vendredi 10 octobre 2008

Etienne de Callataÿ, l’expert ami-ami

La météo des affaires c’est « soleil le matin - faillite l’après-midi ». Banquiers responsables à 9h30, parachutistes après le déjeuner.
Côté « experts » les télés ne savent plus qui interviewer. Finalement elles en ont trouvé un : Etienne de Callataÿ. RTL à 13h05, RTBF à 13h35.
Il y a quelques jours j’ai entendu un de ses commentaires sur RTL-TV à propos de la récession.
Ahurissant !
« Il faut voir que les coûts de cette récession ne seront pas répartis de manière uniforme sur l’ensemble de la population. Il est logique que quand ça va mal, les personnes qui ont des revenus plus variables, mais souvent plus élevés, souffrent davantage et que l’allocataire social qui a des rémunérations ou des revenus plus faibles souffre moins de cette diminution d’activités. »
Attention « l’expert » ne parle pas de solidarité mais constate que les riches risquent de souffrir (les pauvres !).
J’ai retrouvé d’autres perles du bonhomme. Comparant l’évolution économique de l’Italie et de l’Allemagne, il déclarait au site PME/KMO Business : « lequel de ces deux pays vous semble le mieux tourner aujourd’hui ? L’Allemagne bien sûr. Et cette situation, l’Allemagne la doit à la politique de rigueur qu’elle a maintenue au niveau du Deutsche Mark. Que va faire l’entreprise exportatrice allemande si elle découvre que taux de change s’apprécie ? Et bien, elle rejettera tout simplement les revendications des syndicats jusqu’à l’année suivante… »
Et à l’Echo il livrait en avril une autre de ses expertes et clairvoyantes réponses : « La question en or reste: quand les marchés vont-ils remonter? S'il préfère rester prudent, Etienne de Callataÿ reconnaît que le tournant sera le 3ème trimestre de cette année, car c'est à ce moment que, du fait de l'échéance des contrats, les dernières difficultés liées à la crise du subprime seront levées. »
fRED

L'économie belge est officiellement en récession. sur RTL

mercredi 8 octobre 2008

Economie réelle ou capitalisme financier ?

"Ce n'est pas par générosité de cœur que le boulanger vend son pain à la ménagère à un prix que celle-ci peut supporter, mais parce que tel est son intérêt". Adam Smith, celui qui a avancé l'idée de la main invisible et considéré comme l'auteur emblématique du libéralisme et le père fondateur de l'économie, en particulier au travers de son oeuvre fondatrice : l'Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)
Dans les débats engendrés par la crise financière, on a entendu à de multiples reprises opposer les concepts «d’économie réelle» et de «capitalisme financier». A l’un l’on concède un sens moral, tandis qu’on condamne l’autre pour son égoïsme forcené. Ainsi par exemple les responsables de l’Internationale Socialiste réunis à New York «...ont aussi plaidé pour un retour de la finance à l'économie réelle, une économie qui doit œuvrer à un développement durable et solidaire, qui doit produire des investissements et créer de l'emploi ».
Une note de l’Institut Emile Vandervelde va dans le même sens : « Pour le PS, l’économie a d’abord et avant tout pour but de produire des biens et des services en vue de satisfaire les besoins des GENS, des entreprises et des pouvoirs publics. Cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations. (…)En ce sens, l’économie financière doit être au service de l’économie réelle. » [1]
A première vue le raisonnement semble séduisant. Il « suffirait » que le capitalisme redevienne industriel, de production (de biens, de services,…) et de discipliner son aile financière pour lui rendre sa morale.
Elio Di Rupo a beau se fâcher tout rouge contre les « spéculateurs voyous », et promettre qu’après la crise on mettra sur pied une commission d’enquête, son analyse des responsabilités fondamentales semble un peu courte. En tout cas elle n’est pas bien différente de celle de Charles Michel qui se fâche tout bleu sur les « spéculateurs qui ont dépassé les limites »
Il me semble que les questions auxquelles il faut répondre sont : la « virtualité », la spéculation, la recherche du profit rapide, sont-elles des accidents ou des caractéristiques du système capitaliste ?
Le capitalisme réel a-t’il pour vocation de « permettre l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations » ?
Pour illustrer les réponses possibles à ces questions, je vais vous résumer l’histoire récente de deux grands groupes industriels : Halliburton et Eternit.
HALLIBURTON
Halliburton est passée du 19e rang des fournisseurs de l'armée américaine en 2002 au premier en 2003 après avoir bénéficié de juteux contrats dans des conditions douteuses, notamment pendant la guerre d'Irak.
Le président de la commission de contrôle du gouvernement à la Chambre des représentants, Henry Waxman, dénonça ces marchés attribués sans appels d'offres à l'entreprise Halliburton et sa filiale KBR. Le directeur de KBR de l'époque, Al Neffgen, a comparu devant la Chambre des représentants en 2004 pour défendre les surfacturations effectuées par Halliburton sur les services fournis à l'armée.
En février 2007, le scandale de l'hôpital Walter Reed se développa à propos des conditions d'accueil des blessés de la guerre d'Irak. Or, une lettre de septembre 2006 par laquelle l'adjoint du général Weightman évoquait "un risque de défaillance des services de soins" en raison de la pénurie de personnel consécutive à une privatisation des services généraux de l'hôpital.
Cette privatisation a été réalisée par un contrat de 120 millions de dollars sur cinq ans pour assurer les services non médicaux et la maintenance des locaux. Ce contrat a été octroyé à l'entreprise IAP, dirigée par Al Neffgen, ancien responsable de KBR, filiale d'Halliburton.
Halliburton a aussi obtenu des contrats de reconstruction à La Nouvelle-Orléans après le passage du cyclone Katrina en 2005. Et tout le monde sait que la reconstruction a donné lieu à un vaste remembrement tout au profit des grands groupes et des habitants les plus riches.
ETERNIT
Début de cette année s’est ouvert en Italie le procès des responsables de la société. Au terme d’une instruction qui aura duré cinq ans, le procureur de Turin a demandé la mise en examen des propriétaires et actionnaires d’Eternit, responsables du drame de l’amiante en Italie : le Suisse Stephan Schmidheiny (Stephan Schmidheiny, qui vit au Costa Rica, est la cinquième fortune suisse. Un staff d’une dizaine d’avocats travaille à plein temps pour lui) et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne. Ils risquent douze ans de prison et des amendes de plusieurs milliards d’euros. Trouvé dans la presse, cette déclaration de Me Sergio Bonetto, avocat des victimes italiennes de l’amiante « Par le nombre impressionnant de plaintes reçues, ce procès rend lisible l’ampleur du drame de l’amiante. Pour la première fois, ce sont de hauts dirigeants qui comparaîtront, et non plus des directeurs italiens ou suisses. Enfin, ce procès a également une dimension internationale : Eternit, c’était 72 centres de production, répartis dans le monde entier, que s’étaient partagés ces grandes familles suisse, belge et française !
(…) Pour leur malchance, les industriels suisses sont des gens méticuleux : tout était noté, centralisé. Par exemple, nous avons les preuves que, en Suisse, tous les échantillons d’amiante étaient contrôlés et que les productions étaient paramétrées en fonction des normes d’empoussièrement, variables selon les pays. »
De 1906 à sa liquidation en 1976, l’usine Eternit de Casale Monferrato (qui utilisait l’amiante bleue) a employé plus de 30.000 personnes. A peine 300 ont été indemnisées...
Le panorama complet des maladies dues à l’amiante est connu depuis 1960, en particulier en ce qui concerne son caractère cancérogène. Les scientifiques prévoient pourtant près de 500.000 décès dans les 30 années à venir en Europe occidentale et plus d’1 million dans le tiers-monde car la consommation d’amiante dans le monde n’a jamais été aussi forte.
Les milliers de pages accusatrices des nombreux rapports, officiels ou indépendants, les manifestations, procès, règlements, directives, fonds divers d’indemnisation des victimes, tout cela n’est pas parvenu à « réguler » cette branche industrielle. Tant qu’on peut faire des profits le « crime lucratif » doit continuer.

LE CRIME LUCRATIF
A travers ces deux exemples, on voit apparaitre plusieurs traits caractéristiques du capitalisme moderne, et non arriéré. Dans les deux cas on peut en effet douter que ces entreprises fonctionnent pour le bien être des populations… C’est le profit qui guide toutes les décisions, à n’importe quel prix.
Et le prix du profit peut aussi bien être une guerre (très lucratif quand on vend des armes ou du matériel militaire), une catastrophe écologique (le capitalisme n’aime pas plus les règles environnementales que les règles sociales) ou la famine sur un continent.
On peut aussi voir que ces entreprises ont tissé, à tous les niveaux de la société et en particulier dans la sphère financière et le monde politique qui gèrent les Etats, une toile, un réseau d’affaires et d’influences qui obéit à leurs demandes et impulsions.
La mondialisation a remplacé les Etats régulateurs par une grande toile aussi virtuelle que sa capacité à se discipliner. Certains appellent ça le « capitalisme cognitif » ou « troisième espèce de capitalisme »…
C’est ce modèle « moderne » qu’une vaste imposture idéologique a préparé et glorifié pendant les 30 dernières années. Mais la crise actuelle fait voler le modèle en éclats. Voila la raison pour laquelle les libéraux doivent eux aussi se montrer « outrés » par les excès pour mieux « refonder » le capitalisme.
Cette période a aussi sonné le glas des tendances sociale-démocrates, désormais incapables de mobiliser les « miettes » du festin capitaliste pour financer quelques réformettes. C’était fini le temps où « cette économie productive, à travers la répartition des richesses produites et le financement des protections sociales, permet[tait ] l’élévation du niveau de vie et du bien être des populations ». Dans toutes les phrases des discours on mit les entreprises sur le même pied que les travailleurs, on râpa la Charte de Quaregnon, on caressa les classes moyennes dans le sens du poil, on s’encanailla dans les Conseils d’Administration, on prit des mesures de droite qu’on nomma de titres pompeux (consolidation stratégique pour les Services Publics, revenu d’insertion pour le minimex, activation du comportement de recherche pour la chasse aux chômeurs), on imposa le pacte des générations, on donna l’absolution aux fraudeurs fiscaux, on ouvrit des Centres Fermés, on instaura les « intérêts notionnels » qui exonèrent les bénéfices des entreprises de la solidarité, et certains finirent même par se nicolasarcozier.
Cette époque fit douter que certains socialistes étaient encore de gauche…
Car pour reprendre les mots de Christian Arnsperge : « nominalement, on peut effectivement être de gauche sans développer une critique radicale du capitalisme. Dire le contraire serait contredire les faits de notre vie politique de tous les jours. Une autre chose est de savoir s’il est cohérent de se dire de gauche et de ne pas être anticapitaliste. Là je suis nettement plus sceptique. L’anticapitalisme est la racine même de la gauche » [2]

fRED

[1] In : CRISE MONDIALE DES MARCHES FINANCIERS - POUR UN RETOUR À L’ÉCONOMIE REELLE - RESTAURER L’ÉCONOMIE RÉELLE POUR RESTAURER LA CONFIANCE - ANALYSE ET PROPOSITIONS DU PS (http://www.ps.be/)
[2] L’AVENIR DE LA GAUCHE. S'ARRACHER A L'EMPRISE DE LA GAUCHE PRO-CAPITALISTE. Entretien avec Christian Arnsperger in Démocratie n°21 du 1er novembre 2007, p.6

dimanche 5 octobre 2008


L’anarchie économique de la société capitaliste, telle qu’elle existe aujourd’hui, est, à mon avis, la source réelle du mal. Nous voyons devant nous une immense société de producteurs dont les membres cherchent sans cesse à se priver mutuellement du fruit de leur travail collectif — non pas par la force, mais, en somme, conformément aux règles légalement établies.


Albert Einstein
Le texte original en anglais fut publié dans le premier numéro de Monthly Review (Mai 1949).

mardi 30 septembre 2008


Le Premier ministre, le ministre des Finances et la direction de l'autorité de contrôle belge (CBFA) ont aussi souligné que les institutions financières belges étaient stables, solvables et liquides. Ceci a une nouvelle fois été confirmé vendredi par les membres du conseil d'administration de la Febelfin »,conclut celle-ci. « Le bancassureur belgo-néerlandais Fortis ne vas pas tomber en faillite », a redit, pour sa part, son CEO Herman Verwilst. « Il n'y a pas de doute là-dessus ». La diminution de 3 pc, depuis le début de l'année, du montant des dépôts effectués par les clients de Fortis représente en fait près de 5 milliards d'euros. Herman Verwilst évoque à ce sujet une « perte limitée », étant donné le contexte économique et financier délicat actuel.
Site de Trends - 26/09/2008 17:48

« Herman Verwilst a quitté vendredi (26/09/2008) son poste de CEO de Fortis, quelques mois à peine après y avoir accédé. Sa prime de départ anticipé pourrait pourtant atteindre jusqu'à 5 millions d'euros, malgré ses maigres résultats ».
RTL Info - 30/09/2008

« Dexia fait partie des 10 banques les plus sûres du monde »
19/09/2008 (Encore sur le site Dexia.be -news)

« C'est un groupe très solide au niveau du capital »,
a assuré une porte-parole (de Dexia), « mais la situation est tellement exceptionnelle (sur les marchés) qu'il faut suivre l'évolution à tout moment »
La Gazette.fr 29/09/2008

« Grâce à sa structure de funding, le groupe est beaucoup moins sensible que ses compétiteurs à la crise de liquidité qui secoue actuellement le secteur bancaire. »
Fortuneo.be 18/09/2008

10 h 59 : démission des deux dirigeants de la banque franco-belge Dexia Les deux dirigeants de la banque franco-belge en difficulté Dexia, Pierre Richard et Axel Miller, démissionnent de leurs fonctions, annonce le groupe dans un communiqué.
Le Monde.fr 30/09/2008

« Je ne voudrais pas que les Français s'inquiètent » Christine Lagarde a de nouveau tenu à rassurer les Français quant à la solvabilité des établissements bancaires nationaux.
Boursier.com - 29 sep 2008

Sarkozy convoque les banquiers pour une réunion de crise à l'Élysée
Sarkozy qui disait, il y a 18 mois, que le système des "subprimes" avait du bon et qu'on devrait l'introduire en France...
Le Point.fr 30/09/2008 à 09:29

« Vous avez annoncé une loi contre les «parachutes dorés». Comment va-t-elle fonctionner ?
Le dispositif, très simple, consistera à lier l'existence de primes de départ - qui devront être votées par l'assemblée générale des actionnaires - à la performance du dirigeant remercié. Pas de performance, pas de prime. » Interview de Nicolas Sarkozy au Figaro 20/11/2007

lundi 29 septembre 2008

Humeurs (du verbe humer)

La ville de Mons mène campagne. Contre la crasse parait-il.
Mode d’emploi. Vous sortez tous les p’tits sachets d’ordures (pas très règlementaires) des poubelles publiques, vous les étalez au soleil en ayant eu soin de coller un grand autocollant rouge. Tant que l’autocollant ne vire pas de couleur, vous laissez moisir. Vérifiez chaque jour si l’un ou l’autre petit malin n’est pas venu ajouter d’autres crasses (dans la poubelle ou juste à côté), étalez de nouveau et remettez éventuellement un autocollant sur les récalcitrants.
A la fin vous obtenez une délicieuse Sauce Napolitaine.
Je n’aime pas cette pseudo Sauce Napolitaine. Me voici à nouveau de mauvaise humeur.
Campagne de quoi ? « De propreté » dit l’autocollant. Soit dit en passant pour aller lire ça il faut se pencher et respirer des choses pas ragoutantes… Je trouve que c’est tout le contraire d’une campagne de propreté. « De sensibilisation » dit une gazette locale : elle sensibilise qui ?
Il ne suffit pas d’étaler la crasse, fut-elle celle « des autres » et « pas très règlementaire », pour « sensibiliser » les in civilisés.
Ne parlons pas de l’autocollant en plastique qui ne fait qu’accroître la montagne d’ordure que nous étalons sur toute la planète.
L’efficacité de cette campagne ? Vous allez me dire que si je passe mon temps à en parler (alors qu’on est en pleine crise financière !), c’est que ça marche au moins un peu…
Ouais, vu sous cet angle…
Bon, si ça marche pourquoi Elio n’a pas refilé le truc de l’autocollant à Didier ? Cela nous aurait fait économiser près de 5 milliards d’Euros ! Et on aurait même pu faire sponsoriser l’autocollant par ING.

fRED

jeudi 25 septembre 2008

Alitalia : vol au dessus d’un nid de rapaces.

Que la compagnie aérienne italienne aille mal, ce n’est pas neuf. Que des rapaces se pressent autour de sa (future) dépouille, finalement non plus. Mais il y a pourtant beaucoup d’innovation dans la manière qu’utilise le cartel Berlusconi/grands patrons pour ce qui pourrait s’avérer (pour eux seulement) « l’affaire du siècle »…

Un peu d’histoire
Point de départ : fin des années 1920, Alitalia fut créée par la société Fiat et, connue sous le nom de « Società Area Avio-Linee Italiane » avant de devenir, après la Seconde Guerre mondiale, Alitalia grâce au soutien de British European Airways, Trans World Airlines et les appareils d'aviation Fiat de l'armée de l'air italienne. C'est donc plus tard, en 1957 qu'Alitalia devint la compagne aérienne nationale italienne Aujourd’hui, l'État italien détient 49,9% d'Alitalia. La compagnie n'a pas gagné d'argent depuis 1999 et croulait en juillet sous une dette de près de 1,2 milliard d'euros.
Alitalia emploie 11.100 personnes dans le transport aérien, tandis que 8.300 autres travaillent dans les services de maintenance. Cette scission en deux sociétés est le résultat des restructurations antérieures, au cours des gouvernements Berlusconi. En 2004 les syndicats étaient parvenus à limiter la casse à 3.500 pertes d’emplois (1/3 de personnel navigant et 2/3 de personnel au sol) au lieu des 5.000 prévues.
Aujourd’hui, toute la presse, largement aux mains du « Cavaliere », se déchaine contre les syndicats et en particulier la CGIL (gauche), accusés de précipiter la faillite de la société par leur intransigeance.
Il suffit pourtant de recoller les fragments d’informations que livrent chaque jour cette même presse pour comprendre que ce sont les milieux d’affaires proches de Berlusconi qui ont minutieusement préparé la mise en coupe d’Alitalia.

1er acte : en avril, une offre de rachat d'Alitalia par Air France-KLM, qui avait la bénédiction du gouvernement de centre-gauche au pouvoir à l'époque, avait échoué faute d’accord avec les syndicats sur le nombre de pertes d’emplois. Silvio Berlusconi, alors dans l'opposition, avait clairement annoncé qu’il bloquerait ce scénario s'il gagnait les élections.

2ème acte : fin août, Berlusconi fait sa rentrée politique. Le 27 août La Stampa, quotidien du groupe Fiat, titre «Berlusconi est aux anges. L'opération nouvelle Alitalia, qui sera approuvée par le Conseil des ministres demain, est prête. Finalement, le groupe d'entrepreneurs de chez nous, sur lequel le centre gauche a ironisé pendant des mois, est prêt».
Au même moment sort le projet, baptisé "Phénix" qui prévoit de scinder Alitalia en deux sociétés. L'une viable intégrerait les activités rentables, et l'autre, lestée de toutes les dettes, (car Les nouveaux investisseurs ont refusé de prendre en charge la dette d'environ 1,2 milliard d'euros d'Alitalia qui devra être assumée par l'Etat –c’est le tiers des coupes dans le budget de l'école prévues par la loi de finance-) serait mise en faillite. C’est de nouveau près de 7.000 emplois qui pourraient disparaître si on tient compte des 4.000 contrats précaires/temporaires qui ne seront pas renouvelés.
Ce scénario contrevient à la loi Marzano sur la restructuration des grandes entreprises en crise. Le gouvernement de Silvio Berlusconi a tout prévu : le jeudi 28 août, il prend un décret-loi pour lever cet obstacle et ouvrir la voie à la CAI.
Dans ce pool d'investisseurs, on retrouve les grands noms de la finance et de l'industrie italiennes (les groupes industriels Piaggio, Air One, Benetton, Ligresti, Riva, Aponte, les fonds d'investissement -Findim, Clessidra, Equinox). Ils ont répondu présents à l'appel patriotique de M. Berlusconi qui, en pleine campagne électorale, avait refusé, pour des motifs plus politiques qu'économiques, le scénario d'une reprise du transporteur transalpin par Air France-KLM, sur laquelle travaillait le précédent gouvernement Prodi.
Le consortium envisage également une fusion avec Air One puis la recherche d’un partenaire étranger. Air France KLM s’était déjà identifié comme actionnaire minoritaire potentiel « si la profitabilité de la nouvelle compagnie était assurée ».
Ce plan de redressement concocté par Intesa Sanpaolo (dont les accointances avec Berlusconi sont évidentes, San Paolo appartient à la famille Agnelli) prévoit que la nouvelle Alitalia devrait renouer avec les bénéfices en 2011, c’est la principale condition émise par ses 16 nouveaux actionnaires qui ne pourraient se désengager de la société avant 2013. Un risque, sans doute, mais savamment calculé. . .
Et pour cela il faut frapper fort : le décret-loi du 28 août définit le cadre permettant aux grandes entreprises en difficulté placées sous administration extraordinaire d'accélérer certaines procédures, telles que les cessions d'actifs, de contrats et les suppressions de personnel. C’est une version très nettement améliorée de « la faillite assistée » inventée en Belgique au moment des problèmes de Verlica. En gros on purge tout le passif social et on socialise les pertes afin de mettre un tremplin sous les investissements des repreneurs, favorisant ainsi des plans sans lendemains. Ce scénario était fort bien résumé par un pilote « la Cai voleva fare l’affare del secolo, fare cassa sulle spalle dei lavoratori e su quelle dei contribuenti italiani » (La CAI veut faire l’affaire du siècle sur le dos des travailleurs et des contribuables italiens).

3ème acte : mi septembre, il faut faire passer la pilule. D’abord tenter d’obliger les syndicats à accepter un maximum de pertes d’emplois sous la menace de la faillite totale et aussi convaincre l’Union Européenne que la couverture par l’Etat Italien de la dette de 1,2 milliards n’est pas une aide déguisée à l’entreprise. Une nouvelle fois la presse se déchaine contre les syndicats (la CGIL en particulier, étant donné que la Cisl et la Uil avaient déjà accepté le plan), accusés d’être manipulés par la gauche dans l’opposition et de défendre les intérêts de « privilégiés » du système…

Il faut bien reconnaître que ce battage médiatique réussit partiellement et il est clair aussi que dans une société de l’envergure d’Alitalia (près de 20.000 employés) certaines catégories de personnel se positionnent sur des avantages corporatistes au détriment de l’intérêt de tous.
Mais peut-on reprocher à un syndicat de travailleurs d’avoir comme principale préoccupation de sauver le maximum d’emplois, les meilleures conditions de travail et de salaires pour ses adhérents? Que font-ils d’autre les nouveaux actionnaires quand ils montent des plans pour se garantir les meilleurs retours sur investissements ?
Et en matière d’avantages exorbitants, les proches de Berlusconi feraient bien de se taire. Ce n’est sans doute que quelques gouttes d’eau dans l’océan alitalien, mais les exemples cités par la presse italienne laissent rêveurs…
Les responsables politiques se sont toujours sentis chez eux chez Alitalia. Pilote à ses heures perdues, le député Luigi Martini –ancien footballeur de la Lazio dont le nom fut cité dans les scandales des paris truqués- (Alleanza Nazionale, droite extrême alliée de Berlusconi) avait besoin de faire 3 décollages et 3 atterrissages tous les 90 jours pour conserver sa licence. Alitalia le lui consentit... et lui paya un salaire par la même occasion.
Ministre de l'Intérieur du premier gouvernement Berlusconi, Claudio Scajola a obtenu la création d'une ligne Rome-Villanova D'Albenga, son collège électoral, qui se caractérise par le taux de remplissage le plus bas d’Europe!
Plus fondamentalement, la compagnie souffre d’une taille trop petite, d’une situation excentrée de l’Italie pour les lignes transatlantiques et de l’éclatement de ses activités sur deux plates-formes principales, Milan-Malpensa et Rome-Fiumicino, cette bipolarisation d’Alitalia à laquelle tiennent farouchement les milieux d’affaires milanais et la Ligue du Nord, alliée de Berlusconi.
Le plan de gestion de toute l’affaire est aux mains de Mediobanca. La fille de Berlusconi vient d’entrer dans son Conseil d’Administration !
Bref l’Italie, et pas seulement sa société d’aviation, est aujourd’hui dans la panade et va (ré)apprendre dans la douleur ce que donner une majorité à Berlusconi veut dire.
D’autant plus que la gauche semble s’être dissoute, émiettée, évaporée, envolée. Elle ne se rappelle même plus son nom, pensant qu’en diluant ses couleurs elle ramasserait les miettes que la droite arrogante lui laisserait. Mais la droite ne partage pas. Elle vole (au dessus de tout ça).

fRED