lundi 13 janvier 2014

[Oubliée la révolution ?]

Demain...
Le 14 janvier 2014, demain, une partie de moi-même va s’envoler sur l’autre rive de la méditerranée.
La Tunisie sent encore les secousses des journées de décembre 2010/janvier 2011 qui ont conduit le dictateur à prendre la fuite.
Oubliée la révolution ? me demandez-vous. N’allez pas trop vite. En janvier 2012 et 2013, vous avez aussi tenu le même langage, estimant que le peuple tunisien (et les autres peuples du nord de l’Afrique qui l’ont suivi sur le chemin de la révolte) « s’était mobilisé pour rien » et que c’en était fini du printemps des peuples. Et pourtant c’est en 2013 que se sont tenues les plus vastes mobilisations de rue, 6 à 8 fois plus nombreuses que les désormais légendaires rassemblements sur l’avenue Bourguiba les 13 et 14 janvier 2011. Depuis l’acte de désespoir et de révolte du jeune Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, rien ou presque n’a été changé dans la situation dramatique que lui et ses pareils vivent. Le chômage est toujours à la hausse, en particulier pour les jeunes diplômés. Le coût de la vie n’a cessé d’augmenter et cela va continuer, notamment à cause des mesures imposées par le FMI. La censure, la répression, la torture, sont toujours présentes. Militants, avocats, journalistes et artistes n’en finissent pas d’en faire les frais. Il faut y ajouter les assassinats politiques et les groupes terroristes qui sont venus « bien à point » au fur et à mesure que le nouveau pouvoir se fragilisait. Voilà pourquoi la mobilisation populaire, et particulièrement syndicale, est restée vive pendant toute cette période.
« La révolution tunisienne est belle » avons-nous écrit en janvier 2011[1]. Elle gardera sa beauté tant que ses objectifs resteront à concrétiser.

13 janvier 2014 - fRED
photo : Tebourbi Photography

[1] http://fredditcela.blogspot.be/2011/01/la-revolution-tunisienne-est-belle.html

[Privés de Public ?]

La semaine dernière, les journaux Het Belang van Limburg et Gazet van Antwerpen répercutaient les déclarations du tour-opérateur Thomas Cook qui propose un étalement des périodes de vacances scolaires entre la Flandre et la Wallonie. « Tout le monde y gagnerait, aussi bien le secteur du voyage que les consommateurs » argumente le voyagiste... Quelques jours plus tard la RTBF mettait en ligne une émission/débat sur l’intérêt d’équiper tous les véhicules de « dashcams » suite au buzz qu’a fait la vidéo d’un chauffeur de camionnette avec caméra embarquée. Les fabricants (et distributeurs) de dashcams et les compagnies d’assurances sont pour l’obligation d’équiper les véhicules car elles espèrent les « rentabiliser » et limiter leurs interventions financières dans certains sinistres.
la voiture du manager...
On assiste là à une forme insidieuse de « privatisation » de l’espace public : voilà les compagnies privées (tour-opérateurs et assurances) qui dictent les lignes de conduite en matière d’Enseignement ou de Sécurité Routière... Ce ne sont que deux exemples récents de ce vent du « tout au privé » qui souffle  autour de nous. Mais on pourrait en voir d’autres manifestations dans l’étalage de la vie privée des deux derniers Présidents de la République française. L’un se vautrant dans le bling-bling ou se prélassant sur le yacht d’un grand patron... l’autre, surpris dans ses petites escapades. Ou encore, en Belgique, le Premier utilisant la « TV de service public » pour amorcer sa campagne électorale en assénant des fadaises en attendant d’aller faire sa popote sur la chaîne privée RTL.
Il va bon train le phénomène de la « privatisation du monde », comme disait Daniel Bensaïd[1], qui citait de multiples exemples de cette soumission de la vie au marché : privatisation de l’enseignement universitaire, des politiques de santé, mais aussi des politiques monétaires (qui échappent au contrôle politique des Etats car relevant des banques centrales autonomes), privatisation du « vivant » (des plantes, des molécules...) à travers le dépôt de brevets pour « geler » les découvertes que d’autres pourraient exploiter, privatisation du savoir et même privatisation de la guerre (corps armés privés agissant pendant la guerre en Irak).
Bien évidemment cette « dépossession » du collectif s’accompagne d’une « contre-révolution » dans le langage. Ce qui est tendance aujourd’hui c’est d’être un « manager » et « d’exceller » dans la « gouvernance » pour réussir sa success-story.
fRED


[1] Voir la vidéo de la Conférence de Daniel Bensaïd ici : http://www.youtube.com/watch?v=uxBvxfRI2CE

mardi 7 janvier 2014

[Edgard]



On aurait du commencer par là. Vous présenter Edgard.
« Edgard n’a pas été gâté par la vie. A 17 ans il travaillait déjà… » Bon on arrête là la description de sa monotone existence, on n’est pas en train de faire un billet sur le dernier procès d’assises pour la gazette locale.
Edgard, c’est un pote comme je n’aimerais pas en avoir. Je l’ai inventé de toute pièce pour me convaincre que mes autres potes ne sont pas si cons que ça. Chaque fois que j’ouvre la DH ou une édition locale de Sud-Presse, chaque fois que je me branche sur Vivacité entre 9 et 10h, j’entends Edgard qui parle. Il suffit de le brancher un peu et le voilà réveillé, crachant son éternel bon sens à la tête des lecteurs et auditeurs. Il a un (mauvais) mot pour tout le monde. Les syndicats « qui exagèrent », les fonctionnaires « qui ne foutent rien », les ouvriers « qui ne sont jamais contents », les voisins « qui mettent leur télé trop fort » et « laissent chier leur chien sur mon trottoir », les trains « qui ne sont jamais à l’heure » et les bus « qui sont toujours en grève »…
Edgard sait de quoi il parle : « moi monsieur, mon père était ouvrier ! », « et ma mère fonctionnaire », « quand j’étais jeune j’étais révolutionnaire »…
Pourtant Edgard est un type très apprécié au café où ses amis du Club « Les Supporters Savent Pourquoi » se retrouvent pour la 3ème mi-temps. Surtout quand c’est lui qui paie la tournée. Il a une admiration profonde pour ceux qui ont réussi « grâce à leur travail » comme Grégoire de Spoelberch[1], et Les Taureaux d'Or[2] Eden Hazard et Axel Witsel[3], les piliers de la Jupiler League, la Troïka du ballon rond. Edgard a toujours été sportif. Le lundi matin, il délaisse les forums en ligne et le courrier des lecteurs de La Lanterne pour se jeter dans la Gazette des Sports. Il « n’est pas raciste, d’ailleurs… » il apprécie Marco Materazzi, Company, Lukaku et Fellaini. Il ne comprend pas le flamand mais il est d’accord avec Bart De Wever quand il déclare "Nil volentibus arduum".
Vous allez me dire que là, j’aggrave son cas. Non il est comme ça, Edgard. Normal quoi…
fRED



[1] « Grégoire de Spoelberch, un des actionnaires des familles historiques du brasseur AB InBev, a de nouveau vendu un paquet d'actions du brasseur belgo-brésilien, lit-on sur le site de la CBFA, régulateur belge de la finance. Membre du conseil d'administration d'AB InBev, Grégoire de Spoelberch a vendu 100.000 actions pour une valeur de 4,3 millions d'euros via sa firme d'investissement GDS Consult. Ces dernières années, la famille de Spoelberch a vendu des milliers d'actions. En décembre 2009, 100.000 actions avaient déjà été vendues, suivies par 200.000 actions au début de l'année. Les trois familles actionnaires historiques du géant brassicole, Spoelberch, Mévius et Vandamme, sont considérées comme les plus riches de Belgique. » - In http://trends.levif.be/economie/actualite/people/un-peu-plus-riche-encore-grace-a-ab-inbev/article-1194828234412.htm#
[2] Le Taureau d'Or représente le prix du meilleur buteur de la Jupiler Pro League.
[3] Eden Hazard transféré de Lille à Chelsea pour 40 millions d'euros Axel Witsel du Benfica au Zénit aussi pour 40 millions d'euros

Retrouvez Edgard chaque lundi sur www.lcr-lagauche.org
Image générée avec  monoface

lundi 6 janvier 2014

[Mons 2015 c’est (le) capital]

La culture, ça rapporte gros. Du moins à entendre Yves Vasseur le Commissaire Général de Mons 2015. Sur les 60 millions€ que coûteront l’opération de prestige qu’il cornaque, près de 90% proviendront de fonds publics[1]. Mais où vont-ils aboutir ? Les journaux semblent s’être contentés des explications du Commissaire du Peuple pour conclure que c’est une bonne opération pour la région : « l’argent qui a été investi dans l’opération [dans les autres villes qui ont été désignées « Capitales européennes »] a créé des retombées cinq à six fois supérieures donc c’est un investissement pour la Région, pour la ville, pour l’arrondissement de Mons et pour le Borinage ».

Si l’on en croit les exemples cités par le Commissaire Priseur, ces retombées culturo-actives se manifesteront dans les nuitées d’hôtel et dans les restaurants. « Il y aura entre autres beaucoup de retour dans le domaine hôtelier dans la grande périphérie de Mons. Le ratio sera sans doute globalement de 1/6 mais peut-être de 1/4 pour Mons stricto sensu ». Après Lille, Mons est donc « en passe » de devenir un beau bordel culturel pour des DSK en puissance « Lille tournait autour de septante-cinq millions, Marseille quatre-vingt-cinq, donc comparaison de ville à ville on est dans la bonne fourchette" ajoute-t-il. Notons au passage qu’en matière de « fourchette » une des premières réalisations de Mons 2015 fut l’édition d’une brochure présentant les restaurants qui participeront à la mise en bouche de l’évènement. Et en octobre dernier on poussa même le bouchon un peu plus loin : une soirée organisée par la fondation Mons 2015 dans la foulée de l’inauguration de l’expo dédiée à Andy Warhol, qui rassemblait une centaine de patrons d’entreprises de la région Mons-Borinage. « Des « Business Ambassadeurs » qui ont accepté de jouer le rôle de mécènes en versant un montant minimum de 1.000 euros à la Fondation. Une soirée a priori apolitique donc, mais rehaussée par la présence du Premier Ministre Elio Di Rupo venu pour discourir aux côtés d’Eric Domb, patron de Pairi Daiza et président de ce club « Mons 2015 entreprises »[2]. La Fondation du Commissaire y a même fait servir une cuvée spéciale de rouge portant étiquette rouge à la gloire du Grand Timonier, Elio. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
"2014 sera l'année de la concrétisation"
Après la mise en bouche, la concrétisation. Le Général de Brigade y consacre l’essentiel de son énergie et n’oublie pas les voisines communes, amies de longue date : « Un dispositif de "pass" et de réduction sera mis au point pour les habitants des différentes villes partenaires souhaitant participer ». Tout le monde pourra donc jouir du spectacle de 2015. Il suffira de se mettre à la queue...
Et les retombées ? On allait oublier... Rien ne se perd, rien ne crée : les 90% de 60 millions €, multipliés par 4 ou 6, ils vont quand même passer quelque part, non ?
Déjà les « différents bords » se disputent une part de l’héritage, un notaire a même été dépêché sur les lieux pour surveiller la clé de répartition et garantir que les sommes adéquates passent bien aux bleus...
Si vous êtes hôteliers, voici le temps venu, donnez vos ordres « Toi la servante, toi la Maria Vaudrait p´t-être mieux changer nos draps ». Si vous vendez du PQ, des plateaux-repas, des draps de soie, des capotes d’origines diverses, des valises et des singes en plastique, hâtez-vous, il y a des affaires à faire. Si vous avez une grosse sono et un petit micro (pléonasme), vous pouvez aussi remettre prix. Si vous louez des tentes, des chapiteaux, des chaises, des tables (hautes), des verres, des verrines, des fourchettes, des hôtesses, et autre matériel pour organiser des évènements, dépêchez-vous d’introduire une candidature. Imprimeurs, traiteurs, réalisateurs, frimeurs : c’est votre heure !
Ainsi seront redistribués les euros publics dans des coffres privés. Et la fête durera toute l’année 2015 et encore2015 autres années. C’est capital la culture.

fRED

[1] "La Communauté française apporte trente millions, indique Yves Vasseur, la Région Wallonne quinze, la ville (de Mons ndlr) trois millions, la Province autour de quatre millions…ça c’est la base des subventions publiques " (86%).http://www.rtbf.be/info/regions/detail_quels-seront-les-sources-du-financement-des-60-millions-de-mons-2015?id=8168455 – Le reliquat est ventilé entre une série de fonds annexes européens (publics) et le sponsoring (privé)

samedi 4 janvier 2014

[Aussi faux que la terre est ronde...]





900 millions de dollars par an...



L’étude publiée à la mi-novembre[1] par le sociologue américain Robert Brulle sur l’origine des fonds qui financent  les climato-sceptiques commence à faire un peu de bruit... L’auteur a passé son temps à « tracer » l’origine des milliards de dollars qui se sont déversés sur des « chercheurs », des « journalistes », des « chroniqueurs », pour alimenter une campagne systématique de négation de la catastrophe climatique qui nous pend au nez. « Une action organisée et délibérée pour induire le débat public en erreur et distordre la représentation que se fait l'opinion du changement climatique » souligne le rapport. Et donc aussi pour peser sur les décisions politiques qui doivent impérativement être prises et qui menacent leurs intérêts ?

L’étude révèle ainsi que près de 7 milliards$ (900 millions$ par an) ont été récoltés par une nébuleuse de fondations entre 2003 et 2010. « Souvent on voit que ce sont des fondations financées par des conservateurs qui sont actives par exemple dans le climato-scepticisme, mais aussi pour lutter contre le droit à l’avortement. Le climato-scepticisme rejoint toute une série d’autres positions politiques, généralement dans la sphère ultraconservatrice du champ politique" estime François Gemenne, chercheur en sciences politiques à l'ULg, coauteur du livre "Controverses climatiques", cité par la RTBF[2]. Ces fondations sont souvent issues de grandes familles qui ont fait fortune dans l'industrie minière, la banque ou encore le pétrole. On peut citer parmi elles la fondation Lynde et Harry Bradley, la fondation Koch[3], la fondation Exxon-Mobil, ou encore la fondation Scaife.
Mais ce phénomène ne se limite pas aux Etats-Unis. Déjà en 2010, le Climate Action Network[4] avait révélé que les européennes EON, BP, BASF, Bayer, Solvay, Arcelor-Mittal, Lafarge et GDF-Suez avaient versé 306.000 dollars à des élus œuvrant contre un projet de loi favorisant l'émergence des énergies propres pour lutter contre le réchauffement climatique.
Au fil du temps, les « généreux donateurs » qui ont investi dans cette campagne ont mis au point un véritable camouflage de leurs opérations. « De 2003 à 2007, les Fondations Koch ou la Fondation Exxon-Mobil étaient lourdement impliquées dans le financement des organisations du contre-mouvement sur le changement climatique, écrit M. Brulle. Mais depuis 2008, elles ne font plus de contributions publiques. De manière concomitante, note-t-il, le Donors Trust (qui collecte les dons de fondations philanthropiques pour les redistribuer de manière opaque) prend une place centrale dans le dispositif. Les trois quarts environ des sommes perçues par la galaxie climato-sceptique américaine sont désormais intraçables »
fRED

[3] Les frères Charles et David Koch sont des industriels américains milliardaires qui utilisent une partie de leur argent (la quatrième fortune des Etats-Unis) à financer des fondations au service de leurs idées d’extrême-droite. Ces milliardaires sont aux côtés des élus du Tea Party et leurs institutions militent notamment contre l’Obamacare, le système d’assurance-santé mis en place par le président Obama.