier lieu d'un geste généreux ou d'un acte courageux de responsables politiques. Elles ont toutes été le fruit de luttes et de mobilisations populaires qui ont réussi à modifier le rapport de force en faveur des opprimés. Si l'on veut parvenir à transformer radicalement la société et avancer vers l'émancipation sociale des peuples, la construction d'un large mouvement populaire, conscient, critique et mobilisé est donc une priorité.

7. Parce que l'abstention n'est pas une solution

Parmi les nombreux mécontents de la politique actuelle, beaucoup pensent que ne pas voter est une manière utile de montrer son mécontentement et de sanctionner les gouvernements en place. Ce raisonnement, bien que légitime à certains niveaux, ne tient malheureusement pas la route, essentiellement pour deux raisons. Premièrement, il faut rappeler que de droit de vote, tout comme la quasi-totalité des droits sociaux, en Belgique ou ailleurs, n'ont pas été généreusement donnés par les dirigeants mais ont été conquis par la lutte. Alors, même si la démocratie peut et doit être critiquée fortement dans nos pays du Nord, quand le peuple peut s'exprimer, il doit le faire ! Deuxièmement, parce que l'abstention n'a jamais empêché les gouvernements en place de continuer leur politique néolibérale. Les taux d'abstention ces dernières années ont été régulièrement massifs dans beaucoup de pays européens, pour atteindre des niveaux record lors des précédentes élections européennes, allant jusqu'à 70% ! Est-ce que ces records d'abstention ont changé quelque chose ? Au contraire, l'abstention, plutôt que de soutenir les luttes et le changement, les affaiblit.

Il faut donc voter, pour sanctionner les responsables de la crise, pour envoyer un puissant signal politique en faveur des listes qui luttent contre le capitalisme, pour soutenir positivement les travailleurs en lutte, et pour montrer que le peuple est toujours là et qu'il sait ce qu'il veut, c'est à dire faire entendre sa voix et se mobiliser pour que celle-ci soit respectée. La démocratie ne se décrète pas, elle se pratique et se construit, par les peuples, pour les peuples et avec les peuples.

   
Notes :

1. Olivier Bonfond est membre de la LCR, militant au CADTM (Comité pour l'Annulation de la dette du Tiers Monde -www.cadtm.org) et 7ème effectif à la Chambre de Liège pour le Front des Gauches (Liste n°18). Plus d'infos ici : http://frontdesgauches.be/candidats/liste-chambre-a-liege/olivier-bonfond.html

2. Eric Toussaint est Docteur en sciences politiques, membre du comité exécutif de la quatrième Internationale et du CADTM ; 15ème effectif au Sénat pour le Front des Gauches (Liste n°18). Plus d'infos ici : http://frontdesgauches.be/candidats/liste-senat/eric-toussaint.html

3. Plus d'infos sur le programme du Front des Gauches : http://frontdesgauches.be/