mardi 4 septembre 2012

[Tunisie : la révolution continue !]

Tunisie : la révolution continue !


Entretien avec Abdessalem Hidouri* 
(30 août 2012)

Peut-on parler de "raz-de-marée islamiste" à propos de la victoire d'Ennahda aux élections d'octobre 2011 ?
C'était une victoire en termes de nombre d'élus : Ennahda a en effet obtenu 41 % des sièges. Mais un électeur sur deux n'est pas allé voter, et le mode de scrutin démultipliait le score des listes arrivant en tête. En termes de voix, seulement 18 % des électeurs ont en fait voté pour Ennahda.
Ces élections ont constitué une tentative de détournement du processus révolutionnaire. Elles ont été organisées par les forces qui voulaient bloquer le processus révolutionnaire, avec le soutien du patronat tunisien et international, de l'Union européenne, de la Banque mondiale, du Qatar, etc.
Maintenant, nombre de ceux qui ont voté pour Ennahda sont déçus par la politique du gouvernement. Ils demandent que le gouvernement Ennahda "dégage", car celui-ci est dans l'impasse : il n'a pas de programme permettant de résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques.

Comment le pouvoir se situe-t-il par rapport aux salafistes qui ont commis une série d'agressions ces derniers mois ?
Ennahda pratique un double langage. Dans les faits, les salafistes sont très liés à Ennahda, et en particulier au ministre Ennahda de l'Intérieur.
Les salafistes servent souvent de milices au pouvoir. Ils ont par exemple été utilisés comme hommes de main lors de plusieurs manifestations pour attaquer des militants politiques de gauche et des syndicalistes de l'UGTT.

Les luttes ont faibli à partir d'avril-mai 2011. Comment ont-elles évolué depuis ?
On assiste à une remontée des luttes depuis février 2012. La politique du gouvernement en place suite aux élections d'octobre 2011 est en effet dans la continuité de celle Ben Ali.
Comme avant le 14 janvier, les manifestants se battent pour des revendications sociales : l'emploi, la justice sociale, la fin des inégalités régionales, la défense des droits des femmes, etc. Des mobilisations ont également éclaté cet été pour le droit à l'eau, le droit à l'électricité, ainsi que pour la défense des droits des femmes. De nombreuses luttes ont également lieu dans les entreprises, comme par exemple à l'hôpital de Sfax où quatre syndicalistes ont été emprisonnés. Début septembre, les mobilisations devraient reprendre de plus belle.
Les syndicalistes participent pleinement aux mobilisations. Une véritable dynamique existe entre le syndicalisme et le reste du mouvement social. Le rôle de l'UGTT est décisif pour que cette articulation se développe.
Lorsque la LGO dit "la révolution continue", il ne s'agit pas d'un simple slogan. Cela se situe dans la continuité des luttes des jeunes, des syndicalistes, des femmes, etc. Les mobilisations qui ont eu lieu comme à Sidi Bouzid prouvent que le processus continue.

Comment les mobilisations sont-elles organisées ?
Le déclenchement de la révolution de 2011 a largement reposé sur des mobilisations spontanées.  Mais les organisations de gauche ont contribué à leur structuration, avec la constitution du Front du 14 janvier et les Comités de sauvegarde de la révolution.
Il en va de même aujourd'hui. Les manifestations de diplômés-chômeurs ont, par exemple, été rendues possibles par l'existence de l'UDC (Union des diplômés chômeurs). Les récentes mobilisations de Sidi Bouzid ont, par exemple, reposé sur le Comité local de protection de la révolution impulsé par le Front du 17 décembre, qui regroupe l'ensemble des organisations de gauche et nationalistes, ainsi que des militants indépendants.

Que penser des tentatives de regroupements autour des anciens politiciens bourguibistes et bènalistes au nom de la lutte contre les menaces que les islamistes font peser sur les libertés ?
Face au pôle islamiste, un second pôle tente de se structurer autour d'Essebsi, un ancien bourguibiste qui avait été Premier ministre en 2011 entre le 27 février et la fin de l'année. Des partis issus du centre ou de la gauche (dont notamment celui ayant pris la suite de l'ancien Parti communiste tunisien) se sont déclarés prêts à y participer.
Refusant de se laisser enfermer dans cette bipolarisation entre deux tenants du néo-libéralisme, la LGO avait appelé, le 29 mars 2012, à la construction d'un troisième pôle "dont le centre de gravité, le garant de son unité et de la cristallisation de sa force serait l’UGTT". (1)
Mais la direction de l'UGTT refuse de participer à la mise en place d'une alternative politique aux deux pôles dominants. Elle a préféré appeler, le 18 juin, à "un dialogue sérieux, structuré et permanent en vue de trouver un consensus sur les grandes questions suscitant des tiraillements entre les différents partenaires de la vie politique nationale" aux niveaux "économique, social et sécuritaire". (2)

Où en est le regroupement des forces de gauche ?
Un premier regroupement avait eu lieu, le 20 janvier 2011, entre les groupes d'origine marxiste-léniniste (dont le PCOT, et trois courants Patriote démocrates), les trotskystes de la LGO, des partis nationalistes (nassérien et baathiste) et d'autres forces de gauche. Ce Front constitué autour de quelques mots d'ordre immédiats avait rapidement éclaté.
Suite aux élections du 23 octobre des discussions ont eu lieu entre les forces qui avaient participé au Front du 14 janvier, auxquelles se sont jointes d'autres courants de gauche ainsi que des militants individuels. Elles ont abouti sur la décision de créer un nouveau front, sous le nom de "Front populaire du 14 janvier". (3)
L'accord intervenu porte notamment sur les points suivants :
- la nécessité de continuer la révolution,
- la volonté de développer le Front dans les régions pour organiser localement les mobilisations au niveau social, démocratique et politique,
- l'identification des forces hostiles à la révolution et à la classe ouvrière.
Les discussions continuent actuellement. Une conférence est en préparation pour proclamer la fondation de ce Front.

Notes :
(1) "Tunisie : pour un pôle ouvrier populaire autour de l’UGTT" (29 mars 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article24953
(2) "L’initiative de l’UGTT sur le lancement d’un conseil de dialogue national" (18 juin 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26202
(3) "Tunisie : le regroupement à gauche franchit une nouvelle étape" (18 août 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26107
"Rapprochements au sein de la gauche tunisienne" (19 juillet 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article25957

* Originaire de Sidi Bouzid, Abdessalem était un des coordinateurs des mobilisations parties de l'intérieur du pays qui avaient fait tomber les deux gouvernements mis en place après la chute de Ben Ali (Casbah 1 et 2). Membre du Bureau politique de la LGO, il a participé à l'Université d'été du NPA.

lundi 11 juin 2012

Appel unitaire de la gauche belge en solidarité avec le peuple grec contre l'austérité de la Troïka

Appel unitaire de la gauche belge en solidarité avec le peuple grec contre l'austérité de la Troïka

Par le biais des élections du 6 mai, le peuple grec a confirmé ce qu’il hurle depuis bientôt trois ans: « nous refusons de payer la crise des banques et des élites politiques ». Les deux partis traditionnels, Nouvelle Démocratie (droite) et PASOK (« socialiste »), ont été lourdement sanctionnés pour leur soutien et leur mise en oeuvre des mesures d’austérité extrêmement violentes imposées par la « Troïka » (FMI, UE, BCE). Loin de « sauver » la Grèce, ces mesures ne servent qu’à renflouer les banques allemandes, françaises, belges,… qui risquent gros en cas de défaut de paiement du gouvernement grec.
Mais ces mesures ont surtout servi à imposer des politiques antisociales au peuple grec : baisse drastique des salaires (plus de 25% en deux ans), fermetures d’hôpitaux et privatisations en tout genre, baisse de toutes les allocations sociales. Tout cela sans toucher aux fortunes des armateurs, de l'armée et de l'Eglise Orthodoxe. Pendant ce temps, le chômage a explosé pour atteindre 25%, et même 50% chez les jeunes. Aujourd’hui les suicides dus à la crise se multiplient et les cas d’enfants mal nourris qui s’évanouissent à l’école sont fréquents.
Le peuple grec a exprimé massivement et démocratiquement son refus de cette politique, en accordant près de 30% de ses voix à la gauche anti-austérité. Pourtant, l’UE et les médias ont accusé sur tous les tons les dirigeants de SYRIZA de bloquer une solution politique «raisonnable», qui consisterait à former un gouvernement d’union nationale pour prolonger et donc accentuer la politique de misère que la Troïka proclame être la seule possible ! les classes dominantes européennes sont maintenant inquiètes : la Grèce devient « ingouvernable », cela veut dire en fait qu’aucun gouvernement prêt à se soumettre aux exigences de la Troïka ne bénéficierait d’une majorité au parlement ! Les dirigeants du PASOK et de ND, et leurs collègues européens, notamment du gouvernement allemand mais aussi le belge Karel de Gucht (Open VLD), commissaire européen au commerce, ont lancé une campagne de propagande tous azimuts pour maintenir le pillage de la société grecque en faveur de la « bancocratie » européenne et mondiale. La menace d’expulser la Grèce de la zone euro se fait de plus en plus concrète.
Tous ces apôtres de l’austérité démontrent donc que la volonté du peuple leur importe peu. C’est la dictature des marchés à tout prix qui règne. Pour satisfaire leurs maitres européens et banquiers, le PASOK et ND ont déjà matraqué, gazé et enfermé des milliers de Grec-que-s qui tentent de leur rappeler ce que signifie le mot démocratie. C’est à coups de matraques et dans le sang qu’on pousse les Grec-que-s à la misère. Ces politiques et la répression qu’elles entrainent font aussi le lit du racisme et du fascisme. Les résultats du parti nazi Aube Dorée et de l’extrême droite renforcent encore le besoin de soutenir le peuple grec dans sa résistance pour des solutions justes et solidaires. Les « bancocrates » sèment la haine et la peur mais le peuple refuse de céder à leur répression.
C’est en Grèce que se joue l’avenir des peuples européens, la Commission et les banques essayent déjà d’imposer les mêmes « solutions » à l’Italie, à l’Etat Espagnol et au Portugal. Si nous ne les arrêtons pas, la Belgique suivra. Toute l’Europe se voit confrontée à des degrés divers à ce même diktat de l’austérité, chez nous menée par le gouvernement Di Rupo (PS). C’est pourquoi une victoire contre cette politique en Grèce donnera du courage et de l’espoir à tous les peuples européens dans leur lutte contre l’Austérité.
Nous, militantes et militants en Belgique, issus des mouvements sociaux, des syndicats, de partis politiques de la gauche, déclarons soutenir le peuple grec dans ce moment historique, contre le chantage indigne des dirigeants européens.
- Nous refusons de laisser le peuple grec isolé face aux attaques d'austérité.
- Nous sommes solidaires de la lutte du peuple grec contre les politiques d'austérité ainsi que de son aspiration à un gouvernement qui appliquera ses revendications, comme l'annulation immédiate des programmes d'austérité de l'UE et le FMI, l'audit de la dette et l'annulation de la dette illégitime.
- Nous condamnons l'attitude et le chantage de l'UE et des gouvernements qui dénie au peuple grec son droit démocratique de choisir sa politique sociale et économique, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'eurozone.
- Nous appelons dans ce sens à une convergence des résistances au-delà des frontières, pour rejeter l'austérité et le défaitisme, pour triompher de la droite extrême et pour construire une autre Europe au service des besoins sociaux de toutes et tous et des nécessités environnementales.
Sur base de ces mots d'ordre, nous appelons, comme plusieurs organisations
[1], à la manifestation « Ni en Grèce, ni en Belgique, ni nulle part! » de ce mercredi 13 juin, au départ de la Bourse de Bruxelles à 18h, vers l'ambassade de Grèce 


Premiers signataires :
Baptiste Argouarc'h - Freddy Bouchez (coordinateur de l’ASBL CEPRé, militant FGTB Centre) - Yannick Bovy (réalisateur, militant syndical et associatif) - Céline Caudron (Ligue Communiste Révolutionnaire) - Alixe Constant (Théâtre des Rues) - Marie-Françoise Cordemans  - Jean Delval (Théâtre des Rues)- Nuray Dogru - Guy Fays (secrétaire régional, FGTB Namur) - José Garcia (syndicat des locataires) - Sophie Heine (politologue a l'ULB et à l'Universite d'Oxford) - Dalila Larabi (animatrice au Bureau wallon des Femmes du CEPAG) - Mattheu Lietaert (docteur en sciences politiques et co-réalisateur de "The Brussels Business") - Herman Michiel (Ander Europa) - Silvio Marra (ex-délégué FGTB aux Forges de Clabecq) - Céline Moreau (Jeunes FGTB) - François Polet (Centre Tricontinental –Cetri) - Hamel Puissant (animateur-formateur en Education permanente) - Jean-François Ramquet (secrétaire régional interprofessionnel FGTB Liège-Huy-Waremme) - Gérald Renier (section bruxelloise des Etudiants FGTB) - Danièle Ricaille (Théâtre des Rues) - Herman Van Laer (afgevaardigde ABVV Evonik Degussa) - Felipe Van Keirsbilck (secrétaire Général de la CNE) - Jean Vogel (professeur ULB) - Thomas Weyts (Socialistiche Arneiderspartij)
[1] Ander Europa ; Attac ULB ;  Centrale Nationale des Employés (CNE) ;  Centre Tricontinental (CETRI) ; Comité Mapuche Belgica (COMABE) ; Comac ; Comité d'Action contre l'Austérité de l'asbl Cepré (Centre d'Education Populaire Régional) ; Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM) ; Comités Action Europe ; Egalité ; Etudiants FGTB Bruxelles ; Etudiants de Gauche Actifs - Actief Linkse Studenten (EGA - ALS) ; Fédérations bruxelloise et liégeoise du Parti Communiste ; Initiative de Solidarité à la Grèce qui Résiste ; Jeunes Anticapitalistes (JAC) ; Jeunes FGTB ; Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) ; Ligue Communiste Révolutionnaire / Socialistische Arbeiderspartij (LCR-SAP ; Parti Humaniste ; Parti Socialiste de Lutte - Linkse Socialistische Partij (PSL - LSP) ; Rood! ; Socialisme 21 ; Syriza Belgique ; Théâtre des rues ; Vie Féminine Bruxelles ; Vonk/Unité Socialiste ; Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) ; Links en Ecologisch Forum (LEF) ; PTB/Pvda ; ATTAC Bruxelles 2 ; Vrede VZW ; Section du Parti de la Rifondazione Comunista de Bruxelles "E. Berlinguer" ; Parti Communiste Wallonie-Bruxelles ; Ligue Communiste des Travailleurs (LCT) ; ZINTV ; Izquierda Unida Bélgica

mercredi 30 mai 2012

Ni en Grèce, ni en Belgique, ni nulle part!

Συγκέντρωση αλληλεγγύης στον ελληνικό λαό ενάντια στη λιτότητα, την τραπεζοκρατία και την Τροικα, στις 13 Ιούνη στις Βρυξέλλες.
Στις 13 του Ιούνη οι δρόμοι των Βρυξελλών θα πλημμυρίσουν ελπίδα!
ο ΣΥΡΙΖΑ Βελγίου συμμετέχει σε αυτή τη συγκέντρωση και υπογράφει το κάλεσμα, το οποίο ξεκίνησε από πρωτοβουλία Βέλγικων οργανώσεων.
ΛΑΟΙ ΤΗΣ ΕΥΡΩΠΗΣ ΕΝΩΘΕΙΤΕ!
Ni en Grèce, ni en Belgique, ni nulle part! 
Van Rompuy, Di Rupo, De Gucht, nous refusons votre austérité!





Manifestation 
ce mercredi 13 juin, à 18h, 
au départ de la Bourse vers l'ambassade de Grèce
  • Nous refusons de laisser le peuple grec isolé face aux attaques d'austérité.
  • Nous sommes solidaires de la lutte du peuple grec contre les politiques d'austérité ainsi que de son aspiration à un gouvernement qui appliquera ses revendications, comme  l'annulation immédiate des programmes d'austérité de l'UE et le FMI, l'audit de la dette et l'annulation de la dette illégitime.    
  • Nous condamnons l'attitude et le chantage de l'UE et des gouvernements qui dénie au peuple grec son droit démocratique de choisir sa politique sociale et économique, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'eurozone. 
  • Nous appelons dans ce sens à une convergence des résistances au-delà des frontières, pour rejeter l'austérité et le défaitisme, pour triompher de la droite extrême et pour construire une autre Europe au service des besoins sociaux de toutes et tous et des nécessités environnementales.
Premières organisations signataires (au 29/05):
Ander Europa
Comités Action Europe
Comité d'Action contre l'Austérité de l'asbl Cepré (Centre d'Education Populaire Régional)
Comité pour l'Annulation de a Dette du Tiers-Monde (CADTM)
Egalité
Initiative de Solidarité à la Grèce qui Résiste
Jeunes Anticapitalistes (JAC)
Jeunes FGTB
Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC)
Ligue Communiste Révolutionnaire/Socialistische Arbeiderspartij (LCR-SAP)
Parti Communiste de Bruxelles
Parti Humaniste
Théâtre des rues
Vonk/Unité Socialiste
Pour soutenir la manifestation en tant qu'organisation, écrire à anti.austerite@gmail.com

samedi 19 mai 2012

Syriza ou la percée magistrale d’une expérience unitaire unique et originale

 Syriza ou la percée magistrale d’une expérience unitaire unique et originale
Épouvantail pour « ceux d’en haut », espoir pour « ceux d’en bas », SYRIZA fait une entrée fracassante sur la scène politique de cette Europe en crise profonde.
par  Yorgos Mitralias
Après avoir quadruplé sa force électorale le 6 mai, SYRIZA ambitionne maintenant non seulement de devenir le premier parti de Grèce aux élections du 17 juin, mais surtout de pouvoir former un gouvernement de gauche qui abrogera les mesures d’austérité, répudiera la dette et chassera la Troïka du pays. Ce n’est donc pas une surprise si SYRIZA intrigue fortement au delà de la Grèce, et si pratiquement tout le monde s’interroge sur son origine et sa vraie nature, ses objectifs et ses ambitions.
Cours d'économie, Place Syntagma.
Cependant, SYRIZA n’est pas exactement un nouveau venu dans la gauche européenne. Né en 2004, la Coalition de la Gauche Radicale (SYRIZA) aurait due attirer l’attention des politologues et des médias internationaux ne serait-ce que parce qu’elle était, dès ses débuts, une formation politique totalement inédite et originale dans le paysage de la gauche grecque, européenne et même mondiale. D’abord, à cause de sa composition. Formée de l’alliance de Synaspismos (Coalition), un parti réformiste de gauche de vague origine eurocommuniste ayant de représentation parlementaire, avec une douzaine d’organisations d’extrême gauche, qui couvrent presque tout le spectre du trotskisme, de l’ex-maoïsme et du « movimentisme », la Coalition de la Gauche Radicale constituait déjà à sa naissance une exception à la règle qui voulait –et continue à le vouloir- que les partis plus ou moins traditionnels à la gauche de la social-démocratie ne s’allient jamais avec les organisations d’extrême gauche !

jeudi 17 mai 2012

[A gauche, le débat enfin ouvert ?]


A gauche, le débat enfin ouvert ?
Le 1er mai 2012 fera date pour la gauche en Belgique. Dans des échos publiés la veille et dans son discours le 1er mai face aux militants rassemblés devant la FGTB carolo, le Secrétaire Régional, Daniel Piron, a exprimé avec force et clarté ce que des centaines de militants syndicaux ne cessent de se répéter depuis des années : le syndicalisme est orphelin, ses « relais politiques naturels » le Parti Socialiste et (dans une moindre mesure) Ecolo, ont achevé leur conversion au libéralisme économique et se contentent dès lors « d’accompagner » le capitalisme et de soigner ses crises à répétition avec de la poudre de perlimpinpin.
Ce que vivent chaque jour les travailleur(se)s et leurs déléguéEs, c’est l’extrême sauvagerie de ce système inhumain : restructurations, licenciements, durcissement des conditions de travail, exclusion, racisme et précarité à tous les étages, mise en concurrence des travailleurs, chômage massif, politiques d’austérité, attaques contre les conquêtes sociales, contre les services publics, etc.… ne sont que le résultat de la course au profit qui est le fondement même du système. Daniel Piron le proclame « Il nous faut, et je sais, chacun d’entre nous, chacun d’entre vous, convaincus, mettre ce système capitaliste aux oubliettes de l’histoire.  Ce système ne peut être réformé. Il doit disparaître. » 
C’est au nom de toutes les composantes de la FGTB de Charleroi (la 2ème régionale de la FGTB wallonne en nombre d’affiliés) qu’il ajoute : « Combien de temps allons-nous encore, Camarades, nous laisser tondre la laine sur le dos ? Quel est le déclic dont nous avons besoin pour que la peur change de camp ? »
Après avoir passé en revue  les dérobades, reculs (sinon trahisons) des sociaux-démocrates, estimant « qu’à force de composer, on se décompose, on se dilue.  Et pour l’instant, c’est la gauche qui se dilue dans la droite » le responsable de la FGTB a lancé un appel sans ambigüité : « Aujourd’hui, camarades du PS, la politique du moindre mal ne passe plus chez nos militants. La phrase magique « ce serait pire sans nous » fait offense à leur intelligence. (…) Ce que nous lançons comme appel, c’est un appel à rassembler à gauche du PS et d’ECOLO.  Il y a là des forces vives, actives, militantes et anticapitalistes porteuses d’espoir pour le monde du travail. Je sais que cela ne sera pas chose facile, mais si chacun peut faire un pas vers l’autre, PTB, LCR, PSL, PC, gauche chrétienne peut-être, gauche du PS et d’ECOLO s’il en reste, sûrement, nous pourrons certainement , nous l’appelons de toutes nos forces, renouer avec l’espoir pour le monde du travail. (…) Et ce, en toute indépendance syndicale s’entend. »
Un simple discours de 1er mai ? Non, car Daniel Piron précise immédiatement : « Mais se contenter de l’affirmer du haut de cette tribune ne suffit pas.  Faut-il encore nous en donner les moyens et le relais politique pour concrétiser notre objectif. »
Et d’insister sur la méthode : « Mais l’indépendance syndicale n’est pas synonyme d’apolitisme.  Et chacun sait l’importance d’un relais politique. Nous n’agirons toutefois nullement dans la précipitation.  Loin de nous cette idée de construire cette force à gauche du PS et d’ECOLO dans les prochains jours ou prochaines semaines. Un travail en profondeur reste à mener d’abord avec nos militants même si nous sommes convaincus qu’ils partagent notre vision. C’est eux qui l’ont générée. Après les élections communales, sur base du programme de la FGTB, nous interpellerons les forces de gauche (…) et nous mesurerons à quel niveau elles partagent nos valeurs et nos objectifs. »
Chacun doit prendre ses responsabilités
Si ces déclarations ont été chaleureusement applaudies par les centaines de militant(e)s syndicaux(ales)  présent(e)s à Charleroi, il faut bien constater que cet appel n’a pas encore reçu l’accueil qu’il est en droit d’attendre au sein des différentes composantes de la gauche. Le PS minimise : « on est habitué à ces crises cycliques ».
Du côté de certains pontes syndicaux, coincés dans leurs vieilles habitudes aux accents « sous-régionalistes », on n’hésite pas à ressortir les vieilles rengaines sur le thème « l’important c’est de rassembler »... Critiquer le PS un matin et se « rassembler » avec lui dans l’Action Commune Socialiste le lendemain ? De faux arguments d’unité pour éviter de  répondre aux questions clés. « Le Soir » du vendredi 4 mai donnait le ton de ces pseudo-arguments et tirait déjà une conclusion provisoire « Retour au début : en définitive, il ne se passera peut-être pas grand-chose de neuf à la gauche de la gauche, même s’il se passe indéniablement quelque chose à Charleroi… »[1]

Peu d’échos aussi du côté des petites organisations de la gauche pourtant  si promptes à s’autoproclamer « incontournables ». A titre d’exemple, du côté du PTB, la page Facebook du parti à Charleroi est restée muette et le site national se limitait jusqu’au 4 mai à dire quelques mots, assez flous, sur la prise de position de la FGTB-Charleroi « (qui) nourri de grands doutes quant à la volonté du PS », escamotant la proposition pourtant adressée clairement au PTB dans le discours de Daniel Piron. D’une semaine à l’autre, la différence est troublante : les dirigeants du PTB qui avaient si bien courtisé Bernard Wesphael ont fait bien peu de cas de la proposition d’une organisation comptant plus de 100.000 affiliés… D’autres, trop occupés à la préparation des listes pour les élections communales, semblent  empressés de tourner cette page du 1er mai 2012 : n’est-il pas plus simple de se cantonner  à une intervention  propagandiste abstraite sur la nécessité de « construire un parti des travailleurs » que de mettre la main à la pâte ?

Au boulot !
Le discours de 1er mai de la FGTB Charleroi a un immense mérite : il ouvre, enfin, le débat à gauche autrement que par le petit bout de la lorgnette. Ce que propose la FGTB Charleroi est d’une autre nature que les habituels « cours sur l’unité » qui s’ouvrent avant chaque scrutin et se referment aussitôt après… A Charleroi, mais aussi dans les autres régions, ce n’est pas tous les jours que, des rangs syndicaux, monte une analyse et surtout des propositions pour sortir de l’impasse dans laquelle la social-démocratie a conduit les travailleurs. Je ne doute pas que des responsables syndicaux sincères  mettront de côté leurs particularismes et leurs (petites) divergences, pour enrichir ce débat crucial pour le mouvement ouvrier.  Si c’est le cas les « petits réflexes des petits appareils » apparaîtront pour ce qu’ils sont : anecdotiques…
Personnellement je pense que les militantEs (et les organisations, bien entendu) doivent sortir de leur torpeur et saisir cette main tendue par l’organisation syndicale. Dans le texte qu’il a publié, Freddy Bouchez a totalement raison d’écrire « Celles et ceux qui aujourd’hui, dans ou à l’extérieur du mouvement syndical, prennent des initiatives pour concrétiser cette recomposition à gauche sont à soutenir. Nous devons nous engager avec eux pour que ce nouveau parti anticapitaliste devienne réalité. »[2]
J’espère que dans d’autres régions, au sein des organisations syndicales, dans les milieux associatifs et chez tous les « indignés », des militants vont s’approprier ce chantier et se (re)mobiliser. Je pense à tous ceux qui en décembre 2011 ont râlé comme pas possible quand le PS les a ignorés en faisant passer en trombe les mesures sur les fins de carrière. Je pense aux militants que Rudy Demotte a traités « d’intempérants » et à ceux que Di Rupo a accusé de « conduire le peuple vers l’abîme » (lors de la présentation de leurs « bons » vœux…). Je pense aux travailleurs sans emploi et particulièrement aux jeunes qui vont se faire jeter par dizaines de milliers d’ici quelques mois. Je pense à tous ces militants qui ont contribué au succès de la grève du 30 janvier et aux actions du 29 février et qui savent que, comme en Grèce, en  Espagne et au Portugal, les politiques d’austérité drastique sont passées grâce aux « socialistes ». Qui savent que sans se dégager de cette impasse politique, le mouvement syndical est condamné à subir de lourdes attaques ou devenir, au mieux, un rouage du système.

Freddy Mathieu


[1] Le Soir 04/05/2012 « Le PS écorché sur son flan gauche » page 4

vendredi 4 mai 2012

[Construire une alternative à la gauche du P.S. et d’ECOLO. S'engager avec celles et ceux qui la proposent]

Le texte ci-dessous est une position personnelle. Elle n’engage pas collectivement l’ASBL CEPRé dans laquelle je travaille, ni la FGTB/Centre, avec laquelle je collabore étroitement et dans laquelle je milite.
Freddy Bouchez
Coordinateur de l’ASBL CEPRé
Militant FGTB/Centre
Construire une alternative à la gauche du P.S. et d’ECOLO. S'engager avec celles et ceux qui la proposent


Depuis longtemps, le Parti Socialiste n’est plus un parti de gauche. Les options qu’il défend et ce qu’il pratique tous les jours au pouvoir correspondent beaucoup plus aux conceptions d’un parti social libéral. En fait, le P.S. est convaincu que le seul système possible est l’économie de marché. Face à la main mise des marchés financiers, des intérêts privés sur la société et la pression de l’Union Européenne, il n’y aurait qu’une seule possibilité : « mettre des rustines ». Il comprend les syndicats, ceux et celles qui descendent dans la rue, mais il est convaincu que la seule politique possible est ce que l'on vit actuellement, c’est-à-dire des réformes libérales, tout en disant essayer de faire en sorte qu’elles fassent le moins mal possible. Malheureusement, depuis 20-30 ans, chaque réforme constitue autant de reculs sociaux et détruit notre système de sécurité sociale et nos services publics. Chacune de ces réformes a augmenté le nombre de gens qui vivent des situations de pauvreté et de précarité. Par rapport aux toutes dernières mesures du gouvernement papillon, on estime par exemple que 50000 personnes pourraient être exclues des allocations de chômage à l’horizon 2015. Il y a donc un problème de fond important, une incompatibilité irréconciliable entre les alternatives défendues par les syndicats, les mouvements sociaux et la politique menée par le PS.
Dernièrement, la FGTB wallonne a mené une action sur le thème « on a trouvé l’argent » En faisant payer les crises par ceux qui les ont provoquées, il y aurait moyen de financer des politiques sociales et économiques qui correspondent aux besoins de l’ensemble de la collectivité. Impôt plus progressif (en rétablissant des tranches qui feraient contribuer davantage les très gros revenus), lutte plus efficace contre la fraude fiscale, suppression des intérêts notionnels,... sont une partie des moyens avancés par la FGTB pour résoudre les problèmes. On aurait pu aussi combattre les crises financières en revendiquant la nationalisation du secteur bancaire. C’est une condition minimale si l’on souhaite un développement économique qui soit au service des besoins de l’ensemble de la collectivité et non plus au seul service des intérêts privés et de ceux des actionnaires. Que nous a répondu le P.S. ? Il a pris la tête d’un gouvernement qui démantèle les droits aux prépensions et aux pensions, aux allocations de chômage, qui continue à détruire les services publics et à précariser le marché de l’emploi.
Oui, Il faut bien le constater, nous n’avons plus de relais politique à gauche !
En fonction de ce constat d’un vide politique presque complet à gauche, il faudrait aussi que les syndicats réinterrogent leur stratégie d’action : jusqu’où mène-t-on les combats et avec quel degré d’indépendance par rapport « aux amis politiques »…  Certains événements, mouvements sociaux d’envergure qui ont eu lieu dans certaines parties du monde montrent qu’en étant déterminé, on peut obtenir des victoires importantes même si celles-ci sont partielles et ne changent pas complètement, loin de là, la face du monde.

Constatant le fait que le PS n’est plus un relais politique pour nos revendications, il faut  se poser la question de travailler à la reconstruction d’une alternative politique à gauche.  ECOLO n’est pas la solution et son dissident récent non plus. Reste les petits partis (PSL, PTB, LCR, PC,…) qui ne sont que des morceaux d’alternatives… Il y a également toutes celles et ceux qui dans les syndicats, les associations, le mouvement des indignés, se démènent pour faire entendre une voix différente en réoccupant le plus possible l’espace public pour s’exprimer. Je pense qu’il faudrait carrément se poser la question de la création d’un nouveau parti de gauche véritablement anticapitaliste. Cette idée doit venir de nous, de la base, de toutes celles et ceux qui, un peu partout, mettent en cause l’ensemble du système capitaliste. Comment faire, je n’en sais rien… De nombreuses tentatives ont déjà eu lieu mais sans succès probant… Les petits partis (PSL, PTB, LCR, PC,…), les associations de gauche, les militants combatifs des  syndicats devraient se rencontrer pour œuvrer dans ce sens là. En tout cas, pour qu’une grande partie de la population entre dans une contestation plus radicale du capitalisme, nous avons absolument besoin de ce nouveau relais politique. Celles et ceux qui aujourd’hui, dans ou à l’extérieur du mouvement syndical, prennent des initiatives pour concrétiser cette recomposition à gauche sont à soutenir. Nous devons nous engager avec eux pour que ce nouveau parti anticapitaliste devienne réalité.
Freddy Bouchez
Coordinateur de l’ASBL CEPRé
Militant FGTB/Centre.