samedi 26 février 2011

[la révolution tunisienne - R+42- ] 8

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Zarzis
J’ai déjà parlé de Zarzis il y a quelques jours. Cette petite ville côtière, juste en dessous de la chaussée romaine qui relie Djerba au continent. Elle est depuis toujours spécialisée dans la pèche aux poulpes. Sur les quais des milliers de gargoulettes s’entassent. C’est une technique de pèche très typique de cette côte. 
C’est d’ici qu’est partie la dernière vague de harragas qui se sont échoués à Lampedusa.
On estime que 4000 jeunes ont quitté la région récemment.  Les plus chanceux sont arrivés intacts en Europe, d’autres y ont laissé la vie en méditerranée, d’autres croupissent dans un centre de rétention, en Italie ou ailleurs.
Il y a ceux qui partent mais aussi ceux qui arrivent et ceux qui restent.
Le commerce de l’exil a complètement déstabilisé le marché du travail local. Les zarzissiens préférant l’eldorado européen, des centaines d’autres jeunes précaires viennent d’autres villes du sud pour remplir les jobs laissés vacants. De Kasserine, de Kebili, d’El Hamma, de Sidi Bouzid ils trouvent des petits boulots dans la pèche, dans le bâtiment. L’exode massif se double donc de multiples exils intérieurs s’ajoutant à la précarité des boulots peu gratifiants.
Le secteur de la pèche a aussi été secoué car de nombreux professionnels, acculés par les dettes vis-à-vis des banques ont préféré vendre leur embarcation –souvent à prix d’or- pour qu’elle soit recyclée par les passeurs. On compte d’ailleurs parmi eux d’anciens matelots reconvertis.
C’est ici aussi que le gouvernement Ghannouchi (sous Ben Ali) avait eu la bonne idée d’installer une Zone Franche : tout bénéfice pour les entreprises qui s’installent à l’œil mais le chômage des jeunes a empiré. Et comme partout ailleurs dans ces régions du sud, il y a ces centaines de diplômés-chômeurs qui désespèrent et tournent en rond. Aujourd’hui ils s’organisent et créent des associations d’aide. Mais quand ils se présentent aux guichets de l’emploi, c’est toujours la même réponse : il n’y a pas de boulot pour vous.
Sous ces coups de boutoir, aussi rapides que profonds, en y ajoutant les contrecoups de la révolution, la ville est au bord de l’explosion.

A Zarzis comme dans tout le pays les travailleurs de Tunisie Telecom ont observé des grèves et organisés des sit-in depuis le début de la semaine. Ils se mobilisent contre les salaires mirobolants accordés à quelques cadres… (voir n°5)

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