jeudi 13 février 2014
mardi 11 février 2014
[Le voyage d'Edgard]
Fred m’avait dit la semaine passée d’aller écouter André Henry à Charleroi. Je le connais un peu car mon père a travaillé avec lui à « la Discipline ». Je crois que j’ai gardé quelque chose du nom de cette usine verrière. J’aime bien l’ordre, c’est plus fort que moi.
Samedi vers une heure, j’ai pris le train. Il faisait un temps de chien. Déjà ça, j’étais de mauvaise humeur. Il y avait un siècle que je n’avais pas pris le train pour Charleroi. Je (re)découvrais le parcours, comme souvent sous la pluie… Ce qui m’a frappé, heurté, choqué, c’est l’état des maisons et des autres bâtiments tout au long des voies. Même les gares sont à l’abandon. Et que dire des innombrables usines et ateliers où, jadis, grouillaient tant de gens ? De mon temps… Aujourd’hui, la dorsale wallonne ressemble plus aux vestiges du squelette d’un immense animal industriel qui est mort d’avoir avalé toutes les saloperies qu’on fabriquait dans ses entrailles. Et les gens avec.
Des verreries, des faïenceries, des laminoirs, des charbonnages, des manufactures diverses, il ne reste que ruines. A mains endroits la « nature » a presque recouvert le béton et l’acier. On dirait une planète que les habitants auraient quittée précipitamment. Une guerre ? Une épidémie ? Une contamination chimique ? Mais où sont-ils donc disparus ? Vous êtes certains que ce n’est pas dangereux de faire passer des trains dans des endroits pareils ?
Je me suis réveillé à Monceau, on arrivait. Sitôt sorti de la gare du Sud, le cauchemar me reprend. Cette ville est lugubre. Je n’ai pas de parapluie mais je me mets à espérer une averse infernale pour nettoyer toute cette tristesse. Sitôt passé le pont sur la Sambre, c’est pire encore. Ce n’est plus une épidémie, c’est Beyrouth ! Même la Police qui est réputée indestructible est en voie de l’être…
Sur une vitrine épargnée par les pelleteuses, je reconnais la tronche de Van Cau, l’ancien seigneur du coin. Il semble dire « Sans nous ce serait pire… »
André Henry
J’ai enfin pu m’extraire de ce quartier apocalyptique. Sur la Place Albert 1er, il y a même des lumières qui brillent (en plein après-midi !). « Le Vecteur n’est pas loin dans la rue de Marcinelle » m’avait dit Fred. Je suis trempé et content d’arriver. A l’intérieur tout est en noir et blanc. Ils n’ont pas encore inventé la télé-couleur les rouges ? Ce qui me rassure c’est que les participants sont aussi vieux que moi… Je reconnais deux ou trois anciens camarades à mon père. Mais ça me rassure un peu, il y a encore des êtres vivants sur cette planète. J’ai bien écouté André Henry et ses camarades. J’ai pas tout compris. Il y en a qui sont un peu hermétiques. Mais grâce à André Henry j’ai quand même pigé où sont passés tous les ouvriers de mon cauchemar ferroviaire : il a expliqué comment l’industrie verrière avait pratiquement disparu du paysage carolo. Elle en avait pourtant été la fierté… Il m’a ému quand il a expliqué la résistance des ouvriers qui ont su garder la tête haute même dans les moments les plus durs. C’est vrai que mon père m’expliquait toujours que dans la lutte on peut être battus, mais que le principal c’est de garder sa dignité. André Henry ne s’est pas contenté de parler de leurs combats historiques, il a montré toute l’actualité de ces luttes au moment où on annonce encore des centaines de licenciements à Roux et à Auvelais[1]. Il a aussi eu des mots très justes sur les jeunes qui sont ballottés de sous-statuts en contrats précaires, d’un intérim à un autre, et finalement relégués au chômage… ou même au CPAS.
On a quand même eu droit à quelques chansons que les spectateurs semblaient connaître. Très sincèrement je n’ai pas perdu mon temps samedi après-midi. D’ailleurs la pluie avait cessé quand je suis sorti. Et en retournant, j’ai évité de regarder par la fenêtre du train. D’ailleurs il faisait noir.
—Edgard
[1] Ce lundi 10 février, au cours d’un conseil d’entreprise extraordinaire, la direction d’AGC a annoncé la fermeture de son usine de Roux, dans la région de Charleroi. La multinationale japonaise entame donc la procédure « Renault » visant à licencier la totalité du personnel : 190 travailleurs. C’est un nouveau coup dur pour le Pays Noir et pour le secteur verrier puisque 300 emplois sont menacés également chez Saint Gobain, à Auvelais (Basse Sambre) et que les mauvaises nouvelles s’accumulent dans d’autres secteurs. (voir notre article ici)
Samedi vers une heure, j’ai pris le train. Il faisait un temps de chien. Déjà ça, j’étais de mauvaise humeur. Il y avait un siècle que je n’avais pas pris le train pour Charleroi. Je (re)découvrais le parcours, comme souvent sous la pluie… Ce qui m’a frappé, heurté, choqué, c’est l’état des maisons et des autres bâtiments tout au long des voies. Même les gares sont à l’abandon. Et que dire des innombrables usines et ateliers où, jadis, grouillaient tant de gens ? De mon temps… Aujourd’hui, la dorsale wallonne ressemble plus aux vestiges du squelette d’un immense animal industriel qui est mort d’avoir avalé toutes les saloperies qu’on fabriquait dans ses entrailles. Et les gens avec.
Des verreries, des faïenceries, des laminoirs, des charbonnages, des manufactures diverses, il ne reste que ruines. A mains endroits la « nature » a presque recouvert le béton et l’acier. On dirait une planète que les habitants auraient quittée précipitamment. Une guerre ? Une épidémie ? Une contamination chimique ? Mais où sont-ils donc disparus ? Vous êtes certains que ce n’est pas dangereux de faire passer des trains dans des endroits pareils ?
Je me suis réveillé à Monceau, on arrivait. Sitôt sorti de la gare du Sud, le cauchemar me reprend. Cette ville est lugubre. Je n’ai pas de parapluie mais je me mets à espérer une averse infernale pour nettoyer toute cette tristesse. Sitôt passé le pont sur la Sambre, c’est pire encore. Ce n’est plus une épidémie, c’est Beyrouth ! Même la Police qui est réputée indestructible est en voie de l’être…
Sur une vitrine épargnée par les pelleteuses, je reconnais la tronche de Van Cau, l’ancien seigneur du coin. Il semble dire « Sans nous ce serait pire… »
André Henry
J’ai enfin pu m’extraire de ce quartier apocalyptique. Sur la Place Albert 1er, il y a même des lumières qui brillent (en plein après-midi !). « Le Vecteur n’est pas loin dans la rue de Marcinelle » m’avait dit Fred. Je suis trempé et content d’arriver. A l’intérieur tout est en noir et blanc. Ils n’ont pas encore inventé la télé-couleur les rouges ? Ce qui me rassure c’est que les participants sont aussi vieux que moi… Je reconnais deux ou trois anciens camarades à mon père. Mais ça me rassure un peu, il y a encore des êtres vivants sur cette planète. J’ai bien écouté André Henry et ses camarades. J’ai pas tout compris. Il y en a qui sont un peu hermétiques. Mais grâce à André Henry j’ai quand même pigé où sont passés tous les ouvriers de mon cauchemar ferroviaire : il a expliqué comment l’industrie verrière avait pratiquement disparu du paysage carolo. Elle en avait pourtant été la fierté… Il m’a ému quand il a expliqué la résistance des ouvriers qui ont su garder la tête haute même dans les moments les plus durs. C’est vrai que mon père m’expliquait toujours que dans la lutte on peut être battus, mais que le principal c’est de garder sa dignité. André Henry ne s’est pas contenté de parler de leurs combats historiques, il a montré toute l’actualité de ces luttes au moment où on annonce encore des centaines de licenciements à Roux et à Auvelais[1]. Il a aussi eu des mots très justes sur les jeunes qui sont ballottés de sous-statuts en contrats précaires, d’un intérim à un autre, et finalement relégués au chômage… ou même au CPAS.
On a quand même eu droit à quelques chansons que les spectateurs semblaient connaître. Très sincèrement je n’ai pas perdu mon temps samedi après-midi. D’ailleurs la pluie avait cessé quand je suis sorti. Et en retournant, j’ai évité de regarder par la fenêtre du train. D’ailleurs il faisait noir.
—Edgard
[1] Ce lundi 10 février, au cours d’un conseil d’entreprise extraordinaire, la direction d’AGC a annoncé la fermeture de son usine de Roux, dans la région de Charleroi. La multinationale japonaise entame donc la procédure « Renault » visant à licencier la totalité du personnel : 190 travailleurs. C’est un nouveau coup dur pour le Pays Noir et pour le secteur verrier puisque 300 emplois sont menacés également chez Saint Gobain, à Auvelais (Basse Sambre) et que les mauvaises nouvelles s’accumulent dans d’autres secteurs. (voir notre article ici)
jeudi 6 février 2014
[Georget a refermé son cahier]
Georget Mourin avait pour tout patriotisme un profond instinct de classe, celui qui vous fait préférer le pauvre au riche, le noir au blanc, l'artisan à l'industriel, l'ouvrier au patron, le crosseur au golfeur, l'air pur au grisou. Il était de ces gens qui restent jeunes tant ils restent marqués par leur jeunesse, pauvre et laborieuse. Il m'a raconté comment d'être soumis par le travail l'avait à tout jamais dégoûté du travail soumis. Il me faisait aussi chier. Je pense que c'est parce qu'il était un ami, et plus peut-être...
- fRED
- fRED
lundi 3 février 2014
[Coup de téléphone à Edgard]

Le billet d’Edgard la semaine dernière m’a sérieusement secoué. Et je ne suis pas le seul. Comment est-il possible de rester aussi borné, aussi aveuglé, sur ce qui se passe dans le monde, en commençant par ce qui se passe autour de soi. Tout ça pour l’amour du foot…
J’ai donc décidé de lui téléphoner pour lui dire ce que je pensais.
Au premier abord, il m’a paru bizarre. Après les formules d’usage –« Ca va ? Oui et toi ça va ? Ouais, ça pourrait aller mieux, mais c’est plus cher… »– j’ai commencé à lui annoncer la couleur.
« Edgard, t’exagères avec tes discours d’illuminé. T’as vu les conneries que t’as débité sur le Qatar ? On dirait que tu ne sais pas comment on traite les travailleurs sur les chantiers de la Coupe du Monde 2022. Ces gens-là ne méritent pas une telle exploitation, un tel mépris. On doit respecter les gens qui travaillent ». Il me répond qu’il reconnait s’être un peu emporté. « Après coup, je me suis dit que j’avais été trop loin, mais on ne sait rien de ces pays encore reculés…».
J’ai essayé de lui expliquer que pour certains, le Qatar c’est la Mecque de la modernité capitaliste, qui turbine à coup de pétrodollars avec le soutien des grandes puissances. « Et c’est la logique même du système capitaliste: pour faire un maximum de profits il faut réduire les salaires au strict minimum et limiter au maximum le droit de s’organiser et de se défendre. Ce n’est donc pas parce que nous sommes « plus évolués » que nous avons obtenus des droits, mais grâce aux combats collectifs. Et ces droits il faut sans cesse les défendre car ils sont sans cesse remis en cause par les puissants ».
J’en ai profité pour faire la publicité pour le livre de mon camarade André. « Tu sais André Henry, qui a travaillé à Gilly avec ton père Gustave, il a écrit un chouette bouquin là-dessus. C’est l’histoire du combat des ouvriers verriers de la région de Charleroi. Tu devrais venir samedi au Vecteur [1], il va raconter tout cela avec d’autres camarades. Tu verras, ça va t’éclairer sur ta propre vie et je suis certain qu’après cela tu ne te tromperas plus d’ennemi et tu raconteras moins de bêtises ». Il est parti d’un grand rire et m’a demandé « el Vecteur, c’est où ça ? »
— fRED
chaque lundi, retrouvez Edgard sur mon blog : Fred, Edgard & Cie
[1] Samedi 8 février à partir de 14h – le vecteur – Rue de Marcinelle 30 à 6000 Charleroi Belgique
http://www.lcr-lagauche.org/ai1ec_event/lepopee-des-verriers-du-pays-noir/?instance_id=279
[1] Samedi 8 février à partir de 14h – le vecteur – Rue de Marcinelle 30 à 6000 Charleroi Belgique
http://www.lcr-lagauche.org/ai1ec_event/lepopee-des-verriers-du-pays-noir/?instance_id=279
jeudi 30 janvier 2014
[Appel]
Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer…
Le 25 mai 2014, pour la première fois depuis longtemps, la gauche de gauche aura la possibilité de faire élire des représentant-e-s au parlement fédéral et dans les régions. Aujourd’hui, la fracture sociale qui mène jusqu’à la pauvreté et la destruction de l’environnement nous imposent un choix radical.
Face à la montée des inégalités et du chômage et aux attaques contre les droits sociaux, fruits de décennies de luttes et de sacrifices, face à l’absurde politique de rigueur imposée par la commission européenne avec l’aval de tous les gouvernements nationaux, une autre voix doit se faire entendre dans les enceintes parlementaires. Une voix qui propose des alternatives sociales et écologiques et relaie les luttes sociales sur le terrain. Le Premier mai 2012, la FGTB de Charleroi appelait au rassemblement autour d’une alternative anticapitaliste à gauche du PS et d’Ecolo. D’autres secteurs syndicaux, comme la CNE, se montrent ouverts à cette perspective. Les lignes bougent.
Nous nous engageons dans cette dynamique. C’est pourquoi nous avons décidé d’appeler à voter en faveur des listes PTB-GO ! (Gauche d’Ouverture) qui regroupent autour du PTB des personnalités indépendantes, des militants syndicaux et associatifs et d’autres forces de gauche (le PC et la LCR). Nous ne partageons pas l’ensemble du programme du PTB et nous pouvons même avoir des divergences importantes mais ce parti s’est ouvert et est en évolution.
Il y a urgence : les partis de la gauche traditionnelle (PS et Ecolo) assument les politiques d’austérité et adhèrent au Traité budgétaire européen (TSCG) qui ne fera que les accentuer. Les travailleurs, les femmes, les jeunes, les allocataires sociaux, les personnes d’origine immigrée sont durement frappés. La chasse aux chômeurs s’amplifie. Le sort réservé aux demandeurs d’asile et aux sans papier est indigne d’une démocratie. Les interventions militaires à l’étranger se multiplient. On peut évoquer les rapports de force ou la volonté d’éviter le pire : cela ne suffit plus et cela conforte l’hégémonie d’une droite libérale dont la faillite économique n’a d’égale que son arrogance politique.
Demain des élu(e)s se revendiquant pleinement de la gauche, pourront porter des revendications largement partagées à gauche comme, l’instauration d’une véritable fiscalité sur les grandes entreprises ou la défense des services publics. Par ailleurs, leur présence sera utile à toute la gauche, à ceux qui luttent, à ceux qui doutent, à ceux qui désespèrent de la politique et même à ceux qui tentent de modifier le cours des partis traditionnels. Voilà pourquoi nous pensons que cette fois voter pour les listes PTB–GO !, c’est faire progresser l’ensemble de la gauche. C’est le sens de l’appel que nous lançons : il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer.
Voici la liste des premiers signataires.
Pour
assurer le succès de l'appel et surtout celui des listes PTB-GO,
réjoignez- les en envoyant un mail à l'adresse : gauchedouverture(at)gmail.com et en indiquant votre qualité et votre localité.
Patrick Bebi, Acteur-Metteur en scène
Jean-Marie Chauvier, auteur
François D’agostino, membre du bureau politique du PC.
Noëlle De Smet, militante au CGé (Changement pour l’égalité)
Josy Dubié, Sénateur Honoraire
Fabrice Epis, secrétaire principal CNE Région Bruxelles- brabant wallon – retraité
Hugues Le Paige, journaliste-réalisateur
Anne Löwenthal, Blogueuse militante
Anne Morelli, Professeure de l’U.L.B.
Fabrice Murgia, acteur et metteur en scène
Christian Panier, juge honoraire, enseignant UCL
Irène Petre, Permanente Nationale CNE (secteur commerce) – retraitée
Isabelle Stengers, philosophe, Université Libre de Bruxelles
Daniel Tanuro, Ingénieur agronome, membre de la direction de la LCR
Lise Thiry, virologue
Christian Viroux, ex-secrétaire régional FGTB Centrale générale
[25 mai 2014 : faire entendre une voix de gauche]
637 jours après l’appel de la FGTB Charleroi le 1er mai 2012, des listes de rassemblement intitulées PTB-GO ! ont été présentées officiellement à la presse. Objectif : faire entendre une voix de gauche dans la campagne pour les élections de mai 2014, et offrir la possibilité d’un vote utile à gauche de la gauche. La LCR se réjouit du fait que se regroupent ainsi autour du PTB des personnalités indépendantes, des militants syndicaux et associatifs ainsi que le PC et la LCR, dans le respect de l’identité et des spécificités de chacun.
Gauche d’ouverture
La dynamique lancée le Premier Mai 2012 par les syndicalistes de Charleroi reçoit ainsi une première concrétisation. La Conférence de Presse de lancement de PTB-GO ! est à l’image de cette dynamique : une quinzaine de personnalités de milieux divers ont en effet présenté un Appel (voir le texte ci-dessous) qui débute par ces mots : « Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer ». Elles l’ont fait en présence des principaux membres du Comité permanent de la FGTB de Charleroi, non signataires de l’Appel, mais venus se réjouir publiquement du fait qu’un premier pas ait été franchi dans le sens de leurs prises de position.
Hugues Lepaige : « L’appel de la FGTB carolorégienne a constitué un moment fondateur »
Présentant la conférence de presse, Hugues Lepaige (journaliste et réalisateur), a campé brièvement l’initiative de l’Appel « Il y a des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer ». « L’appel de la FGTB carolorégienne a constitué un moment fondateur. Nous nous inscrivons dans cette dynamique », a-t-il dit.
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Carlo Briscolini |
Au nom des responsables de la FGTB de Charleroi, presque tous présents, Carlo Briscolini, président de la régionale, s’est félicité du fait que trois partis de gauche aient pu se regrouper, avec l’appui de personnalités indépendantes. « Nous nous réjouissons de cette première étape dans la réponse à notre appel du Premier Mai 2012, a-t-il déclaré. » Rappelant les principes de l’indépendance syndicale, il a noté que les 30 années écoulées n’ont été qu’un long tunnel d’austérité sans fin. « La gauche de gouvernement nous promet toujours que demain ça ira mieux mais il n’y a jamais de lendemain pour les syndicats », a-t-il résumé. Et de conclure : « Un syndicat fort sans un parti fort à gauche, c’est une voie sans issue ».
Irène Pètre : « Une gauche gouvernementale qui fait payer la crise aux plus fragiles peut-elle encore s’appeler gauche ? »
Irène Pètre a rappelé l’événement de la Géode, au cours duquel Isabelle Wanschoor, au nom de la CNE, a soutenu l’appel de la FGTB de Charleroi et salué le courage de ses dirigeants. Elle aussi a souligné à quel point la CNE est attachée à l’indépendance syndicale. Elle a attiré l’attention sur le fait que Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la Centrale, s’est exprimé en faveur d’un rassemblement à gauche du PS et d’Ecolo. « Le plus dur à supporter, pour les syndicalistes, a été le vote du Traité budgétaire européen : la gauche s’est lié les poings et les pieds, elle renonce aux politiques sociales. » Pointant l’exclusion de 55.000 chômeurs, dont une majorité de femmes, l’ex-secrétaire de la CNE pose la question : « Une gauche gouvernementale qui fait payer la crise aux plus fragiles peut-elle encore s’appeler gauche ? » Et de dénoncer la mise à l’écart des syndicats, empêchés de faire leur « core business » par la politique gouvernementale.
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Irène Pètre, Daniel Tanuro, Isabelle Stengers |
Daniel Tanuro (LCR) a parodié Magritte : « ceci n’est pas une crise », a-t-il dit, mais une double impasse du capitalisme, sociale et écologique. La social-démocratie et les verts trompent leurs électeurs en disant qu’on en sortira par des sacrifices: outre que ceux-ci rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, ils ne permettent pas tracer une sortie de crise socialement juste, démocratique et écologiquement soutenable. Les mouvements syndicaux ont donc besoin d’un nouveau relais politique, anticapitaliste. C’est le sens de l’appel de la FGTB de Charleroi. A la LCR, nous avons estimé que cet appel ne pouvait pas rester sans au moins un début de concrétisation dans les élections de 2014. Les listes PTB-GO ! sont une solution créative pour concilier le sigle PTB et l’appel au rassemblement. La LCR s’y engage avec enthousiasme. Nous ferons tout pour que des représentants soient élus. Mais nous maintenons notre identité. Nous appellerons à voter préférentiellement pour nos candidat-e-s, pour une alternative non seulement anticapitaliste mais écosocialiste – car il faut sortir du productivisme, non seulement anticapitaliste mais féministe – car il faut sortir aussi du patriarcat ».
Jean Fagard : « Nous avons constaté des évolutions, de part et d’autre, et des convergences »
Jean Fagard a rappelé la longue expérience du PC en matière de rassemblement à gauche. « Nous avons estimé qu’il était inutile, voire nuisible de présenter des listes séparées, a-t-il dit. De plus, nous avons constaté des évolutions, de part et d’autre, et des convergences. Par exemple sur la défense des services publics, le logement et les revendications sociales en général. » Et Fagard de rappeler que le PC à Liège a déjà eu une expérience de liste commune avec le PTB. En conclusion, il a souligné que le PC s’inscrit lui aussi dans le cadre de l’appel lancé par la FGTB carolo, et précisé que la participation de la LCR au rassemblement avait été un élément important dans la décision prise par son parti.
Isabelle Stengers : « On nous dit que nous n’avons pas le choix, mais nous avons le choix de la révolte »
Isabelle Stengers en aura surpris plus d’un-e en disant qu’elle n’avait pas hésité une seule seconde à rejoindre l’initiative. En cause : l’émission de la RTBF collant l’étiquette « populistes » au PTB et amalgamant ce parti à Aube Dorée. « Voilà comment seront traités tous ceux qui osent l’insoumission à une société dans laquelle il y a une absence totale de perspectives, a-t-elle déclaré. Je soutiens cette initiative parce qu’elle permet de nous opposer à tout ce qui nous demande de nous soumettre à une société sans issue. On nous dit que nous n’avons pas le choix, mais nous avons le choix de la révolte. »
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Jean Fagard, Josy Dubié, Raoul Hedebouw, Hugues Lepaige |
Josy Dubié s’est réjoui de la présence nombreuse des syndicalistes à cette conférence de presse. Attirant l’attention sur les désaccords qu’il a avec le PTB, il a ensuite souligné l’évolution positive de ce parti, concrétisée notamment dans le fait que le livre de Raoul Hedebouw comporte un long chapitre sur l’écologie. « Car en effet nous devons mettre en cause le productivisme. Il faut produire, mais aussi respecter l’environnement, les pauvres sont les premières victimes des catastrophes écologiques ». Comme d’autres, J. Dubié a condamné l’attitude des partis traditionnels sur le Traité budgétaire européen : « Il instaure une austérité sans fin alors que l’austérité est le problème, pas la solution ». Citant le rapport d’Oxfam sur l’inégalité sociale (les 85 plus riches possèdent autant que 3,5 milliards d’individus), il a dénoncé la fracture sociale : « jamais dans l’histoire on n’a produit autant de richesses aussi mal réparties ».
Raoul Hedebouw : « Une gauche de principes, décomplexée et plurielle »
Raoul Hedebouw a conclu que le succès des listes PTB-GO ! ferait du bien à toute la gauche parce qu’il permettrait de rouvrir les débats sur les grands enjeux. Citant en exemple l’adoption du traité budgétaire « passé somme une lettre à la poste », il a dénoncé l’absence de tout débat à ce sujet dans les parlements. Parlant du rassemblement, il a dit : « Le PTB a tendu la main, c’est un point de départ, au-delà des élections, le débat permettra d’aller plus loin ». Et de rappeler que le PTB est un parti national, partisan d’une « gauche de principes, décomplexée et plurielle ».
En réponse à une première question sur le poids que la gauche radicale pourrait avoir face à la droite flamande, Raoul Hedebouw a souligné : « On nous pousse depuis trente ans à des réponses individualistes ; la droite répond à ce « je » par un « nous nationaliste», l’enjeu pour la gauche est de reconstruire un « nous » des travailleurs.
Interpellé sur l’efficacité qu’auraient un ou deux élus dans les assemblées, il a répondu que l’histoire s’est construite ailleurs qu’au parlement et que les élus PTB-GO! seraient le relais d’un rapport de forces à construire dans la rue.
C. Briscolini : « Après les élections, nous serons derrière eux pour les contrôler »
Interrogé à son tour, Carlo Briscolini a rappelé que le combat de la FGTB de Charleroi pour un rassemblement anticapitaliste à gauche du PS et d’Ecolo était un combat de long terme. « Nous ne sommes pas des sprinters mais des marathoniens. Dans ce processus, personne n’est exclu, nous nous adressons aussi aux membres du PS et d’Ecolo. S’adressant au PTB, au PC et à la LCR, le président de la FGTB carolo a déclaré : « Après les élections, nous serons derrière eux pour les contrôler, sur base de notre programme d’urgence en dix points ». Evoquant la culture de débat nécessaire à la gauche, Carlo a souligné l’importance d’un débat en profondeur, qui ne se limite pas aux cadres dirigeants, un débat dans lequel il a plaidé pour un « droit de tendance » : « c’est quand il y a de la discussion, de la contestation, que différentes tendances s’expriment qu’un débat permet d’avancer », a-t-il conclu.
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