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mardi 4 septembre 2012

[Tunisie : la révolution continue !]

Tunisie : la révolution continue !


Entretien avec Abdessalem Hidouri* 
(30 août 2012)

Peut-on parler de "raz-de-marée islamiste" à propos de la victoire d'Ennahda aux élections d'octobre 2011 ?
C'était une victoire en termes de nombre d'élus : Ennahda a en effet obtenu 41 % des sièges. Mais un électeur sur deux n'est pas allé voter, et le mode de scrutin démultipliait le score des listes arrivant en tête. En termes de voix, seulement 18 % des électeurs ont en fait voté pour Ennahda.
Ces élections ont constitué une tentative de détournement du processus révolutionnaire. Elles ont été organisées par les forces qui voulaient bloquer le processus révolutionnaire, avec le soutien du patronat tunisien et international, de l'Union européenne, de la Banque mondiale, du Qatar, etc.
Maintenant, nombre de ceux qui ont voté pour Ennahda sont déçus par la politique du gouvernement. Ils demandent que le gouvernement Ennahda "dégage", car celui-ci est dans l'impasse : il n'a pas de programme permettant de résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques.

Comment le pouvoir se situe-t-il par rapport aux salafistes qui ont commis une série d'agressions ces derniers mois ?
Ennahda pratique un double langage. Dans les faits, les salafistes sont très liés à Ennahda, et en particulier au ministre Ennahda de l'Intérieur.
Les salafistes servent souvent de milices au pouvoir. Ils ont par exemple été utilisés comme hommes de main lors de plusieurs manifestations pour attaquer des militants politiques de gauche et des syndicalistes de l'UGTT.

Les luttes ont faibli à partir d'avril-mai 2011. Comment ont-elles évolué depuis ?
On assiste à une remontée des luttes depuis février 2012. La politique du gouvernement en place suite aux élections d'octobre 2011 est en effet dans la continuité de celle Ben Ali.
Comme avant le 14 janvier, les manifestants se battent pour des revendications sociales : l'emploi, la justice sociale, la fin des inégalités régionales, la défense des droits des femmes, etc. Des mobilisations ont également éclaté cet été pour le droit à l'eau, le droit à l'électricité, ainsi que pour la défense des droits des femmes. De nombreuses luttes ont également lieu dans les entreprises, comme par exemple à l'hôpital de Sfax où quatre syndicalistes ont été emprisonnés. Début septembre, les mobilisations devraient reprendre de plus belle.
Les syndicalistes participent pleinement aux mobilisations. Une véritable dynamique existe entre le syndicalisme et le reste du mouvement social. Le rôle de l'UGTT est décisif pour que cette articulation se développe.
Lorsque la LGO dit "la révolution continue", il ne s'agit pas d'un simple slogan. Cela se situe dans la continuité des luttes des jeunes, des syndicalistes, des femmes, etc. Les mobilisations qui ont eu lieu comme à Sidi Bouzid prouvent que le processus continue.

Comment les mobilisations sont-elles organisées ?
Le déclenchement de la révolution de 2011 a largement reposé sur des mobilisations spontanées.  Mais les organisations de gauche ont contribué à leur structuration, avec la constitution du Front du 14 janvier et les Comités de sauvegarde de la révolution.
Il en va de même aujourd'hui. Les manifestations de diplômés-chômeurs ont, par exemple, été rendues possibles par l'existence de l'UDC (Union des diplômés chômeurs). Les récentes mobilisations de Sidi Bouzid ont, par exemple, reposé sur le Comité local de protection de la révolution impulsé par le Front du 17 décembre, qui regroupe l'ensemble des organisations de gauche et nationalistes, ainsi que des militants indépendants.

Que penser des tentatives de regroupements autour des anciens politiciens bourguibistes et bènalistes au nom de la lutte contre les menaces que les islamistes font peser sur les libertés ?
Face au pôle islamiste, un second pôle tente de se structurer autour d'Essebsi, un ancien bourguibiste qui avait été Premier ministre en 2011 entre le 27 février et la fin de l'année. Des partis issus du centre ou de la gauche (dont notamment celui ayant pris la suite de l'ancien Parti communiste tunisien) se sont déclarés prêts à y participer.
Refusant de se laisser enfermer dans cette bipolarisation entre deux tenants du néo-libéralisme, la LGO avait appelé, le 29 mars 2012, à la construction d'un troisième pôle "dont le centre de gravité, le garant de son unité et de la cristallisation de sa force serait l’UGTT". (1)
Mais la direction de l'UGTT refuse de participer à la mise en place d'une alternative politique aux deux pôles dominants. Elle a préféré appeler, le 18 juin, à "un dialogue sérieux, structuré et permanent en vue de trouver un consensus sur les grandes questions suscitant des tiraillements entre les différents partenaires de la vie politique nationale" aux niveaux "économique, social et sécuritaire". (2)

Où en est le regroupement des forces de gauche ?
Un premier regroupement avait eu lieu, le 20 janvier 2011, entre les groupes d'origine marxiste-léniniste (dont le PCOT, et trois courants Patriote démocrates), les trotskystes de la LGO, des partis nationalistes (nassérien et baathiste) et d'autres forces de gauche. Ce Front constitué autour de quelques mots d'ordre immédiats avait rapidement éclaté.
Suite aux élections du 23 octobre des discussions ont eu lieu entre les forces qui avaient participé au Front du 14 janvier, auxquelles se sont jointes d'autres courants de gauche ainsi que des militants individuels. Elles ont abouti sur la décision de créer un nouveau front, sous le nom de "Front populaire du 14 janvier". (3)
L'accord intervenu porte notamment sur les points suivants :
- la nécessité de continuer la révolution,
- la volonté de développer le Front dans les régions pour organiser localement les mobilisations au niveau social, démocratique et politique,
- l'identification des forces hostiles à la révolution et à la classe ouvrière.
Les discussions continuent actuellement. Une conférence est en préparation pour proclamer la fondation de ce Front.

Notes :
(1) "Tunisie : pour un pôle ouvrier populaire autour de l’UGTT" (29 mars 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article24953
(2) "L’initiative de l’UGTT sur le lancement d’un conseil de dialogue national" (18 juin 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26202
(3) "Tunisie : le regroupement à gauche franchit une nouvelle étape" (18 août 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26107
"Rapprochements au sein de la gauche tunisienne" (19 juillet 2012) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article25957

* Originaire de Sidi Bouzid, Abdessalem était un des coordinateurs des mobilisations parties de l'intérieur du pays qui avaient fait tomber les deux gouvernements mis en place après la chute de Ben Ali (Casbah 1 et 2). Membre du Bureau politique de la LGO, il a participé à l'Université d'été du NPA.

samedi 14 janvier 2012

[Tunisie, un 14 janvier...]

14/01/2011 : grève générale, rassemblement Avenue Bourguiba
Il y a un an, le 14 janvier 2011, Ben Ali prenait la fuite après un mois de révolte populaire. Le mot d’ordre de grève générale lancé par l’UGTT pour cette journée du 14 janvier fut déterminant dans le processus révolutionnaire initié par l’acte de désespoir de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid.
L’UGTT vient de tenir son 22ème congrès. Nous livrons ici deux analyses sur les résultats de ce congrès : celle de notre camarade Nizar Amami, syndicaliste dans les PTT et militant de la Ligue de la Gauche Ouvrière,  ainsi qu’un compte-rendu du syndicat Union syndicale Solidaires (France). Nous y reviendrons.

Tunisie : 22ème congrès de l’UGTT
Par Nizar Amami

14/01/2011 : devant le siège de l'UGTT
Le 22e congrès de l’UGTT s’est réuni du 25 au 28 décembre 2011. Une grande partie de celui-ci a été consacrée à l’élection de la nouvelle direction nationale.
Le nouveau Bureau exécutif (BE) est nettement mieux que l’ancien. Il repose sur de véritables militants impliqués dans les luttes, et qui ne sont pas corrompus.
Une liste concurrente avait été constituée autour de proches de l’ancien numéro 2 de la centrale. Elle comportait des soi-disant indépendants, dont certains étaient en réalité proches des islamistes actuellement au pouvoir.

jeudi 20 octobre 2011

[Continuer la révolution, il n’y a pas le choix…]

Continuer la révolution, il n’y a pas le choix…
Tunis le 20 octobre 2011
...dans la Medina, les images de Kadhafi circulent
Malgré les efforts considérables déployés pour convaincre les tunisiens d’aller aux urnes, c’est aujourd’hui le colonel Kadhafi qui tient la vedette. Dans la médina, la nouvelle de sa capture s’est répandue comme une trainée de poudre. Sur leur GSM, des jeunes repassent sans cesse le film d’AlJazeera montrant le corps du dictateur voisin sorti de son égout.



Une « Constituante » peut en cacher une autre…
Dans les premières semaines du gouvernement provisoire qui a suivi la fuite du dictateur tunisien Ben Ali, la revendication de l’élection d’une assemblée constituante était incontestablement une revendication juste et populaire, au même titre que la dissolution du RCD, le départ du gouvernement de tous ceux qui avaient eu des responsabilités sous Ben Ali (et en particulier Mohamed Ghanouchi ancien et nouveau premier ministre…).
On mesure aujourd’hui combien la contre offensive du régime a été pernicieuse…
Dissous le RCD ? Officiellement, oui. Mais parmi les quelques 115 partis qui ont reçu leur visa après le 14 janvier, une vingtaine au moins sont constitués d’anciens RCD.
Écartés les anciens RCDistes ? Il y a plus d’un fait troublant qui montrent  que les hommes de Ben Ali sont encore bien présents aux postes les plus influents. Ainsi, lors de la visite de l’actuel premier ministre, Béji Caïd Essebsi, aux Etats-Unis (3-7 octobre), on a pu noter la présence de Mohamed Nouri Jouini, ancien ministre de la Planification et de la Coopération Internationale, dans la délégation tunisienne à Washington. Son passé ne fait pourtant pas de doute : En 1996, il travaille pour la présidence de la République ; un an plus tard, il devient conseiller auprès du président Zine el-Abidine Ben Ali. Il devient secrétaire d'État auprès du ministre du Développement économique, chargé de la Privatisation, le 24 janvier 2001; il conserve son poste jusqu'à sa nomination au poste de ministre du Développement et de la Coopération internationale en septembre 2002. Suite à la révolution de 2011, il conserve de nouveau son poste, en tant que ministre de la Planification et de la Coopération internationale, dans les deux premiers gouvernements de Mohamed Ghannouchi. Commentant cette présence « officielle » à Washington, le président de l'Association des économistes tunisiens, a souligné « que l’objectif de cette visite est de soutenir la transition économique, l’emploi, ainsi que l’investissement en Tunisie, en particulier dans le domaine des affaires. En ce qui concerne la présence de Mohamed Nouri Jouini, (…) le but était d’inciter les américains à investir dans notre pays, puisqu'il a des relations fortes aux Etats Unis, où il a effectué ses études pendant de longues années. » D’autre part, il a indiqué « que le positionnement géographique stratégique de la Tunisie peut servir les intérêts géopolitiques des USA dans la région, leur permettant d'atteindre plus facilement le marché libyen en cas de coopération avec la Tunisie. A noter également, selon certaines sources, en marge de cette visite des contacts conjoints des autorités américaines avec des représentants du parti islamiste Ennahda et des proches du premier ministre tunisien en vue de « faciliter » les relations futures au sein du prochain gouvernement ; un accord aurait été discuté consistant à ce qu’on laisse à Béji Caïd Essebsi son poste de Premier ministre, en contrepartie, les USA (et l’Europe) continueraient leur soutien  financier à la Tunisie.
En mai déjà, le parti Ennahda avait été invité aux Etats-Unis où il avait donné des gages aux représentants du Département d’Etat et même rencontré  l’ex-candidat républicain à la présidence, le sénateur John McCain.

Visites et voyages
La visite suivante du premier tunisien fut pour la Libye… Au cours de cette visite, la première depuis la révolution, M. Béji Caïd Essebsi  était accompagné par une importante délégation composée de six ministres ainsi que de la présidente de l'organisation patronale UTICA. Nul doute que le message américain est arrivé à destination entre de bonnes mains.
Dans les jours qui ont suivi ce fut le tour de l’ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt, de venir parler « affaires » à Tunis, en tant que président du groupe parlementaire de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE). Le grand duduche du parlement européen a même déclaré qu’il allait « aider » la Tunisie : “Réticente au début envers la révolution tunisienne, l’UE veut aujourd’hui se rattraper et apporter l’aide nécessaire pour assurer un passage vers la démocratie”, a déclaré Guy Verhofstadt. “Nous croyons en l’avenir d’une Tunisie démocratique et ouverte”, a encore souligné le président de l’ADLE qui a mis en relief “la richesse du pays le plus européen de l’Afrique du Nord”, fort d’un taux d’instruction élevé, d’un esprit ouvert au monde extérieur et d’un statut respectueux de la femme.


Ramona
Au fond, depuis des mois, tous autant qu’ils sont ,nous répètent les mêmes rengaines : réussir la révolution c’est réussir les élections. Et à ceux qui rappellent que les objectifs premiers de la révolte de l’hiver 2010-2011 qui a chassé le dictateur, sont «Travail, liberté, dignité nationale», ils répondent que ce n’est pas le moment de revendiquer, l’important c’est de rassurer les investisseurs. C’est de reprendre de plus belle le pillage économique de la Tunisie, avec, en corollaire, l’intensification de la précarité.
Aux femmes qui craignent que les compromis avec les islamistes ne se fassent sur leur dos, en enclenchant la marche arrière sur le statut de la personne, le pouvoir tout autant qu’Ennahda font miroiter le code électoral qui impose la parité sur les listes de candidats. A Washington, le premier ministre a déclaré : « le principe de la parité entre les hommes et les femmes sur les listes électorales est une décision d’avant-garde qu’aucun autre pays n’a prise, même parmi les plus avancés dans le monde ». Mais avec plus de 1.600 listes (dans 112 partis -60%- et des coalitions indépendantes-, plus de 11.000 candidats et seulement 5% des têtes de listes pour les femmes, celles-ci ne risquent pas de peser plus lourdement sur le projet de Constitution qui sortira de la nouvelle assemblée. Tout au plus remplissent-elles aujourd’hui le rôle d’attrape-voix…
-Tunis, station Le Passage - 20 octobre-
Les jeunes quant à eux peuvent être rassurés : les rapeurs vedettes, les blogueurs de choc, et les zartistes de combat se mobilisent aussi pour leur chanter « Ramona » et les inciter à voter. Pour qui, pour quoi, ramone par-ci, ramone par-là…

Répression et soumission
Mais derrière ce nouveau « vernis démocratique », les vieilles habitudes du benalisme sont toujours visibles : la répression continue, les militants sont inquiétés, des partis toujours réprimés (dont la Ligue de la Gauche Ouvrière qui s'est vu une première fois refuser le visa (1), officiellement car elle a le même programme qu'un autre parti -c’est vrai que 113 au lieu de 112…). Les travailleurs qui se battent pour leurs droits, pour leurs emplois, les jeunes diplômés qui mènent campagne pour obtenir des jobs, sont traités « d’égoïstes », sont mis au banc des accusés. Les familles de ceux qui sont morts -ou ont été blessés- pour la révolution, attendent toujours que justice soit faite. Les tortionnaires, les criminels, sont toujours à l’abri de poursuites. Idem pour le clan mafieux. Et même Ben Ali et consorts, dont l’argent détourné à tout le loisir de se dissimuler étant donné le peu d’empressement du gouvernement provisoire de s’attaquer aux symboles de la corruption.
D’ailleurs, comme avant sous Ben Ali, le gouvernement provisoire s’est empressé de rembourser les dettes odieuses du dictateur et dans cette campagne, cette question cruciale pour un pays qui a fait une révolution au nom de la « dignité nationale », est totalement escamotée. Tous les partis qui prétendent « compter » dans la prochaine république semblent bien incapables d’ouvrir les livres de compte de la dictature.  De toutes les manières, c’est le peuple qui  paye l’addition.
-comment camoufler la réalité...-
L’organisation des élections pour la constituante participe d’une vaste offensive idéologique pour camoufler ces réalités.
La LGO appelle finalement au boycott de ces élections en ces termes : « Ces forces contre révolutionnaires se sont mises d’accord sur l’organisation d’élections contraires aux mots d’ordre de la révolution pour étouffer les aspirations des masses populaires à l’émancipation, et de ce fait elles s’emploient à légitimer une opération électorale illusoire alors que les masses populaires n’accordent aucun intérêt à ces élections car ne répondant pas à leurs revendications en matière de droit au travail, de développement, de justice sociale, mais aussi la rupture avec les politiques répressives et les choix socio-économique impopulaires. »
Le nombre de listes en présence est sensé donner l’impression que les citoyens tunisiens ont le choix. Mais au fond, il n’y a qu’un choix qui leur permettra de finir ce qu’ils ont commencé en décembre 2010 : continuer la révolution.
-à la Kasbah, les affiches électorales ont remplacés les grafitis...-

Freddy Mathieu










(1) Dernière minute : la LGO vient finalement de recevoir son habilitation.

mercredi 12 octobre 2011

Boycottons les élections du 23 octobre qui fauchent la révolution !

Déclaration de la Ligue de la gauche ouvrière (Tunisie) 
Boycottons les élections du 23 octobre qui fauchent la révolution ! 
Continuons la lutte pour un gouvernement ouvrier et populaire ! 
Le gouvernement Mebaza/Essebsi continue tranquillement de mettre en œuvre sa politique libérale répressive et d’appauvrissement contre les masses laborieuses, tendant à maintenir le système d’exploitation, de corruption et de trahison nationale ; un système basé sur l’endettement et l’hypothèque du pays au capital international provenant d’institutions monétaires et de pays comme la France et les États-Unis d’Amérique.
Cette politique ne mène qu’à plus d’appauvrissement, à la marginalisation des masses populaires et à l’approfondissement du gouffre déjà énorme entre les classes et les régions. Sinon comment expliquer la course engagée entre les parties de la trahison — symboles de gouvernement et chefs de parti — pour visiter leurs maîtres en Amérique et en Europe, comme l’ont fait la réaction religieuse, le Parti démocrate progressiste et le Forum démocratique pour le travail et les libertés… Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils adoptent et défendent le projet économique et social s’attachant au plan jasmin et au G8; ce projet ravageur de l’économie du pays et des intérêts des masses populaires a été également honteusement approuvé par, entre autres organisations, l’Union générale des travailleurs tunisiens représentée par la bureaucratie syndicale.
Ces forces contre révolutionnaires se sont mises d’accord sur l’organisation d’élections contraires aux mots d’ordre de la révolution pour étouffer les aspirations des masses populaires à l’émancipation, et de ce fait elles s’emploient à légitimer une opération électorale illusoire alors que les masses populaires n’accordent aucun intérêt à ces élections car ne répondant pas à leurs revendications en matière de droit au travail, de développement, de justice sociale, mais aussi la rupture avec les politiques répressives et les choix socio-économique impopulaires. Qui plus est, cette mascarade électorale va conduire à un gouvernement absolument incapable de satisfaire les exigences populaires nées du processus révolutionnaire depuis son déclenchement.
Un gouvernement issu de cette combinaison de conspirateurs — même à composante diversifiée de parties réactionnaires, libéraux, RCDistes et d’opportunistes — ne sera qu’un gouvernement hostile au peuple et à ses intérêts, un instrument répressif et un serviteur servile à ses maîtres américains et européens.
Les conditions nécessaires pour l’élection d’une assemblée constituante populaire et démocratique ne sont pas réunies. Le gouvernement et les organismes qui chapeautent l’opération électorale se sont compromis avec le colonialisme et sont foncièrement anti-populaires : les assassins des martyrs de notre peuple ne sont pas encore jugés ; les médias sont dirigés au service des traîtres ; le pouvoir judiciaire n’est pas indépendant et est contrôlé par les corrompus en plus de la mainmise du capital national et étranger sur la vie politique ; l’escalade de la répression et la multiplication des arrestations et des procès, l’enrôlement forcé des jeunes dans l’armée ; l’interdiction des forces révolutionnaires de l’activité politique et la justification ’’légale’’ du retour du gang RCDiste ; la non-récupération de l’argent pillé et le non-jugement de la mafia et des symboles de la corruption.

Pour ces raisons et considérant la mainmise des forces contre révolutionnaires et des conspirateurs sur le processus électoral et l’absence des conditions nécessaires pour une élection démocratique d’une assemblée constituante, les militantes et les militants de la Ligue de la gauche ouvrière appellent les masses populaires et les forces patriotiques et révolutionnaires à continuer le processus révolutionnaire.
  • Boycottons les élections du 23 octobre ; non à leur conseil de la conspiration et de la trahison ! 
  • Oui pour continuer la révolution jusqu’au renversement du régime ! 
  • Que les masses imposent leur souveraineté populaire ! 
  • Pour un gouvernement ouvrier et populaire afin d’atteindre les objectifs de la révolution!
Ligue de la gauche ouvrière

Tunis, 9 octobre 2011

dimanche 25 septembre 2011

[Tunisie : la révolution mise en péril]

Tunisie : la révolution mise en péril









Ahlem Belhadj, Nizar Amami et Jalel Ben Brik, responsables de la Ligue de la gauche ouvrière (LGO), analysent la situation en Tunisie à l’approche des élections.

Le conflit entre une partie de la police et le gouvernement

Beaucoup d’opacité règne sur les motivations réelles des policiers qui ont, le 5 septembre, éjecté de son poste le militaire qui dirige la Garde nationale. Une seule chose est claire : il s’agissait pour eux de remettre en cause la suprématie de l’armée.
Le discours du 6 septembre

C’est la première fois que l’actuel Premier ministre fait un discours avec à ses côtés le chef d’état-major de l’armée, qui est le symbole des outils de répression en Tunisie. Ils ont sans doute voulu que la population en déduise que la situation sécuritaire du pays était grave, à tel point que des conflits existent entre les corps de répression. Béji Caïd Essebi n’a pas hésité pas à parler de « rébellion » ainsi que de « putsch » et de « coup d’État » au sein de la police. Cela lui a permis ensuite d’annoncer sa volonté de faire un usage rigoureux du décret de janvier 1978 qui permet d’emprisonner des personnes sans recourir aux tribunaux, ainsi que d’interdire toute manifestation, rassemblement sit-in, grève, etc.
Le but du pouvoir est certainement de préparer le terrain à la possibilité d’imposer un régime répressif, militaro-policier-bureaucratique face à deux scénarios possibles :

- une situation comparable à celle de l’Algérie après la victoire électorale des islamistes en 1991 ;
- une accélération du mécontentement social et un début de rejet du vieux et arrogant Premier ministre.
Au passage, Essebsi a perdu son sang froid. Il a traité les policiers rebelles de singes, et annoncé l’interdiction de leur syndicat. Il s’est en fait couvert de ridicule : juste après son discours, sa voiture a été saccagée par des policiers rassemblés devant le siège du gouvernement.
Les sit-in de policiers

À la suite du discours du Premier ministre, des policiers ont organisé pendant plusieurs jours des sit-in devant le ministère de l’Intérieur. Au-delà de la protestation contre les propos injurieux d’Essebsi, leur attitude s’explique sans doute par la combinaisons de plusieurs facteurs.
D’abord, comme beaucoup de salariés, de nombreux policiers sont dans une situation proche de la pauvreté. Simultanément, ils se sentent haïs par la population car ils sont depuis des années en première ligne dans la confrontation directe avec tout ce qui bouge.
Ensuite, de nombreux policiers souhaitent être débarassés de responsables formés sous Ben Ali par les États-Unis et la France.
Enfin, des nostalgiques de Ben Ali ont très certainement su exploiter ce malaise, en particulier des policiers ayant des démêlés avec la justice pour leurs méfaits passés.
Les élections du 23 octobre

Il ne faut pas se faire d’illusions sur les élections à l’Assemblée constituante : la presse et la magistrature ne sont pas indépendantes, l’influence de l’argent des capitalistes tunisiens et étrangers est considérable.
L’Assemblée constituante sera contrôlées par des partis ne s’opposant pas au capitalisme international. Elle aura une orientation proche de celle des gouvernements de Turquie et du Qatar, et entretiendra de bons rapports avec les USA et la France.
Du temps de Ben Ali, nous avions un gouvernement policier d’une seule couleur politique mettant en place la politique néolibérale. Après les élections nous aurons un gouvernement menant la même politique économique, mais comportant plusieurs couleurs politiques : conservateurs religieux, politiciens de droite, sociaux-libéraux, etc.
Face aux partis voulant en finir avec la légitimité révolutionnaire au profit d’une prétendue légitimité institutionnelle, il est important d’affirmer la primauté de la légitimité révolutionnaire et de la lutte.
La LGO avait appelé pour cette raison à la formation d’un front antilibéral et anti-impérialiste. Elle s’est adressée essentiellement aux composantes de la gauche ayant participé au Front du 14 Janvier, ainsi qu’à des forces plus petites. Mais le sectarisme et le narcicisme des uns, ainsi que la tentation d’alliances avec le centre gauche des autres ont fait échouer ce projet. La LGO sera donc seule dans cette campagne avec le double handicap d’être une organisation de petite taille et de ne pas avoir obtenu son visa. Elle participera néanmoins à ces élections dans trois circonscriptions sur 24 par le biais de la liste indépendante « Continuons la révolution ! »


Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 116 (22/09/11)