mardi 8 mars 2011

[la révolution tunisienne - R+53 -] 17

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Pour la deuxième fois en une semaine, dès le matin, je dois prendre l'avion à l'aéroport de Djerba. Même odeur, même amoncellement de réfugiés en provenance de Libye. La couleur des peaux a changé : quelques chinois et vietnamiens, un peu plus de bengalis, et beaucoup  de ghanéens.
Un touriste belge se plaint de l'état des toilettes. Un autre s'étonne que le personnel de l'aérogare porte gants et masque... alors « qu’on ne nous a rien donné » ! L'hôtesse d'un tour opérateur négocie -sans nous consulter- que ses clients (nous) puissent passer sans encombre "au milieu de tout ça"... Personne ici n'a donc compris que c'est nous qui sommes, bien involontairement certes, des intrus dans ce qui est devenu une annexe de camp de réfugiés? Que nous sommes des privilégiés car nous voyageons librement et volontairement?
Heureusement au milieu de ce torrent d’égoïsme, un employé de l'aéroport tient des propos "humains". A propos des toilettes, il explique que le hall d'embarquement a été vidé et nettoyé complètement vers trois heures du matin. Mais dit-il, "on n'est pas équipé pour abriter 7 à 8000 personnes par jour, ça dure depuis le 20 février".
Dans cette débâcle il note néanmoins des souvenirs positifs : une nuit de la semaine dernière, une égyptienne a accouché à l'infirmerie. "Quand le bébé est arrivé le hall est devenu une grande famille en fête! On chantait dans toutes les langues". Tout le personnel a apporté quelque chose, des couches, de la nourriture, des vêtements.
"Et depuis le début, il y a eu une solidarité formidable" poursuit-il, "des gens se sont mobilisés de partout pour apporter de la nourriture, des couvertures, des cartes et des chargeurs pour les GSM". Il explique que certains sont venus après leur boulot, la nuit, pour aider à distribuer, pour nettoyer. "Maintenant les étrangers sont enfin arrivés avec du matériel et des équipes... et des caméras ! Un peu tard..."
Un ghanéen m’explique son parcours. « Je viens d’Al Djoufrah, une région du centre de la Libye. Je travaillais dans le  bâtiment. On est restés chez nous parce qu’on avait peur,  ils sont racistes, ils faisaient la chasse aux noirs. La police est venue m’arrêter et m’ont pris mes papiers. Ils ont exigé que je leur donne tout ce que j’avais, ils m’ont tout volé : une tv, un fer à repasser et un GSM et l’argent. Ils pensaient que j’en avais caché, alors ils m’ont frappé pour que je leur dise où. C’était la même chose avec mes autres collègues. Quand ils ont tout eu ils nous ont donné nos passeports et on est partis ».

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