vendredi 4 mai 2012

[Construire une alternative à la gauche du P.S. et d’ECOLO. S'engager avec celles et ceux qui la proposent]

Le texte ci-dessous est une position personnelle. Elle n’engage pas collectivement l’ASBL CEPRé dans laquelle je travaille, ni la FGTB/Centre, avec laquelle je collabore étroitement et dans laquelle je milite.
Freddy Bouchez
Coordinateur de l’ASBL CEPRé
Militant FGTB/Centre
Construire une alternative à la gauche du P.S. et d’ECOLO. S'engager avec celles et ceux qui la proposent


Depuis longtemps, le Parti Socialiste n’est plus un parti de gauche. Les options qu’il défend et ce qu’il pratique tous les jours au pouvoir correspondent beaucoup plus aux conceptions d’un parti social libéral. En fait, le P.S. est convaincu que le seul système possible est l’économie de marché. Face à la main mise des marchés financiers, des intérêts privés sur la société et la pression de l’Union Européenne, il n’y aurait qu’une seule possibilité : « mettre des rustines ». Il comprend les syndicats, ceux et celles qui descendent dans la rue, mais il est convaincu que la seule politique possible est ce que l'on vit actuellement, c’est-à-dire des réformes libérales, tout en disant essayer de faire en sorte qu’elles fassent le moins mal possible. Malheureusement, depuis 20-30 ans, chaque réforme constitue autant de reculs sociaux et détruit notre système de sécurité sociale et nos services publics. Chacune de ces réformes a augmenté le nombre de gens qui vivent des situations de pauvreté et de précarité. Par rapport aux toutes dernières mesures du gouvernement papillon, on estime par exemple que 50000 personnes pourraient être exclues des allocations de chômage à l’horizon 2015. Il y a donc un problème de fond important, une incompatibilité irréconciliable entre les alternatives défendues par les syndicats, les mouvements sociaux et la politique menée par le PS.
Dernièrement, la FGTB wallonne a mené une action sur le thème « on a trouvé l’argent » En faisant payer les crises par ceux qui les ont provoquées, il y aurait moyen de financer des politiques sociales et économiques qui correspondent aux besoins de l’ensemble de la collectivité. Impôt plus progressif (en rétablissant des tranches qui feraient contribuer davantage les très gros revenus), lutte plus efficace contre la fraude fiscale, suppression des intérêts notionnels,... sont une partie des moyens avancés par la FGTB pour résoudre les problèmes. On aurait pu aussi combattre les crises financières en revendiquant la nationalisation du secteur bancaire. C’est une condition minimale si l’on souhaite un développement économique qui soit au service des besoins de l’ensemble de la collectivité et non plus au seul service des intérêts privés et de ceux des actionnaires. Que nous a répondu le P.S. ? Il a pris la tête d’un gouvernement qui démantèle les droits aux prépensions et aux pensions, aux allocations de chômage, qui continue à détruire les services publics et à précariser le marché de l’emploi.
Oui, Il faut bien le constater, nous n’avons plus de relais politique à gauche !
En fonction de ce constat d’un vide politique presque complet à gauche, il faudrait aussi que les syndicats réinterrogent leur stratégie d’action : jusqu’où mène-t-on les combats et avec quel degré d’indépendance par rapport « aux amis politiques »…  Certains événements, mouvements sociaux d’envergure qui ont eu lieu dans certaines parties du monde montrent qu’en étant déterminé, on peut obtenir des victoires importantes même si celles-ci sont partielles et ne changent pas complètement, loin de là, la face du monde.

Constatant le fait que le PS n’est plus un relais politique pour nos revendications, il faut  se poser la question de travailler à la reconstruction d’une alternative politique à gauche.  ECOLO n’est pas la solution et son dissident récent non plus. Reste les petits partis (PSL, PTB, LCR, PC,…) qui ne sont que des morceaux d’alternatives… Il y a également toutes celles et ceux qui dans les syndicats, les associations, le mouvement des indignés, se démènent pour faire entendre une voix différente en réoccupant le plus possible l’espace public pour s’exprimer. Je pense qu’il faudrait carrément se poser la question de la création d’un nouveau parti de gauche véritablement anticapitaliste. Cette idée doit venir de nous, de la base, de toutes celles et ceux qui, un peu partout, mettent en cause l’ensemble du système capitaliste. Comment faire, je n’en sais rien… De nombreuses tentatives ont déjà eu lieu mais sans succès probant… Les petits partis (PSL, PTB, LCR, PC,…), les associations de gauche, les militants combatifs des  syndicats devraient se rencontrer pour œuvrer dans ce sens là. En tout cas, pour qu’une grande partie de la population entre dans une contestation plus radicale du capitalisme, nous avons absolument besoin de ce nouveau relais politique. Celles et ceux qui aujourd’hui, dans ou à l’extérieur du mouvement syndical, prennent des initiatives pour concrétiser cette recomposition à gauche sont à soutenir. Nous devons nous engager avec eux pour que ce nouveau parti anticapitaliste devienne réalité.
Freddy Bouchez
Coordinateur de l’ASBL CEPRé
Militant FGTB/Centre.

[1er Mai à Charleroi]

samedi 25 février 2012

[Nous sommes tous grecs]


Nous sommes tous grecs

Le capitalisme veut sortir de sa crise profonde par une offensive sans précédent contre les peuples. Ce qui se passe en Grèce, jours après jours, est un véritable laboratoire qui permet de tester jusqu’où la violence de ces attaques peut être supportée.
Sitôt les mesures imposées par la Troïka (FMI, BCE, UE), adoptées pour la forme par le parlement grec au cours d’une nuit d’enfer où l’offensive d’austérité se doubla d’une répression féroce contre la population et transforma Athènes et Thessalonique en « chambres à gaz » pendant des heures, les « serviteurs » du capital s’empressent de mettre la barre encore plus haut, et les agences de notation la note encore plus bas… « Il l’a bien cherché » continue-t-on à entendre du petit peuple grec. On s’apitoie surtout sur le sort des créanciers privés, banques et fonds d’investissement qui auraient « perdu de l’argent » en concédant un effacement partiel de la dette de la Grèce mais on passe sous silence les plantureux et scandaleux bénéfices qu’ils en ont tiré au cours des dernières années en plongeant la Grèce dans une dette abyssale.
Les « marchés » ont définitivement cadenassé la  « démocratie ». Les chefs des deux partis de la coalition au pouvoir, le PASOK (socialiste) et Nouvelle Démocratie ont même été obligés de s’engager par écrit à respecter les promesses faites d’économies budgétaires et de réformes y compris après les élections législatives anticipées, prévues sous peu.
Mais ce n’est pas encore assez. Les « experts » n’ont pas attendu une minute pour reprendre leur travail de sape : les calculs n’étaient pas bons, il faudra de nouvelles coupes sombres. Le fruit doit être pressé jusqu’au bout.
Dans cette spécialité, notre ancien premier ministre libéral, Guy Verhofstadt, montre ses crocs : « Le seul moyen de nettoyer les écuries d'Augias et de faire entrer les Grecs dans la modernité à laquelle ils aspirent est de provoquer une grande vague de libéralisation visant à découpler le travail de l'Etat. C'est tout le marché du travail qu'il faut donc réformer dans un premier temps, ainsi que supprimer les barrières administratives et règlementaires restreignant l'activité économique, puis il faudra privatiser les entreprises publiques, sitôt la situation économique suffisamment stabilisée pour éviter le bradage des biens nationaux à vil prix. (…)La stabilité des finances publiques n'est qu'un des éléments d'une politique globale qui doit aussi conjuguer la solidarité et la croissance. Une perspective dont la Grèce n'est d'ailleurs pas seule à avoir besoin. » (Le Soir – 22/02/12)
Voilà qui est clair, non seulement pour les grecs mais aussi pour tous les travailleurs européens dont le sort se joue aussi en Grèce, en Espagne, au Portugal. Chaque attaque où qu’elle apparaisse, est une attaque contre tous.

MES ?
Les parlements nationaux sont muselés. Il en va de même partout en Europe ou se joue actuellement le sort du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) : au sein de ce mécanisme, les décisions seront prises par le Conseil des gouverneurs composé exclusivement des ministres des finances de la zone euro. Aucun veto, ni aucune autorité des parlements nationaux n’est prévu sur ces ministres lorsqu’ils agissent au titre de gouverneurs. De plus, ils jouiront en cette qualité d’une immunité totale leur permettant d’échapper à toute poursuite judiciaire. Qui a fait la moindre publicité à ces discussions qui nous engagent sur le long terme ?
« Négation des compétences fiscales et budgétaires des parlements nationaux, déni des principes de base de la démocratie, impossibilité d’opposer un veto, immunité judiciaire totale, opacité des documents… Autant de procédés antidémocratiques qui m’amènent aujourd’hui à vous demander d’adopter une position claire quant à ce traité. Allez-vous l’accepter ou le rejeter ? Il va sans dire que je prendrai en compte votre réaction sur cette question cruciale la prochaine fois que je serai appelé(e) aux urnes » c’est le texte d’une lettre que le CADTM propose d’adresser aux parlementaires belges sur cette question. Ils ne semblent pas presséEs de répondre. Sur les douze parlementaires qui ont répondu au CADTM, seuls deux ont indiqué vouloir voter contre, sept « ne se prononcent pas »…

Ni pour, ni contre…
…bien du contraire ! C’est l’attitude adoptée par le PS français dans les votes à l’Assemblée comme au Sénat. « Le MES devrait finir sans être inquiété son petit bonhomme de chemin parlementaire. Ce nouveau fonds de soutien aux pays de la zone euro en difficulté, le «Mécanisme européen de stabilité», a été adopté, mardi à l’Assemblée, la droite et le centre l’approuvant, tandis que les socialistes se sont abstenus à l’exception d’un quinzaine d’entre eux » conclut Libération (23/02/2012).
En Grèce, comme partout en Europe, seule la rue pourrait imposer une alternative aux politiques d’austérité qui s’installent dans un vide démocratique absolu.

Que font les syndicats ?
C’est dans ce contexte que la Confédération Européenne des Syndicats (CES) appelle à une journée européenne d’action le 29 février. La CES cerne les vrais enjeux : la pauvreté qui gagne du terrain, l’emploi qui sombre, le sauvetage des banques préféré à celui des peuples, le drame du peuple grec,… mais se trompe de réponses et de moyens d’action. Peut-on croire que la relance (du système capitaliste) va stopper ses attaques constantes contre les conquêtes des travailleurs que sont les systèmes de Sécurité Sociale, le Droit du Travail, la Démocratie ? Et qui peut penser que, malgré leur simultanéité, quelques milliers de manifestants éparpillés dans chaque pays, au bon vouloir de leurs directions syndicales nationales, auront plus de poids que les millions de travailleurs qui ont affronté l’offensive capitaliste de la Grèce à l’Espagne en passant par la Belgique, la Roumanie, le Portugal et tant d’autres pays ? Oui, il est temps de porter le combat au niveau européen, mais de manière bien plus déterminée, sur des objectifs bien plus radicaux. Une autre voie est possible : celle qui, s’appuyant sur les larges mobilisations dans de nombreux pays, modifiera le rapport de forces en faveur des travailleurs.

Freddy Mathieu – 23/02/12

jeudi 16 février 2012

Eleftherotypia (Liberté de la presse)

Ci-dessous la traduction en français de la « Tribune Libre » de Moissis Litsis, dirigeant du mouvement gréviste des 800 travailleurs et travailleuses du grand quotidien grec Eleftherotypia (Liberté de la presse) qui vient de sortir ce matin. La parution du journal autogéré Les Travailleurs à Eleftherotypia représente un énorme pas en avant. Une telle expérience autogestionnaire dans la Grèce actuelle de la crise cataclysmique sociale, économique et politique constitue un exemple tangible et très visible de ce qui doit etre fait partout ailleurs pour débloquer une situation qui a déjà atteint les limites des luttes défensives les plus radicales.

[Ça y est ! C’est fait ] Les travailleurs d’Eleftherotypia, un des plus grands et plus prestigieux quotidiens grecs, vont de l’avant dans la grande entreprise de l’édition de leur propre journal « Les Travailleurs à Eleftherotypia » !
Depuis le mercredi 15 février, les kiosques dans tout le pays affichent à côté des journaux habituels un journal de plus, écrit par ses propres salariés. Un journal qui ne cherche pas seulement à mettre en évidence la lutte des travailleurs de Eleftherotypia, mais qui veut aussi être un journal d’information complète, spécialement en cette période si critique pour la Grèce.
Les 800 travailleurs et travailleuses à l’entreprise X. K. Tegopoulos, qui édite le journal Eleftherotypia, des journalistes aux techniciens, des nettoyeuses aux employés et aux concierges, sont en grève reconductible depuis le 22 décembre 2011 puisque le patron ne leur verse plus leurs salaires depuis août passé !
Les travailleurs de Eleftherotypia, voyant que le patron demande l’application de l’article 99 du code des mises en faillite, en vue de se protéger de ses créanciers, en réalité ses salariés auxquels il doit un total d’environ 7 millions d’euros en salaires impayés (!), ont décidé parallèlement aux mobilisations et aux actions en justice de faire paraître leur propre journal. Un journal distribué par les agences de la presse dans tout le pays, pour le prix de 1 euro (contre le 1,30 euro qui est le prix habituel des autres journaux), avec comme objectif de soutenir da caisse de grève.
Etant impayés depuis sept mois, les travailleurs et travailleuses de Eleftherotypia sont soutenus par un mouvement de solidarité des diverses collectivités ou même des citoyens isolés qui font des dons en argent ou en espèces (nourriture, couvertures, etc). Avec l’édition de leur propre journal et l’argent de sa vente, ils pourront soutenir financièrement leur grève sans qu’il y ait la moindre médiation de personne : En somme, ils avancent dans une sorte d’autogestion.
Le journal a été confectionné dans un atelier ami, dans une ambiance qui rappelait l’édition d’un journal clandestin, puisque la direction, dès qu’elle a appris que les journalistes vont de l’avant dans leur entreprise d’édition, a coupé d’abord le chauffage, ensuite le système employé par les rédacteurs pour écrire leurs articles et enfin, elle a fermé l’atelier lui-même, bien que pour l’instant l’accès aux bureaux du journal reste libre. Eleftherotypia des Travailleurs a été imprimé dans une imprimerie étrangère à l’entreprise avec l’appui des syndicats des salariés de la presse, parce que les travailleurs de sa propre imprimerie hésitaient à occuper leur lieu de travail.
La direction qui a peur de l’impact de l’édition autogestionnaire du journal, menace de recourir à des actions en justice, elle intimide en menaçant de licencier les membres du comité de rédaction qui ont été élus tout a fait démocratiquement par l’assemblée générale des grévistes. Cependant, le public grec, et pas seulement les lecteurs de Eleftherotypia, attendait avec grand intérêt sa parution – on a été submergé par les messages encourageant les journalistes à éditer seuls le journal – puisque la dictature des marchés est couplée de la dictature des medias qui rendent opaque la réalité grecque. S’il n’y avait pas le climat consensuel cultivé par la plupart des medias en 2010, avec l’argument qu’il n’y avait pas d’alternative quand le gouvernement Papandreou signait le premier Mémorandum dont l’échec patent est reconnu maintenant par tout le monde, on aurait peut être vu le peuple grec se révolter plus tôt pour renverser une politique catastrophique pour toute l’Europe.
Le cas d’Eleftherotypia n’est pas unique. Des dizaines d’entreprises du secteur privé ont cessé depuis longtemps de payer leurs salariés, et leurs actionnaires les ont virtuellement abandonnées en attendant des jours meilleurs… Dans la presse, la situation est même pire. A cause de la crise, les banques ne prêtent plus aux entreprises tandis que les patrons ne veulent pas payer de leur poche, préférant avoir recours à l’article 99 –il y au moins 100 sociétés cotées en bourse qui l’ont déjà fait- afin de gagner du temps en vue de l’éventuelle faillite grecque et de sa probable sortie de la zone euro.
Elefthrotypia a été créée en 1975 comme un « journal de ses rédacteurs » dans la période de radicalisation qui a suivi la chute de la dictature en 1974. Aujourd’hui, dans une époque marquée par la nouvelle « dictature des créanciers » internationaux, les travailleurs et les travailleuses d’Eleftherotypia ont l’ambition de devenir l’exemple lumineux d’une information totalement différente, en résistant à la « terreur » tant du patronat que des barons des medias, qui ne voudraient absolument pas voir les travailleurs prendre en main le sort de l’information.

Moissis Litsis

vendredi 10 février 2012

[Catastroïka]

Catastroïka

Un nouveau documentaire est en préparation en Grèce : « Catastroïka » (voir ici pour soutenir le projet).
Dans le cadre de ce documentaire, une interview de Naomi Klein a été réalisée dont voici un extrait :

Συνέντευξη: Η Naomi Klein για την κυβέρνηση Παπαδήμου from ThePressProject on Vimeo.

Transcription : « Ce qui se passe actuellement en Grèce, ressemble en quelque sorte à ce qui s’est passé en Corée du sud durant la crise asiatique, dans le sens où il y a eut cette guerre évidente avec la démocratie. La Corée du sud était en pleine période électorale quand le FMI a obligé tous les candidats à la présidence à signer l’accord passé avec le FMI. En réalité le FMI a annulé le sens même des élections.
Et peu importe le résultat des élections, l’accord reste inchangé parce qu’ ils redoutaient que celui qui négocie avec le FMI, n’aura pas une grande influence politique pour imposer l’accord et perdra les élections.
C’est le moment ou le masque tombe complétement et où le système des marchés est en guerre avec la démocratie. Les projets du néolibéralisme sont de discréditer la démocratie et de faire en sorte que les élections deviennent une course au candidat le plus populaire. Les marchés veulent de la sécurité. La sécurité que les élections n’amènent aucun changement au statu quo des affaires.
Et il y a beaucoup de mécanismes pour assurer ce statu quo. La soit-disant indépendance de la banque centrale  est un de ces mécanismes avec lequel ils disent : « les hommes politiques ne peuvent pas toucher à nos jouets ».
Dans « la Stratégie du Choc » je raconte que c’est ce qui s’est passé au Chili durant la période transitoire  vers la démocratie. La fin de la dictature de Pinochet est survenue comme le régime Pinochet l’a voulue. C’était une transition contrôlée. Les « Chicago boys » (groupe d’économistes qui ont travaillé avec Pinochet) disaient ouvertement qu’ils allaient réinventer le sens, la définition de la démocratie, vers une démocratie technocratique.
Dans la réalité il s’agit d’une démocratie où l’économie est hors d’atteinte des politiques. Ils ont utilisé des mécanismes constitutionnels, de sorte que tout changement des règles du jeu économique devienne impossible ou illégal. Les programmes de restructuration sont  une des manières d’atteindre leurs buts. Les accords du libre échange en est une autre.
Il y a plusieurs manières de raconter l’histoire du néolibéralisme, comme l’histoire du « comment lier les mains de la démocratie », de sorte qu’elle ne puisse pas inciter le pouvoir à changer l’économie.
La Grèce est considérée comme une nation peuplée d’enfants à qui il faut retirer des mains les clés de la voiture. »

Nous y sommes. La stratégie est bien en place en Grèce depuis quelques années. Le dernier article de Panagiotis Grigoriou, qui revient sur 2 années de choc total, montre bien la ligne de conduite utilisée.
Briser le mécontentement. Assurer "qu’il n’y a pas d’autre solution" quitte à s’asseoir sur la constitution grecque. Laisser la population dans l’incertitude en changeant les règles chaque semaine. Le match d’hier semble terminé. A moins que…

publié sur http://www.okeanews.fr/strategie-choc-grece-interview-naomi-klein/
(transcription : remerciements très chaleureux Panayota pour son aide)

10 février 2012
 Les banques prennent le pouvoir...  

"le FMI a imposé son plan pour ce qui est de la récolte de l'impôt. Plus de 200 centres des impôts fermeront durant 2012, les trois quarts du pays. Désormais, l'impôt et sa perception (ex-élément régalien d'un État qui n'est plus souverain), sera transféré aux banques..."

samedi 4 février 2012

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

Crise humanitaire sans précèdent en Grèce

 Par Sonia MITRALIAS 


Discours prononcé devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : « Les mesures d’austérité - un danger pour la démocratie et les droits sociaux".

Presque deux ans après le début du traitement de choc imposé par la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fonds Monétaire International à la Grèce, son bilan est catastrophique, révoltant et inhumain.
Tout d’abord, même les inspirateurs de ces politiques admettent maintenant ouvertement non seulement leur échec patent, mais aussi que leurs recettes étaient dès le début totalement erronées, irréalistes, inefficaces et même contre-productives. En voici une illustration qui concerne non pas une question secondaire mais le cœur du problème, la dette publique grecque elle-même : Selon tous les responsables du désastre grec, si leurs politiques (d’austérité plus que draconienne) résultent efficaces à 100%, ce qui est d’ailleurs totalement illusoire, la dette publique grecque sera ramenée en 2020 à 120% de PIB national, c’est-à-dire au taux qui était le sien …en 2009 quand tout ce jeu de massacre a commencé ! En somme, ce qu’ils nous disent maintenant cyniquement c’est qu’ils ont détruit toute une société européenne… absolument pour rien !
[Mais, comme si tout ça ne suffisait pas], ils persistent à imposer aux Grecs –mais aussi pratiquement à tout le monde- exactement les mêmes politiques qu’eux-mêmes admettent qu’elles ont déjà fait faillite. C’est comme ça qu’on est désormais en Grèce au septième « Mémorandum » d’austérité et de destruction de services publics, après que les six premiers aient fait preuve d’une totale inefficacité ! Et c’est aussi comme çà qu’on assiste au Portugal, en Irlande, en Italie, en Espagne et un peu partout en Europe à l’application de ces mêmes plans d’austérité draconienne qui aboutissent partout au même résultat, c’est-à-dire enfoncer les économies et les populations dans une récession et un marasme toujours plus profonds.
En réalité, des expressions telles que « austérité draconienne » sont absolument insuffisantes pour décrire ce qui est en train de se passer en Grèce. Ce n’est pas seulement que les salariés et les retraités soient amputées de 50% ou même, dans certains cas de 70%, de leur pouvoir d’achat dans le secteur public et un peu moins dans le secteur privé.
C’est aussi que la malnutrition fait déjà des ravages parmi les enfants de l’école primaire ou que même la faim fasse son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines des milliers des SDF misérables, affamés et en haillons. C’est que le chômage atteint désormais 20% de la population et 45% des jeunes. (49,5 pour les jeunes femmes).
Que les services publics soient liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux soient réduits (par décision gouvernementale) de 40%, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y ait plus dans les hôpitaux publics même des pansements ou médicaments de base comme des aspirines.
Que l’État grec ne soit pas encore –en ce janvier 2012 !- en mesure de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé.
Que des dizaines des milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants des maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’État grec leur a coupé les subsides et les médicaments.
Que les tentatives de suicide (réussies et pas) s’accroissent à une vitesse hallucinante comme d’ailleurs les séropositives et les toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités…
Que des millions de femmes grecques se voient maintenant chargées en famille des taches normalement assumées par l’État à travers ses services publics avant que ceux-ci soient démantelés ou privatisés par les politiques d’austérité. La conséquence en est un véritable calvaire pour ces femmes grecques : non seulement elles sont les premières a être licenciées et sont contraintes d’assumer les taches des services publics en travaillant de plus en plus gratuitement a la maison, mais elles sont aussi directement visées par la réapparition de l’oppression patriarcale qui sert comme alibi idéologique au retour forcé des femmes au foyer familiale.
On pourrait continuer presque à l’infini cette description de la déchéance de la population grecque. Mais, même en se limitant à ce qu’on vient de dire on constate qu’on se trouve devant une situation sociale qui correspond parfaitement à la définition de l’état de nécessite ou de danger reconnu depuis longtemps par le droit international. Et ce même droit international permet et même oblige expressément les États à donner la priorité à la satisfaction des besoins élémentaires de ses citoyens et non pas au remboursement de ses dettes.
Comme le souligne la Commission du droit international de l’ONU à propos de l’état de nécessité : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu. »
Alors, notre position, qui est d’ailleurs la position des millions de grecs, est claire et nette et se résume au respect de l’esprit et la lettre du droit international. Les Grecs ne doivent pas payer une dette qui n’est pas la leur pour plusieurs raisons.
Primo, parce que l’ONU et les conventions internationales -signées par leur pays mais aussi par les pays de leurs créanciers- intiment à état grec de satisfaire en toute priorité non pas ses créanciers mais plutôt ses obligations envers ses nationaux et les étrangers qui se trouvent sous sa juridiction.
Secundo, parce que cette dette publique grecque ou au moins une part très importante d’elle semble réunir tout les attributs d’une dette odieuse et en tout cas illégitime, que le droit international intime de ne pas rembourser. C’est d’ailleurs pourquoi il faudrait tout faire non pas pour empêcher (comme l’état grec le fait maintenant) mais plutôt pour faciliter la tache de la Campagne grecque pour l’audit citoyen de cette dette afin d’identifier sa part illégitime qu’il faudrait annuler et ne pas payer.

[Notre conclusion est catégorique] : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en fait partie en tant que premier pas vers la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…

Sonia Mitralias